Au sud de Troyes, des recherches archéologiques sont menées sur 20 ha, préalablement à l'aménagement d'un Parc logistique. Elles font suite à deux campagnes de fouilles réalisées en 2005 (3 ha) et 2006 (15,5 ha).

Dernière modification
19 février 2016

Ces recherches ont permis de compléter les connaissances déjà acquises sur plusieurs installations protohistoriques, de mettre en évidence l'existence d'un complexe funéraire gallo-romain et de mettre en perspective l'évolution locale du paysage grâce aux études paléoenvironnementales.

Un nouvel habitat du Néolithique ancien

Un nouvel habitat du Néolithique ancien
Situé au sommet d'un vallon partiellement arasé, un habitat de la fin du Néolithique ancien (Villeneuve-Saint-Germain, entre 4900 et 4750 avant notre ère) a été fouillé sur 2 000 m2. Des fosses latérales, des trous de poteau et des fosses à fonction indéterminée (silos ?) ont été identifiés. Un abondant mobilier lié aux activités domestiques et agricoles y a été découvert : céramique, meule, industrie lithique, faune.

Le boom démographique et économique du premier âge du Fer

Trois grands sites d'habitats ouverts (1 à 2 ha), datés de la fin de l'âge du Bronze (-1 400 à -800) et du premier âge du Fer (-800 à -450), ont livré une grande quantité de céramiques, quelques pièces lithiques, des meules mais peu de faune. Ces sites sont caractérisés par de nombreux silos, de grandes fosses polylobées, des puits, des fours enterrés et de nombreux bâtiments sur poteaux (greniers, maisons ?).

La nouvelle organisation de l'espace au second âge du Fer

Au cours de La Tène (-450 à -50), un premier réseau parcellaire est mis en place sur plusieurs dizaines d'hectares. Un espace d'habitat, signalé par de nombreux puits, deux inhumations en silo, un foyer, des fosses, un silo, des vases de stockage et des bâtiments sur poteaux, se développe en zone humide sur au moins 2 ha.
Deux fermes de La Tène finale (fin de l'époque gauloise), distantes d'environ un kilomètre, ont fait l'objet de fouilles en 2006 et 2008 sur de très grandes étendues, révélant leur complexité. L'une semble avoir été abandonnée sous le règne d'Auguste, l'autre, en revanche, semble être restée en activité jusqu'à la fin du IIIe siècle de notre ère et même avoir été agrandie.

Un établissement gallo-romain

L'occupation gallo-romaine de cet établissement est la mieux connue. Bien que la fouille de 2008 ne fasse que jouxter le coeur de l'habitat, les quartiers atteints sont déjà extrêmement intrigants. Les champs, reconnaissables par une série de fossés parallèles délimitant les parcelles cultivées, débutent après un chemin. Les constructions liées à la ferme sont visibles de l'autre côté de ce chemin, où une seconde voie rejoint la première. L'entrée se fait par une longue cour délimitée par un fossé. Sur son côté sud est édifiée, au centre d'une cour rectangulaire entourée de murs, une tour maçonnée large de 5 m. Cette mise en scène est caractéristique des grands mausolées funéraires de Gaule romaine, implantés au bord des routes. La découverte, à côté de la tour, d'un adulte inhumé en cercueil confirme sans équivoque cette interprétation.
De l'autre côté de la cour, d'autres espaces ceints par des fossés sont accolés les uns aux autres et continuent à l'ouest, au-delà de la partie fouillée. Dans l'un d'eux ont été découverts trois bébés inhumés dans des amphores, deux personnes en cercueil, et un bûcher semi-enterré, de la taille d'un homme adulte près des deux tombes. Une bourse de 36 monnaies de bronze à la ceinture d'un des squelettes permet de situer l'enterrement à la fin du iiie siècle, soit à une date tardive par rapport à la création de la ferme. La compréhension du site est complexe car l'utilisation des lieux évolue dans le temps.
Qui pouvait vivre là ? Ce site énigmatique semble avoir d'abord appartenu à un notable, capable de faire édifier un grand monument à sa mémoire, sur un modèle typiquement romain. Puis le lieu continue d'être habité par une petite population au moins jusqu'au iiie siècle. De nombreux objets témoignent d'activités variées. L'élevage est attesté par des cloches à animaux, l'agriculture par l'identification de champs et par une faucille, le bûcheronnage par une série de haches, la métallurgie du fer par des scories, enfin celle du bronze par une concentration de morceaux d'épée, de pilum (lance) et de bijoux destinés à être refondus.

L'environnement et l'évolution du paysage

La fouille de 2008 complète les données recueillies lors de la campagne menée en 2006. Les décapages recoupent plusieurs vallons humides qui se jettent dans le ruisseau principal traversant le Parc. Les études pédologiques et géomorphologiques permettent de suivre l'évolution du paysage et les rythmes d'anthropisation au cours de plusieurs millénaires (alternance de périodes humides et sèches, degré d'ouverture du paysage...).
Autour du ruisseau de la Fontenotte - exploité dès la fin de l'âge du Bronze jusqu'à la période romaine - une source aménagée et les tracés de paléochenaux ont été découverts. Malgré un environnement humide et contraignant, les populations anciennes ont réussi à maîtriser ce secteur et à s'installer durant plusieurs siècles. La fertilité des terres, supérieure à celles de nombreux autres terroirs du département, explique en partie l'attrait de ces lieux. Pouvoir appréhender ce type de contexte est relativement rare en Champagne-Ardenne.

Un potentiel archéologique rural important

La plupart des sites fouillés ces dernières années s'intègrent dans une trame d'habitat si étendue que les surfaces décapées ne permettent pas encore de cerner totalement l'emprise de chacun des sites. Il en est ainsi de l'habitat du Villeneuve-Saint-Germain comme des nombreuses installations agricoles protohistoriques. Pour ce qui est du complexe funéraire romain, le diagnostic évalue son extension à 4 hectares supplémentaires. Sur l'ensemble du projet, les occupations groupées détectées à ce jour représentent un minimum de 50 hectares, sans compter les occupations ponctuelles et les sites « isolés ». Par ailleurs, la variété des contextes locaux (zones humides, plaine, bois) ainsi que les données pédologiques expliquent la relative bonne conservation des vestiges, y compris des périodes les plus anciennes. Ce projet se prête tout particulièrement à l'analyse et les données archéologiques et environnementales recueillies favoriseront une meilleure compréhension de l'organisation de ce terroir durant quelques millénaires d'exploitation agricole.

Prescription et contrôle scientifique

Service régional de l'archéologie (Drac Champagne-Ardenne)
Aménagement : Conseil général de l'Aube
Responsable scientifique : Raphaël Durost, Julien Grisard, Vincent Riquier (Inrap)