À Antibes, Alpes-Maritimes, un projet de construction d'immeuble au n° 64 avenue de Nice a motivé la prescription d'une fouille sur une superficie de 1 200 m2 après un diagnostic ayant mis en évidence plusieurs inhumations datées de l'Antiquité tardive ou du haut Moyen Âge.

Dernière modification
12 mai 2016

Une équipe d'environ 5 personnes a travaillé sur le terrain pendant 7 semaines durant l'hiver 2010-2011. Une soixantaine de sépultures a été mise en évidence. Seule la partie menacée par la construction a été intégralement fouillée, soit une trentaine de tombes.
La nécropole est située sur une terrasse en pente vers l'est, dominant le rivage proche. Située à 3 km au nord de la ville, et à 100 m à l'est du tracé supposé de la voie aurélienne reliant l'Italie à la vallée du Rhône, que reprendrait l'actuelle avenue de Nice, la nécropole apparaît relativement isolée. Aucun habitat ou lieu de culte connus ne sont signalés à proximité. Elle ne paraît pas résulter de l'extension d'une zone funéraire plus ancienne.


Les sépultures dégagées appartiennent à une nécropole dont les limites, à l'exception de la limite orientale, outrepassent celle de la parcelle fouillée. Datées des VIe et VIIe siècle apr. J.-C. par les amphores réutilisées dans leur aménagement, elles sont mises en place dans un délai relativement court. En effet, aucun recoupement de sépulture ni aucune réduction de corps n'ont été observés. Les fosses des sépultures sont globalement orientées est-ouest. Leur concentration est assez inégale. Elles sont regroupées en rangées de 3 ou 4 unités, sommairement agencées. Les rangées sont desservies par des cheminements sous lesquels ont été parfois inhumés les très jeunes enfants.

Des critères évoquant les conditions de vie

Malgré le médiocre état de conservation des ossements il a été possible de recenser 9 adultes dont 5 femmes et 4 hommes, et 18 enfants entre 0 et 15 ans. Les adultes étaient âgés de moins de 40 ans, ce qui laisse entrevoir une spécialisation des secteurs de la nécropole. Aucun signe d'épidémie n'a été relevé, écartant l'hypothèse d'une espérance de vie anormalement courte. La dentition des individus montre des signes de carences modérées durant l'enfance ainsi qu'une alimentation essentiellement basée sur les céréales. On note l'absence de caries et la pratique maîtrisée de l'arrachage de dents. Les squelettes présentent des indices d'activités physiques intenses et régulières, autrement dit les conditions de vie d'une population soumise à des conditions de vie rudes mais non pas critiques.

Mode d'inhumation des défunts et gestes funéraires

Les défunts sont inhumés sur le dos, la tête à l'ouest, les bras le long du corps ou les mains posées sur le bassin. La position contrainte de certains ossements et la présence de quelques épingles indiquent l'usage de linceuls. Un matelas végétal paraît avoir été étalé parfois sous le corps du défunt. Les rares éléments de parure sont plutôt modestes : des anneaux d'oreille en argent, une bague en alliage cuivreux et une petite boucle de ceinture sans décor. Seule exception à ce dénuement face à la mort, un enfant portait un collier constitué d'une perle d'ambre et de perles en verre.
 
Les fosses présentent souvent vers le fond un ressaut dont la fonction pourrait être de poser le brancard sur lequel le corps a été transporté. Des galets de petit calibre sont à signaler dans la plupart des comblements, bien que le contexte sédimentaire n'en inclue aucun : s'agit-il d'un geste funéraire ?

L'aménagement des sépultures : des tegulae, des imbrices, des amphores

L'aménagement des sépultures fait appel à la terre cuite et sans doute à des planches de bois associées. Pour les couvertures en bâtière, tegulae et imbrices sont façonnés dans une pâte qui inclut de la pouzzolane ; ces tuiles pourraient provenir du sud de l'Italie. Des amphores orientales (Gaza, Chypre-Rhodes etc.) entières sont réutilisées pour l'inhumation des jeunes enfants. Les conteneurs de plus grande taille, comme les amphores africaines (Tunisie et Lybie), parfois emboîtées, constituent les matériaux d'aménagement de certaines tombes d'adultes.

Pas de signe patent d'appartenance religieuse

Aucune stèle ni aucun signe d'appartenance religieuse n'ont été retrouvés. Trois tegulae portaient des marques digitées cruciformes mais ce type de marquage n'est pas forcément à l'origine un symbole chrétien.
Antibes est dotée d'un siège épiscopal depuis le Ve siècle ; le christianisme y a conquis sans doute la majorité de la population à cette époque, mais il ne faut pas mésestimer l'existence de communautés juives, présence attestée anciennement à Antibes par la découverte d'une stèle funéraire datée du Haut-Empire.
 
La poursuite des études en cours va permettre d'une part d'affiner la caractérisation du milieu aux époques anciennes dans le prolongement des études paléoenvironnementales engagées en 2005 sur le même secteur, et d'autre part de préciser les gestes funéraires accompagnant les inhumations.