La ville

Vue panoramique du chantier
Hôtel-Dieu (place Daviel et rue des Belles-Écuelles), 2010
© D.Gliksman, Inrap

Il y a 8 000 sur la butte Saint-Charles...

Les plus anciennes traces d’occupation humaine connues sur les terres qui bordent le Lacydon (actuel Vieux-Port) et qui deviendront Massalia vers 600 avant notre ère, puis Massilia à l’époque romaine et Marseille bien plus tard encore, remontent au Mésolithique et au Néolithique ancien (fin du IVe millénaire avant notre ère). Elles ont principalement été perçues à travers des vestiges d’habitats mis au jour sur la colline Saint-Charles, mais correspondent aussi à des installations observées sur la rive sud du Vieux-Port, à l’emplacement de l’actuel palais du Pharo.

Une fondation légendaire

L’histoire de Marseille débute par une légende, celle du mariage de Protis, un marin grec venu de la ville de Phocée, en Asie mineure, et de Gyptis, la fille du roi des Ségobriges (une tribu autochtone d’origine ligure). Pour sceller cette union, le Phocéen reçoit en cadeau un territoire bordé sur deux côtés par la mer (au sud, la calanque du Lacydon et, à l’ouest, un littoral rocheux qui s’étend de l’actuel fort Saint-Jean jusqu’à la cathédrale de la Major) et, comprenant trois buttes alignées d’ouest en est (la butte Saint-Laurent, la double butte des Moulins et de la Roquette et enfin la butte des Carmes). Cette topographie particulière conditionnera l’évolution de la cité.

Au commencement vinrent les Grecs

Dès lors la légende laisse place à l’histoire. Les premiers colons grecs s’installent au début du VIe siècle avant notre ère aux abords du quartier du Panier, près du promontoire rocheux du fort Saint-Jean, sur la butte Saint-Laurent. Leur présence est attestée par les découvertes réalisées lors de nombreuses fouilles, notamment celles menées à l’emplacement du tunnel de la Major, sur le parvis de l’église Saint-Laurent ou encore à l’esplanade de la Major. Les traces les plus anciennes ont été identifiées au début du XXe siècle à l’emplacement du fort Saint-Jean.

L’acropole se situe alors probablement quelque part sur la butte des Moulins, les temples d’Artémis Éphésia et d’Apollon Delphinien le long du promontoire rocheux occidental tourné vers la mer et l’agora à l’emplacement de l’actuelle place de Lenche. La cité grecque de Massalia s’étend rapidement vers l’est, au-delà du quartier du Panier, jusqu'aux fortifications, édifiées vers la fin du VIe siècle avant notre ère et repérées à l’extrémité sud du chantier de la Bourse. La ville n’aura de cesse de se développer par la suite et subira au fil des siècles de nombreuses transformations.

D’importants réaménagements interviennent à partir de la période augustéenne (de -27 à 14 de notre ère), notamment perceptibles dans le quartier du port : démantèlement du port de guerre, création d’entrepôts, d’un bâtiment thermal et d’un théâtre… À l’époque paléochrétienne (à partir du début du Ve siècle), la construction de plusieurs basiliques, dont Saint-Victor, entraîne le démontage de nombreux bâtiments antiques, parmi lesquels le théâtre. L’urbanisation reprend timidement au XIIe siècle (reconstruction de la cathédrale de la Major, dite « vieille Major ») et au XIIIe siècle (création de faubourgs à l’est et au nord). Plus récemment, enfin, de profondes transformations remodèlent le paysage urbain : au XVIIe siècle, la création de la ville nouvelle (1666) ; au XIXe siècle, le percement de rue de la République (vers 1860) ainsi que l’édification des palais Longchamp (1869) et du Pharo (1855).

Le commerce, source de prospérité millénaire

Les découvertes archéologiques récentes continuent de mettre en évidence d’importants bâtiments antiques, à vocation agricole, parfois installés assez loin du cœur de la cité (stade Vélodrome, Allée des Vaudrans, Château Gombert, Saint-Jean-du-Désert). Ce développement « rapide », signe de prospérité, est indéniablement lié au dynamisme de son activité maritime qui conditionne presque à elle seule l’histoire de la cité. Marseille est un grand port, au même titre que le port phénicien de Carthage ou le port romain d’Ostie.

L’intensité des échanges commerciaux durant l’Antiquité est notamment perceptible à travers les vestiges mis au jour sur les sites des Docks Romains, des places Jules-Verne ou Villeneuve-Bargemon (aménagements de quais pour décharger les marchandises et entrepôts) et plus généralement à travers les poteries, les amphores, qui ont été mises au jour lors des fouilles. Tout comme les monnaies et divers objets retrouvés, celles-ci proviennent de l’ensemble du bassin méditerranéen et nous renseignent sur les quantités ainsi que sur le flux continu des échanges. Aucun témoignage archéologique n’illustre la période du VIIIe au XIe siècle (haut Moyen Âge), un laps de temps pendant lequel la ville s’est repliée sur elle-même.


L’artisanat florissant (ateliers de potiers de la butte des Carmes pour l’Antiquité, de Sainte-Barbe pour le Moyen Âge) et la culture viticole antique (dans les faubourgs immédiats ou plus éloignés à l’instar des sites de l’Alcazar ou de la Parette) sont également étroitement liés à l’activité du port de commerce (production de vin et exportation). Bien qu’aucune zone portuaire spécifique ne lui soit dédiée à cette époque, la pêche marseillaise est néanmoins réputée dès l’Antiquité et génère la présence d’ateliers d’accastillage. Elle pourrait s’accompagner de salines, qui sont uniquement connues par des textes datés du début du VIe siècle. Les périodes plus récentes mettent également en évidence des zones artisanales importantes, notamment dans les faubourgs orientaux, à la fin du XIIe siècle (tannerie de l’Alcazar) ou encore sur la colline Saint-Charles (manufacture royale de souffre et de salpêtre, du XVIIIe au XXe siècle, observée sur les sites Nedelec et Voie Nouvelle).

L’histoire de Marseille c’est aussi et surtout l’histoire de ses habitants, l’histoire d’une ville cosmopolite fondée sur un mélange de traditions et de populations.