Groupe épiscopal paléochrétien

Mosaïque polychrome située dans une pièce de la demeure épiscopale du Ve siècle. Des bordures à motifs géométriques entourent un panneau central où figurent une composition de « pyramides végétales » et deux faisans affrontés.  © S. Mathie, Inrap
Mosaïque polychrome située dans une pièce de la demeure épiscopale du Ve siècle. Des bordures à motifs géométriques entourent un panneau central où figurent une composition de « pyramides végétales » et deux faisans affrontés.  © S. Mathie, Inrap

Description

Plusieurs fouilles archéologiques menées par l'Inrap à Marseille dans le secteur de la Major au cours des années 1990 et 2000 ont complété les découvertes des XVIIe et XIXe siècles ; elles ont permis de préciser la structure, les aménagements et l'extension d'un vaste groupe épiscopal paléochrétien.

Établi au Ve siècle au nord-ouest de la ville antique sur une falaise dominant la mer, celui-ci regroupe les bâtiments liés au culte chrétien – le baptistère et l'ecclesia, ou cathédrale primitive –, ainsi que la résidence de l'évêque, plus tard appelée palais épiscopal. Cet ensemble confère au quartier un statut de pôle religieux majeur, qu'il conservera jusqu'à nos jours. En effet la cathédrale romane du XIIe siècle (Vieille Major) puis celle du XIXe siècle (Nouvelle Major) ont été bâties au même endroit.

Résultats

Historique des découvertes
Signalés dès le XVIIe siècle dans le jardin de la Prévôté, c'est-à-dire à l'emplacement actuel de la Nouvelle Major, les vestiges du baptistère paléochrétien seront détruits lors de la construction de la Nouvelle Major, entre 1852 et 1855.

Cependant, avant le début des travaux, l'architecte Léon Vaudoyer fait complètement dégager le baptistère avec ses mosaïques, ainsi que les traces de bâtiments voisins. Les observations recueillies seront rassemblées et complétées en 1905 par l'architecte des monuments historiques du Var François Roustan.

En 1994, des sondages effectués par l'Afan à l'occasion de travaux de confortement des piliers de la Vieille Major confirment la présence, sous l'édifice médiéval, des vestiges de la première cathédrale de Marseille. Des fragments de mosaïques comparables à ceux découverts au XIXe siècle sont mis au jour.

En 2000-2001, au cours d'une fouille préalable à la construction du tunnel de la Major, une grande domus organisée autour d'une cour livre les vestiges d'une installation balnéaire. Les traces d'un axe nord-sud antique probablement maintenu au Ve siècle à l'est de la cathédrale laissent penser que le chevet de celle-ci devait être plat.

En 2008, une fouille réalisée dans le cadre de l'aménagement d'une vaste esplanade autour du site des cathédrales apporte de nouveaux éléments. Il en ressort qu'un complexe architectural englobant l'espace thermal et la cour identifiés en 2000-2001 était situé au nord-est de la cathédrale primitive, le  long d'une rue conduisant au baptistère. Une mosaïque polychrome ornait le sol d'une de ses pièces. Son style très proche de celui des pavements attribués à la cathédrale primitive a permis d'émettre l'hypothèse qu'il s'agissait là de la demeure épiscopale.

Le groupe épiscopal
L'ampleur et le luxe caractérisent l'ensemble des vestiges du groupe épiscopal paléochrétien de Marseille. Sa construction a sans doute été décidée par l'évêque Proculus (381-428), résolu à faire reconnaître l'éclat culturel et spirituel de la communauté chrétienne de Marseille. Initiée au tout début du Ve siècle, elle s'est poursuivie pendant une cinquantaine d'années. Elle a rassemblé des équipes de bâtisseurs, mais aussi des mosaïstes, dont le répertoire iconographique laisse supposer qu'ils étaient originaires d'Afrique.

Le baptistère Saint-Jean, conformément au parti pris architectural des baptistères provençaux contemporains, présente un plan octogonal à l'intérieur, inséré dans un massif carré à l'extérieur. Une colonnade sépare un déambulatoire de l'espace central occupé par la piscine baptismale et vraisemblablement surmonté d'une coupole.

Son emprise au sol est de plus de 600 m2, une surface sans équivalent dans les baptistères connus en Gaule pour la même époque. Des pavements de mosaïques polychromes ornaient le déambulatoire ; l'espace central, le fond de la piscine et la base des parois étaient pourvus d'un revêtement en marqueterie de marbre.

La cathédrale primitive était située 7 à 8 m au sud du baptistère, sous l'emplacement de la cathédrale romane. Elle mesurait une cinquantaine de mètres de long. Si la position de son chevet, à l'est, est inconnue, sa façade occidentale était sans doute alignée sur celle du baptistère. Les vestiges semblent indiquer que sa largeur était identique à celle de la cathédrale médiévale, c'est-à-dire de 25 m. Son emprise correspondrait ainsi à un module double de celui du baptistère. Des piliers mis au jour font privilégier l'hypothèse d'un bâtiment à trois nef : une grande nef centrale et deux bas-côtés.

Pendant l'Antiquité comme au Moyen Âge, l'accès de la cathédrale devait se faire par le sud. En effet deux alignements de sarcophages en pierre perpendiculaires à l'édifice, figurant sur les relevés du XIXe siècle, semblent garder la trace d'un ancien cheminement.

Le palais épiscopal est la riche domus de l'Antiquité tardive découverte en 2001 puis en 2008 au nord-est de la cathédrale. Destiné à l'accueil et au logement de l'évêque et des clercs, il se composait d'une quinzaine de salles disposées autour d'une cour intérieure.

Un pavement de mosaïque polychrome comprenant plusieurs bordures géométriques recouvrait le sol d'une pièce d'environ 25 m2.

Un complexe thermal aménagé au milieu du Ve siècle dans l'aile orientale assurait un confort certain à la résidence épiscopale ; une salle était équipée d'un système de chauffage par hypocauste (fourneau souterrain), l'air circulant sous le sol entre des petites piles de briques (suspensura).

Le destin des édifices
Parmi les édifices constituant le groupe épiscopal, le baptistère est celui qui semble avoir le mieux résisté aux assauts du temps : lors des travaux de 1852, son angle nord-est, sa piscine et un reste de pavement en opus sectile (sol formé à partir d'un assemblage de plaquettes) présentaient encore un bon état de conservation.

Concernant la cathédrale, des fragments de chancel (barrière séparant le chœur des autres parties de l'église) et une bordure d'autel mis au jour au XIXe siècle prouvent qu'un réaménagement de l'espace liturgique est intervenu au haut Moyen Âge. Une ordonnance de l'évêque Pons II en 1073 mentionne la reconstruction partielle de l'édifice ; l'ajout d'une abside semi-polygonale sur la façade orientale pourrait dater de cette époque. On sait enfin que Notre-Dame-de-la-Major (dite la Vieille Major), bâtie au XIIe siècle, reprend en grande partie l'emprise de la cathédrale paléochrétienne.

La destruction du palais épiscopal a lieu entre le VIIIe et le IXe siècle, dans une période d'instabilité politique. On ignore sa nouvelle localisation, du moins jusqu'au XIIe siècle, où il est installé sur la butte des Carmes.