A Pithiviers, Loiret, le projet d'aménagement du contournement nord de la ville de Pithiviers, dans le Loiret, a nécessité la réalisation, en 2008, d'un diagnostic archéologique (mené par C. Landreau, Inrap).

Dernière modification
17 mai 2016

Les résultats de ces recherches ont entraîné une prescription de fouilles sur deux sites datés du second âge du Fer, sur une superficie linéaire d'environ 2 hectares :
- le site du Vieux Chemin d'Étampes a permis d'étudier une partie d'un établissement rural de la fin de La Tène ;
- le site du Bois Médor a porté sur un espace occupé essentiellement à La Tène ancienne.


Les résultats de cette campagne de fouille sont nombreux et la vision longitudinale qu'implique l'étude du tracé permet de mettre en évidence des espaces d'occupation privilégiés. Le passage au second âge du Fer, bien représenté, montre des changements remarquables, dans la gestion du stockage des denrées, la durée des occupations, la présence d'activités de travail du métal, et celle, assez probable, d'une aristocratie terrienne.
La découverte des inhumations en silos associées à un riche mobilier appuie cette observation et constitue une originalité supplémentaire du site de La Tène ancienne. La fondation d'un enclos monumental, vers le IIe siècle avant notre ère, illustre une évolution fondamentale de cette société du second âge du Fer, à savoir la manifestation de la propriété, qui constitue pour l'essentiel de l'aristocratie gauloise la base de la richesse et du pouvoir.

Des occupations dès le Néolithique ancien

La première occupation observée, sur le site du Vieux Chemin d'Étampes, constitue pour le moment l'un des habitats néolithiques le plus ancien de la région Centre. La céramique et les fragments de bracelets en schiste, mis au jour dans 3 fosses-dépotoirs, permettent de rattacher cet habitat à la culture « Blicquy-Villeneuve-Saint-Germain ».
Mais l'essentiel des occupations se succède dans l'espace d'un millénaire, à partir de la fin de l'âge du Bronze. Quelques fosses livrant un abondant mobilier céramique matérialisent un habitat daté du Bronze final (transition XIe-Xe siècles avant notre ère). Des traces d'occupation sont ensuite observées, sur le site du Bois Médor où plusieurs fosses et silos datés des VIIe-VIe siècles avant notre ère (Hallstatt C-D1) ont été mis au jour. Au Ve siècle avant notre ère, un habitat ouvert se met en place, caractérisé par sa longue durée d'existence et son étendue. La fin du deuxième âge du Fer (IIe-Ier siècle avant notre ère) voit l'implantation d'un établissement rural enclos (site du Vieux Chemin d'Étampes) qui perdurera jusqu'à la période augustéenne.

Le stockage des denrées à la Tène ancienne

Les vestiges étudiés sur le site du Vieux Chemin d'Étampes correspondent essentiellement à une occupation rurale mise en place durant la seconde moitié du Ve siècle avant notre ère (La Tène A1) qui perdurera jusqu'au début du IIIe siècle avant notre ère (fin de La Tène B). Les principaux vestiges découverts sont des structures de stockage, silos, celliers et greniers aériens, dont la taille semble diminuer avec le temps. Les celliers, aménagements de plan carré, similaires aux caves fouillées sur certains oppida, apparaissent comme des exceptions originales dans un contexte aussi ancien où le stockage est dominé régionalement par l'utilisation de silos.

Des activités de forge à La Tène ancienne

L'étude du petit mobilier mis au jour sur l'occupation des Ve-IVe siècles fait apparaître la présence remarquable d'activités de forge (et celle, plus discrète, du travail des métaux fusibles). La découverte d'un demi-produit en fer (réserve de métal) pratiquement complet permet d'envisager une activité de production fondée sur l'exploitation de fines barres de fer. Les quelques outils identifiés sont variés et il faut noter la présence, peu courante, d'une lime à métaux en fer dans un contexte du Ve siècle. Une alêne, une gouge et une scie (à métaux ?) complètent la panoplie mise au jour. Scories et chutes de barres et de tôles illustrent également ces activités artisanales.

Des dépôts humains remarquables

La découverte la plus remarquable des fouilles de la déviation de Pithiviers est sans conteste celle de 6 corps humains disposés dans 4 dépôts différents, eux-mêmes répartis dans 3 silos datés du Ve au début du IIIe siècle avant notre ère (La Tène ancienne). Le dépôt le plus ancien est celui d'une femme probablement décédée de mort violente, et ayant fait l'objet d'un traitement particulier, notamment de manipulations post-mortem. Elle est déposée sur le fond d'une grande structure de stockage alors abandonnée. Un second corps humains sera déposé sur le fond d'un silo voisin daté de La Tène A2. Ce même silo (le plus grand fouillé sur le site, avec une capacité de 6 m³) contenait le corps d'un enfant soigneusement allongé sous un renfoncement de la paroi. Cet enfant de 10 à 14 ans portait une fibule en fer de type Marzabotto, une parure caractéristique du Ve siècle avant notre ère. Chose exceptionnelle, il était également accompagné d'une épée en fer dans son fourreau, et très probablement d'un bouclier muni de riches ornements en fer. L'épée et son fourreau, la fibule en fer et le mobilier céramique découvert dans le comblement du silo permettent de dater ce dépôt de La Tène A2.
Cette association d'un corps humain - qui plus est d'un enfant - avec une panoplie militaire, dans un contexte si particulier, est à ce jour une découverte unique qui dépasse largement le cadre régional (le phénomène des inhumations en silo s'étend sur une grande partie de l'Europe septentrionale).

La dernière inhumation est également particulière puisqu'elle concerne 3 corps humains, deux adultes et un jeune enfant. Seul un adulte est déposé assez soigneusement, sur le dos ; les 2 autres défunts sont disposés sur le ventre. Le second adulte porte sur son poignet droit un bracelet en bronze d'un type simple compatible avec une datation placée à La Tène ancienne ; cette découverte fait écho à une inhumation en silo du site de Neuville-aux-Bois La Grande route (Loiret ; fouille D. Josset/Inrap), où une femme déposée sur le dos portait deux bracelets et un torque en bronze.

Ces 4 inhumations différentes constituent à ce jour un des ensembles les plus originaux de la région Centre. La diversité des modes de dépôts, celle du recrutement des défunts, et enfin la présence d'un mobilier métallique aussi varié qu'inattendu contribuent à alimenter les réflexions sur la nature des inhumations en silo. Ces données inédites permettent de définir ce groupe d'inhumation comme un nouvel ensemble de référence.

Une occupation aristocratique à La Tène finale ?

Les quelques 3 000 m² fouillés sur le site du Vieux Chemin d'Étampes ont permis d'étudier une portion d'un grand établissement rural caractérisé par deux enclos fossoyés emboités, de plan probablement quadrangulaires. L'enclos central et principal est un puissant fossé taillé en V dont les dimensions atteignent jusqu'à 4 m de largeur et 2,50 m de profondeur. Ce fossé a dû fonctionner avec un grand talus interne qui ne sera ouvert (sur l'espace fouillé) qu'à la fin de l'occupation, par l'aménagement d'une passerelle. L'espace interne à cet enclos a livré un grand bâtiment sur poteaux de plan carré, d'un type couramment rencontré à la fin du deuxième âge du Fer. Constitué de 4 poteaux porteurs centraux, ce bâtiment dispose de parois rejetées seulement matérialisées sur la façade sud par 2 poteaux encadrant une entrée. Il pourrait être contemporain d'une phase avancée de l'occupation lors de laquelle on aménage une passerelle en travers du fossé ; celui-ci accueille alors d'abondants rejets domestiques constitués de céramiques de consommation, de quelques tessons d'amphores italiques, et surtout de nombreux restes d'ossements animaux. L'étude de ces restes met en évidence des pratiques particulières (sous la forme de dépôts anatomiques) qui, si elles ne peuvent être rattachées avec certitude à une pratique cultuelle, permettent de supposer la présence d'une élite aisée sur le site.
Cette hypothèse semble être confirmée par la présence simultanée d'un fossé d'enclos d'aspect « monumental », de céramique d'importation (amphores italiques et vaisselle de type Besançon), de parure (2 fibules), de monnaie (un potin), d'armement (un talon de lance).

Tous ces éléments permettent de définir cet établissement rural enclos (aujourd'hui presque intégralement détruit) comme la résidence d'une élite ou tout du moins d'une famille relativement aisée.
La fondation de l'occupation intervient probablement dans la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère. Le courant du Ier siècle avant notre ère marque le déclin de l'occupation et l'abandon des fossés d'enclos. Le premier quart du premier siècle de notre ère voit l'abandon définitif du site.