A Issoudun, Indre, cette opération de fouille fait suite à une évaluation réalisée en février 2002 (J. Tourneur/Inrap).

Dernière modification
17 mai 2016

Celle-ci avait permis de confirmer la présence d'un vaste cimetière médiéval et moderne avec une très forte densité d'inhumations. La surface décapée est de 1 341 m2, mais seuls 500 m2 de stratigraphie ont été préservés intégralement afin de pouvoir garder des secteurs de fouille et d'observer la densité et les nombreux recoupements entre sépultures.

Pour le reste (environ 800 m2), un décapage jusqu'au terrain naturel a été réalisé et seules ont été conservées les structures permettant une datation par le mode d'inhumation (sarcophage, coffrage de pierres) ou par le mobilier funéraire (céramiques, monnaies, petits objets en bronze, etc.). Ce cimetière est situé au nord-est de l'actuel centre ville d'Issoudun, compris dans l'ancien faubourg Saint-Jean qui se développe en dehors des fortifications érigées au XVe s.

L'origine de cet espace funéraire est très certainement liée à la construction en 1240 par Blanche de Castille du couvent des cordeliers aujourd'hui disparu, mais situé initialement à quelques mètres à l'est du futur Centre de l'image d'Issoudun. Le cimetière est abandonné à la fin du XVIIIe s. avant de laisser la place à un jardin public qui est encore utilisé de nos jours. Une des problématiques de ce site était de reconnaître la présence d'éléments antérieurs à la période médiévale (funéraire) afin de compléter les connaissances sur l'origine de la ville (antique, voire protohistorique). De même, pour le cimetière, il convenait de confirmer sa création au XIIIe s. et son rattachement aux bâtiments conventuels tout proches. Enfin, dans la mesure du possible, il était important de tenter de mieux appréhender l'organisation et l'évolution de cette aire funéraire depuis son origine jusqu'à sa fermeture définitive en 1798.


La fouille a permis de confirmer l'absence totale de vestiges avant la période médiévale. Les premières structures de ce site semblent se rapporter à un réseau de carrières composées de puits d'extraction et de galeries souterraines dont certaines se sont en partie effondrées au XVIIe s. lors de l'utilisation du cimetière. Les matériaux extraits pourraient avoir été utilisés pour l'édification du couvent ou de la partie la plus ancienne des fortifications (XIIe-XIIIe s.). Les sépultures les plus anciennes sont concentrées dans la partie est du site, à proximité de l'ancien couvent. Il s'agit de sarcophages trapézoïdaux (récupérés) et de coffrages en pierre. Le matériel céramique déposé à l'intérieur des fosses permet de les dater des XIIIe-XIVe s. Les sépultures les plus récentes ont été mises au jour dans la partie sud-ouest du site et sont comprises entre le XVIe et le XVIIIe s. Cette répartition particulière mérite d'être confirmée par l'étude complète des inhumations et de leur mobilier associé mais suggère déjà une certaine évolution à l'intérieur même du cimetière. Un espace vide de sépultures a été identifié, semblant séparer les sépultures les plus anciennes des plus récentes. Celui-ci correspond très certainement à un espace de circulation (chemin ?) interne au cimetière. La mise au jour d'un petit cailloutis damé conservé sur quelques m2 confirmerait cette hypothèse. Au total, 177 sépultures individuelles ont été fouillées sur des secteurs très restreints, permettant d'établir une chronologie relative entre les très nombreuses inhumations qui se recoupent. La découverte la plus surprenante vient de la partie sud-ouest du site qui a livré des structures très particulières. En effet, 14 sépultures multiples ont été identifiées et ont pu être fouillées intégralement (ensemble de six sépultures multiples). Celles-ci correspondent à deux phases de mortalité bien distinctes. La première comprend 12 fosses réparties en 4 rangées orientées suivant un axe nord-ouest/sud-est et la seconde n'est représentée que par deux fosses nord-est/sud-ouest, dont l'une vient recouper une sépulture de la première phase. Les fosses ont un module très similaire du point de vue de leurs dimensions : on note une longueur d'environ 2 m pour une largeur n'excédant pas 1,30 m (détail d'une sépulture multiple). Au moins 206 individus ont été identifiés à l'intérieur de cet ensemble de structures. Chacune d'elles a reçu entre 11 et 22 corps, avec en moyenne 16 personnes par fosse. La répartition des individus à l'intérieur de chaque fosse montre une certaine rationalisation de l'espace, car ils sont tous disposés tête-bêche. Dans la plupart des cas, les adultes sont déposés en premier, dans un souci probablement inconscient de ne pas écraser les plus jeunes. Dans l'ensemble, on note environ 75 % d'immatures, mais les classes d'âges sont très inégales. On remarque une absence des très jeunes enfants (0-1 an) et une très faible représentation des sujets de plus de 30 ans (environ 17 %). L'absence de matériel (habillement) et l'observation de pathologies invalidantes (trouble de croissance chez les enfants) permet de suspecter une population déjà sélectionnée (hôpital, infirmerie). Ces structures sont relativement bien calées chronologiquement car des monnaies et du matériel céramique ont été mis au jour soit dans les comblements, soit dans des fosses sous-jacentes. Il apparaît ainsi que la première phase de sépultures multiples est postérieure à 1651 et la seconde ne doit pas aller au-delà du premier quart du XVIIIe s. L'étude d'archives devrait préciser la datation de ces deux phases de mortalité ainsi que la nature de celles-ci. L'intérêt de cette découverte est de mieux appréhender le fonctionnement et la gestion d'un cimetière lors d'une surmortalité. De même, l'étude démographique par âge et sexe devrait permettre de relier les individus décédés à une crise démographique particulière (peste ? variole ?) et de mieux comprendre les mécanismes de sélection d'une population face à une épidémie.