À Thionville, Moselle, la fouille a été réalisée par l'Inrap, sur des terrains situés allée Raymond-Poincaré et rue Georges-Ditsch, en amont de la construction d'un centre commercial, d'un hôtel, de cinq bâtiments d'habitation, d'un bâtiment de bureaux et d'un parking de 6130 m² sur trois niveaux.

Dernière modification
10 mai 2016

La première phase s'est attachée à la compréhension des niveaux de l'époque moderne (caserne des Capucins, magasin à poudre, parcelle du couvent des Capucins). La deuxième a porté sur l'étude du système défensif médiéval.

La première phase de la fouille s'est déroulée du 25 mars au 27 juin 2008. Après une phase de décapage de 10 jours qui a permis de dégager les structures archéologiques, l'équipe de l'Inrap s'est intéressée aux niveaux mis au jour, datant de l'époque moderne et contemporaine. Au nord de l'emprise sont apparus des bâtiments du XIXe siècle : des ateliers municipaux fondés sur des arcs de décharge, permettant d'assurer la stabilité du bâtiment, et une caserne militaire. Ces bâtiments sont implantés sur la parcelle qui avait été dévolue à l'ordre des capucins pour y construire le couvent des capucins en 1627, grâce au soutien de la ville de Thionville. Les bâtiments du couvent se situent en dehors de l'emprise du projet d'aménagement urbain.
Dans la moitié nord de la Cour des Capucins utilisée par les moines comme jardin - pour y cultiver notamment des plantes médicinales destinées à soigner les habitants de Thionville - des structures dépotoirs, liées à leur présence, ont révélé un nombre important d'assiettes vernissées, dont plusieurs entières, ainsi que des restes d'animaux parmi lesquels de nombreux restes de poisson.
Au sein de l'atelier municipal construit au XIXe siècle, un four de briquetier a été mis au jour. Élaboré après le comblement du fossé médiéval et avant l'installation des capucins, il a pu servir à produire les briques nécessaires à la construction des fortifications modernes de la ville de Thionville, entreprise au XVIe siècle. Une première datation archéomagnétique confirme cette hypothèse.

De la moitié nord à la moitié sud de la Cour des Capucins, le site archéologique passe de la vocation religieuse à la vocation militaire. Les nombreux vestiges mis au jour aux abords de l'allée Poincaré correspondent au renforcement du système défensif de Thionville à l'époque moderne.
Au sud-est de l'emprise, la caserne des Capucins, construite en 1695, est masquée en partie par les commerces actuels et a été détruite partiellement par la construction, à la fin du XIXe siècle, de bâtiments ayant abrité dernièrement l'école de musique municipale. Sa fouille a montré un ensemble de quatre pièces, ayant subi des réaménagements qui ont livré des fragments de pipe de production hollandaise, des boutons d'uniforme et un boulet de canon. Bordant la caserne, un niveau de sol fait de mortier a été dégagé. Il n'a pas été possible de l'associer formellement à la caserne mais les niveaux d'apparition accréditent cette hypothèse. Il pourrait s'agir d'un aménagement extérieur permettant d'isoler l'espace de circulation des niveaux de remblais antérieurs. Ces remblais sont constitués des sédiments de comblement d'un fossé, remblayé antérieurement à 1695, date de construction de la caserne. Le bord nord du fossé a été repéré et sa largeur, partielle, car le fossé se poursuit en dehors de l'emprise de la fouille, a été reconnue sur 30 m. La deuxième phase de la fouille a porté sur sa reconnaissance spatiale et son étude stratigraphique.

Les études menées sur le fossé ont mis au jour un ensemble très important d'objets en cuir et en bois. Des chaussures du XVIIe siècle, dont les semelles et les talons sont parfaitement conservés, ont été trouvées, ainsi que des matériaux bruts de cuir pour le travail de cordonnerie. Les archives attestent que le métier de cordonnier était un des cinq métiers les plus représentés à Thionville à l'époque moderne. L'occurrence très forte de fragments de cuir permet de penser qu'un ou plusieurs ateliers de cordonnier pouvaient être installés à proximité.
Parmi les autres objets mis au jour, on note un fourreau de couteau en cuir, une petite sacoche, une ceinture ainsi qu'un marteau, dont le manche comme la tête métallique sont encore assemblées. Ce fossé pourrait appartenir au système défensif médiéval de la ville de Thionville et fonctionnerait avec le fossé principal situé plus au nord, en contrebas du mur d'enceinte médiéval. Thionville serait protégé à l'époque médiévale par une enceinte, bordée par au moins deux fossés parallèles, peut-être plus si l'on en croit un document de 1558 représentant Thionville entouré de cinq fossés parallèles.
Situé en retrait du front bastionné, un magasin à poudre a été dégagé lors de la fouille. Il est constitué de deux galeries bordées pour l'une par un mur plein de 3 m de large. Cette poudrière s'inscrit dans un périmètre délimité par un mur peu épais servant à délimiter l'espace.

La deuxième phase de fouille s'est attachée à l'étude du système défensif médiéval. Le mur d'enceinte, faisant office d'escarpe, et une tour, ouverte à la gorge, ont été mis au jour. Distant de 25 m du fossé observé lors de la première phase, le fossé principal bordant l'enceinte, est large de plus de 30 m et profond d'1,60 m en moyenne, et à fond plat. À 8 m de distance du mur de contrescarpe, des fascines, servant à retenir la terre, étaient installées. Elles étaient aménagées par les assaillants cherchant à franchir le fossé.
Son comblement est constitué uniquement de sédiments hydromorphes, lié à la présence d'eau. Le système d'alimentation n'a pu être observé sur la fouille mais la présence d'eau antérieurement à l'édification du système défensif apparaît à travers les traces laissées par les alluvions anciennes. Le fossé remonte en pente douce jusqu'au mur de contrescarpe, qui, à l'instar de la courtine et de la tour, est fondé sur des pieux de bois, implantés dans les alluvions. Une étude dendrochronologique pour les dater précisément est en cours. Le fossé principal entre les murs d'escarpe et de contrescarpe est vraisemblablement resté en eau jusqu'au XVIe siècle, tandis que celui plus éloigné de la courtine est devenu un espace de rejet détritique.