Conférences
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Mis à jour le
04 mars 2016
Colloque
Héritages arabo-islamiques dans l'Europe méditerranéenne

Colloque international organisé par l’Institut national de recherches archéologiques préventives,
En partenariat avec Marseille-Provence 2013-Capitale européenne de la culture, le MuCEM et la Villa Méditerranée.
Du 11 au 14 septembre 2013, à Marseille, Villa Méditerranée et MuCEM.

Héritages arabo-islamiques dans l'Europe méditerranéenne - Archéologie, histoire, anthropologie
par Germain Butaud et Yann Codou, université de Nice-Sophia Antipolis

L'île Saint-Honorat de Lérins qui correspond à une des premières fondations monastiques d'Occident fut un lieu majeur de confrontation avec les sarrasins entre le VIIIe et le XIIe siècle. Cette situation est éclairée par une abondante littérature et aussi par des données archéologiques et monumentales.
Les attestations de raids sarrasins, conduisant parfois à l'abandon de l'île par les moines, sont nombreuses. Ceux-ci débutent dès le VIIIe siècle. Selon la Passion de l'abbé Porcaire II, dans la première moitié du VIIIe siècle, a lieu le martyr de la communauté monastique par les sarrasins. De façon exceptionnelle cette tradition hagiographique paraît accréditée par les données archéologiques issues des fouilles récentes réalisées sur l'île. Après un renouveau du monastère au début de la période carolingienne un nouvel abandon au temps des Sarrasins du Freinet semble probable. A cette période se relie l'existence d'une épave sarrasine découverte sur le site du Batéguier au large des îles.
A la suite de la renaissance monastique, fin Xe-début XIe s, Lérins reste une proie pour les Sarrasins. Ainsi la vita d'Isarn, abbé de Saint-Victor de Marseille de 1020 à 1047, nous informe sur une attaque de Lérins qui eut lieu en 1046, au cours de laquelle ils pillèrent l'abbaye et capturèrent plusieurs moines qu'ils conduisirent en captivité en Espagne. Cet événement ne ralentit néanmoins pas la renaissance du monastère alors en cours, néanmoins elle imposa un programme monumental original avec la mise en place d'une fortification étroitement liée au monastère.  Ainsi, sous l'abbatiat d'Aldebert II, abbé de 1088 à 1103. Est engagée la construction d'une tour. Cette réalisation est d'ailleurs évoquée dans l'épitaphe de l'abbé : « il édifia de sa main au-dedans et au-dehors, des tours et des voûtes, des églises et des demeures célestes ». De ce monument nous conservons encore les parties primitives. Pour autant les attaques se poursuivent, en témoigne une lettre adressée par Hildebert de Lavardin à l'abbé de Cluny, que l'on date de 1101. De retour de Rome, Hildebert avait fait une halte à Lérins. Il quitta l'île juste avant une descente de « pirates barbares » qui tuèrent plusieurs moines, les autres s'étant réfugiés dans la tour. Dès les années 1120, nous possédons un dossier de quatre lettres pontificales qui font état de la position toute particulière des moines de Lérins face au péril sarrasin. Chronologiquement, il s'agit d'abord de deux bulles de Calixte II. Dans la première, datée de 18 décembre 1120, le pape, après avoir évoqué qu'il avait entendu souvent parler de la destruction du monastère de Lérins par les Sarrasins, encourageait les chrétiens à secourir les moines. À la demande de ces derniers qui lui avaient écrit une lettre et devant la menace d'une grande expédition sarrasine, il amplifia ses concessions dès le 2 janvier (1121). Désormais, ceux qui resteraient pour défendre le monastère jusqu'à la Saint Michel bénéficieraient d'indulgences dignes d'un pèlerinage à Jérusalem. Le pape Honorius II, à peine élu, réitéra le 27 décembre (1124) cette exhortation aux fidèles du Christ et enjoignait chacun à contribuer à la construction par les moines d'une forteresse contre les Sarrasins. Le 5 janvier (1125), Honorius II dans une lettre aux évêques de Riez, Fréjus, Nice et Antibes indiquait que « nos fils, l'abbé et les moines de Lérins, (sont) installés devant la gorge des Sarrasins, dans la crainte de la captivité, des chaînes et des périls de la mort. » Cela montre que la papauté avait bien pris acte du danger particulier pesant sur Saint-Honorat. Encore en 1158, le pape Adrien IV, par une lettre, s'adressait aux consuls et au peuple de Grasse pour les prier de secourir les religieux notamment si les Sarrasins ou de perfides chrétiens attaquaient leur monastère ou un de leurs châteaux. Le 5 mai 1182 ou 1183, les moines de Lérins bénéficièrent d'une nouvelle bulle de Lucius III. Le pape exhorta les fidèles à aider les moines à se fortifier contre les « ennemis de la croix du Christ », car il leur manquait des ressources.  
Yann Codou est Maître de conférences à l'Université de Nice Sophia Antipolis et membre du laboratoire Cépam (CNRS). Ses travaux portent avant tout sur le rôle de l'Eglise dans les campagnes durant le Moyen Age, qu'il étudie en fondant sa réflexion sur l'analyse des textes, l'étude des élévations et les fouilles archéologiques.
 
Bibliographie sur le sujet :
  • Histoire de l'abbaye de Lérins, collectif, éd. Abbaye de Bellefontaine-ARCCIS, 2005. Codou Y., Lauwers M. (éd.), Lérins, une île sainte de l'Antiquité au Moyen Age, Brepols, Turnhout, 2009.
  • Butaud G., Codou Y., « Iles de Lérins. Ile de Saint-Honorat, de la tour au monastère fortifié », dans Monuments de Nice et des Alpes-Maritimes, Congrès Archéologiques de France, SFA, Paris, 2012, p. 67-76.
  • Codou Y., « Iles de Lérins. Ile de Saint-Honorat, les chapelles de Saint-Sauveur et de la Trinité », dans Monuments de Nice et des Alpes-Maritimes, Congrès Archéologiques de France, SFA, Paris, 2012, p. 77-84.
Année :
2013