Depuis la mi-mars, l'Inrap mène une fouille sur un terrain rue des Potiers à Noyal-Châtillon-sur-Seiche en amont de l'aménagement d'un habitat pavillonnaire. D'anciennes fouilles, menées dans les années 1980 par Alain Provost (archéologue indépendant) sur un terrain voisin, avaient mis en évidence l'aile est d'une villa gallo-romaine, dite de La Guyomerais, qui est l'une des plus importantes villae de Bretagne. Le diagnostic réalisé en 2011 ayant confirmé que le terrain se situait dans le prolongement de cette villa, l'État (Drac Bretagne, service régional de l'Archéologie) a prescrit une fouille de manière à sauvegarder par l'étude ces vestiges, avant la réalisation du futur aménagement. 
Dernière modification
31 août 2017
Si les enjeux de cette opération située sur l'aile ouest de la villa, partie inexplorée jusqu'alors, devaient permettre de restituer un plan complet de l'ensemble, celui-ci s'est révélé, au fil des semaines, inattendu, racontant une histoire complexe faite de programmes de destructions volontaires et de reconstructions. La fouille permet également à l'équipe d'une dizaine d'archéologues d'étudier un ensemble remarquable d'établissements thermaux qui apporteront de précieuses informations sur la pratique du bain pendant l'Antiquité en Bretagne.
Étuve et caldarium (pièce chauffée) des thermes du IIe s. de la villa de la Guyomerais (Ille-et-Vilaine), 2012.  Les pilettes d'hypocauste, assurant le chauffage de la pièce par le sol, sont ici bien visibles.

La fouille préventive de 2012 au regard des premières découvertes sur la villa

De 1983 à 1987, Alain Provost avait exploré sur des parcelles voisines la pars rustica de la villa, c'est-à-dire les bâtiments dédiés aux activités agricoles, et une moitié du secteur résidentiel, la pars urbana. L'étude révélait une première occupation remontant à la fin du Ier siècle avant notre ère, mais ce n'est qu'au Ier siècle de notre ère qu'une architecture en dur s'y développe : une première villa à colonnade (correspondant ensuite à l'aile centrale) est construite. Elle sera complétée au IIe siècle par des pièces d'angle puis une aile en retour au IIIe siècle, suggérant une organisation du bâtiment selon un plan en U. Les fouilles menées par Alain Provost avaient également mis au jour un bassin dans la cour résidentielle, celui-ci devant naturellement marquer l'axe de symétrie de la villa. En toute logique, les archéologues de l'Inrap présents en 2012 s'attendaient à découvrir le prolongement de l'aile centrale de la villa, ainsi que l'aile ouest venant fermer son plan en U. Si cette dernière a bien été découverte, elle est plus éloignée, délimitant une cour centrale bien plus étendue que ce qui était supposé. Surtout, à la jonction de l'aile centrale et de l'aile ouest, ce sont trois ensembles balnéaires successifs, en usage du Ier au IVe siècle de notre ère, qui ont pu être mis au jour.

Trois ensembles balnéaires remarquables

La pratique du bain dans l'Antiquité répond à un parcours précis alternant pièces chauffées et espaces froids. Ce parcours comprend autant d'étapes de soins que de salles, ce qui explique pourquoi les deux ensembles les plus complets mis au jour sur la villa présentent une organisation analogue. Les utilisateurs pénétraient d'abord dans un vestibule où ils ôtaient leurs vêtements. Ils gagnaient ensuite une première salle chauffée par le sol où ils se faisaient masser  et s'enduisaient le corps d'huile. Ils poursuivaient leur parcours en rejoignant la salle la plus chaude, le caldarium, où la température pouvait atteindre 50° C. Là, ils s'immergeaient dans une baignoire d'eau chaude puis achevaient leur déambulation en revenant sur leur pas pour gagner les espaces non chauffés et s'immerger partiellement dans une baignoire d'eau froide. Après avoir revigoré leur corps, ils se dirigeaient de nouveau vers le vestibule afin de se rhabiller. Ces ensembles de bains et leur superficie (le plus grand mesurant près de 200 m²) laissent penser que les propriétaires de la villa disposaient de revenus conséquents.

Le décor et les objets mis au jour, témoins de pratiques raffinées et d'un niveau de vie aisé

Cette  richesse transparaît à travers la décoration mise en oeuvre dans les différentes salles. Les murs étaient recouverts de peintures colorées sur fond blanc où alternaient des violets, rouges, jaunes et des noirs. Certains murs devaient être en partie couverts de mosaïques en pâte de verre, comme le soulignent les nombreuses tesselles retrouvées sur le site. Des plaques sculptées en schiste, figurant des boucliers ou des pilastres, venaient compléter cette décoration. Au sol, des dallages en schiste bleu pouvaient alterner avec des plaques de marbre blanc. Deux fragments de corniches, témoignant d'une architecture soignée, ont aussi été découverts. Tous ces éléments confirment le statut de la villa de La Guyomerais qui est à ce jour l'une des plus riches de Bretagne.
De nombreux objets de la vie quotidienne ont également été retrouvés. Épingles en os, fibule en bronze émaillée, bague en argent, instrument de toilette témoignent du raffinement des différents occupants. 
Les monnaies, très nombreuses, offrent aux archéologues l'opportunité de datations précises, notamment sur l'abandon de la villa. Les nombreuses pièces du IVe siècle révèlent ainsi que le site est encore occupé à cette période. Un vaste séchoir à grains est construit après 320 à l'emplacement du dernier ensemble thermal, soulignant une production agricole toujours importante. Ce n'est qu'après le milieu du IVe siècle, voire le début du Ve, que la villa sera progressivement démantelée et abandonnée.
Aménagement : Privé
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie, Drac de Bretagne
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable scientifique : Romuald Ferrette, Inrap