Les Artères Hauts de France traversent des paysages hautement favorables à la préservation de niveaux préhistoriques, comme l'ont démontré les sites mis au jour. En 2012, un sondage à Lahoussoye (Somme) a révélé des outils en pierre préhistoriques.

Dernière modification
10 mai 2016

La première estimation considérait que leur dépôt avait eu lieu pendant le Paléolithique moyen, en particulier dans les premiers sols de la dernière période glaciaire, appelée le Weichsélien. Le premier sol, rarement mis au jour, dit de Bettencourt en référence à une commune de la Somme, est daté entre 105 000 ans et 95 000 ans ; le second sol est daté d'environ 80 000 ans. La fouille de 2013 a eu pour objectif d'approfondir les connaissances des installations humaines lors de ces phases du Weichsélien.

Temps glaciaires

Le Weichsélien est une période glaciaire qui commence vers 110 000 ans et se termine vers 10 000 ans avec l'arrivée de notre période tempérée, l'Holocène. Elle s'est installée progressivement, avec des phases plus ou moins clémentes appelées interstades. Les variations du début glaciaire, entre 100 000 et 68 000 ans, ont engendré la formation de sols qui se différencient nettement en stratigraphie (la succession des couches sous nos pieds).
Ces sols se sont formés dans un environnement totalement différent du nôtre. La côte « picarde » n'existait pas en raison du retrait de la mer du Nord. La Grande-Bretagne n'était pas une île et il faut s'imaginer la Manche comme un fleuve dont les affluents étaient la Seine, la Somme, le Rhin et la Tamise.
Dès lors, l'influence maritime n'étant plus perceptible, la région s'est d'abord couverte d'une forêt boréale composée de bouleaux et de pins. Ce climat et cette végétation ont engendré la formation des premiers sols dits « gris-forestiers », tels que les sols de Bettencourt et de Saint-Sauflieu mis au jour à Lahoussoye.
Les animaux les plus représentatifs de cette époque étaient alors le cheval, le mégacéros (un cerf géant à l'immense ramure) et l'auroch. L'homme de Néandertal demeurait le seul représentant de l'espèce humaine en Europe.

L'apport de la géomorphologie

Restituer l'environnement d'un site au cours d'une période préhistorique demande à l'archéologue en charge d'une fouille de s'entourer de différents spécialistes, dont un géomorphologue. Ce dernier s'applique à comprendre la formation des sols préhistoriques et les causes de leur disparition (ce qu'on appelle la taphonomie) en fonction de l'évolution du paysage. Le géomorphologue et le préhistorien travaillent ensemble afin de cerner les niveaux archéologiques qui peuvent être corrélés à des phases chronologiques, elles-mêmes appuyées par des méthodes radiométriques.
Sur le site de Lahoussoye, cette approche a démontré que le sol de Bettencourt, qui semblait dans un bon état de conservation, a en fait été remanié. Des outils en pierre provenant de niveaux distincts ont été mélangés. En effet, des phases extrêmement érosives, vers 85 000 ans et 75 000 ans, ont le plus souvent démantelé ces sols et emporté les restes déposés antérieurement.

La preuve par les outils

Cet état se remarque également au regard de la principale découverte témoignant de l'activité de l'homme sur le site au Paléolithique moyen. Il s'agit de 66 silex taillés qui présentent des états de fraîcheur différents : certains bords d'outils sont encore frais, tandis que d'autres sont concassés ; la patine (une altération de la couleur du silex) est également variable ; certains éclats sont devenus blancs alors que d'autres ont encore une surface indemne.
Ceux qui sont dans un bon état de conservation attestent de leur faible mobilisation. Ils sont donc probablement contemporains du second sol gris-forestier (sol de Saint-Sauflieu) qui semble se développer sur le sol remanié de Bettencourt.
Les artefacts démontrent d'ailleurs la même méthode de débitage (le mode de fabrication des outils), ici le débitage Levallois. Le préhistorien, souvent paléolithicien (spécialiste des outils en pierre), s'emploie à comprendre les techniques de fabrication de ces outils, un des seuls moyens de cerner les différents comportements pour des périodes préhistoriques aussi anciennes.

Un apport certain à la connaissance

Si la stratigraphie du site de Lahoussoye n'est pas aussi développée que sur les autres sites préhistoriques fouillés le long du tracé du gazoduc Hauts de France, les quelques artefacts découverts permettent de saisir l'emprise de l'homme de Néandertal dans des biotopes différents pendant le Paléolithique moyen. Il s'est ainsi arrêté à Lahoussoye plusieurs fois, probablement en raison de la présence de blocs de silex dans la craie des talus proches, avec lesquels il fabriquait ses outils.