A Vasseny, Aisne, la fouille préventive de Vasseny s'inscrit dans le cadre du suivi archéologique systématique des carrières de granulats dans les bassins de l'Aisne et de la Vesle.

Dernière modification
10 mai 2016

Depuis une trentaine d'années, ces opérations de fouilles participent plus généralement d'un programme de recherches mené par une équipe pluriinstitutionnelle (CNRS, Université de Paris I Sorbonne, ministère de la Culture et de la Communication, Inrap) en collaboration avec les entreprises de granulats. Ce programme a pour objectif de comprendre l'évolution des occupations humaines depuis les sept derniers millénaires à l'échelle d'une vallée. Ainsi, en quatre ans, plus d'une cinquantaine d'hectares de carrière ont été explorées de manière exhaustive à Vasseny, révélant de nombreux vestiges de la période néolithique à nos jours : habitats, espaces funéraires, aménagements agraires...


Implantée sur une légère butte sableuse en bordure de rivière, la nécropole celtique se compose de 40 tombes réparties en plusieurs ensembles. Durant près d'un siècle (450-350 av. J.-C. environ), une ou plusieurs communautés villageoises y ont enterré leurs morts. L'échantillon de population se compose principalement d'adultes ; quinze hommes et quinze femmes ont été identifiés, le genre d'une dizaine d'individus n'ayant pu être déterminé. Seuls deux enfants sont attestés : une fillette d'environ cinq à six ans inhumée seule, un garçonnet de neuf à dix ans en compagnie d'une adulte. L'ensemble des fosses sépulcrales est orienté est-ouest et les défunts sont allongés sur le dos, tête à l'ouest. La richesse des tombes varie en fonction du statut social des individus. Un siècle après la fameuse tombe de Vix (Côte-d'Or), deux hommes et une femme ont été inhumés dans trois "tombes à char" qui marquent leur appartenance au rang hiérarchique le plus élevé de leur communauté. Tous trois reposent sur la caisse de chars à deux roues. Leur étude en laboratoire permettra de savoir si nous sommes en présence de véhicules de guerre ou d'apparat. Dès l'époque gauloise, une des tombes de Vasseny a été ouverte pour y prélever les bandages de roues, sans pour autant la piller. Ces bandages en fer très épuré avaient à l'époque une grande valeur. Les quarante individus inhumés appartiennent tous à une élite. Le mobilier qui les accompagne dans l'au-delà est spécifique de leur sexe et de leur rang au sein de la société gauloise. Les hommes sont équipés de leurs armes - poignards, épées, boucliers, lances et javelots. À ces éléments s'ajoutent parfois des outils et des ustensiles de toilette (pinces à épiler, rasoirs...). Les femmes portent torques, fibules, bracelets, boucles d'oreille de bronze, perles d'ambre ou de pâte de verre bicolore. Les torques de bronze, larges colliers rigides, sont souvent décorés de torsades et l'un d'eux possède du corail, matériau exotique venu de Méditerranée. Une de ces femmes portait une petite pendeloque en bronze. Singulière et insolite, cette amulette, unique en son genre, pourrait figurer un personnage dont les jambes forment une lyre. Les représentations humaines sont rares à cette époque. De plus, cette évocation de lyre est désormais la plus ancienne connue dans le monde celtique et repousse la connaissance de cet instrument de deux siècles. Les 2 500 ans d'enfouissement ont largement altéré les objets métalliques. Actuellement déposés pour stabilisation puis conservation à l'Institut de restauration et de recherches archéologiques et paléométallurgiques (Irrap, Compiègne), leur étude devrait révéler quantité d'informations dont des décors encore insoupçonnés. Pour Patrice Brun, directeur de recherche au CNRS (Nanterre), le grand intérêt de la nécropole de Vasseny réside dans la cohabitation de tombes simples et de tombes à char au sein d'un même ensemble et confirme les découvertes de Bucy-le-Long, Chassemy et Ciry-Salsogne (Aisne). L'ensemble des pratiques funéraires, le style mobilier (inhumation, présence de chars, de torques torsadés, etc.), permet de définir un groupe culturel particulier occupant les actuels départements de l'Aisne et de la Marne. Durant les Ve-IVe s., les communautés celtes sont organisées en chefferies. Vers 400 av. J.-C., implantées au nord des Alpes, elles se déplacent vers l'Italie et envahissent Rome avant d'être repoussées vers la plaine du Pô, plus au nord. Les archéologues retrouvent le même type d'inhumations et de modes funéraires dans ces régions.