Histoire du vin : Protohistoire Mythes et religions

Nectar, ambroisie, hydromel..., les breuvages des dieux

Dans les sociétés antiques du Proche-Orient, l'humanité se donne pour devoir d'alimenter la table des dieux, à laquelle seuls les rois et les héros sont admis comme convives. Les offrandes et les sacrifices fournissent la matière, et le vin, dit Homère, fait partie des cérémonies. Boisson sacrée des dieux, il est aussi celle des libations terrestres...

Au tournant du IIIe millénaire, les peuples indo-européens produisaient une boisson euphorisante nommée soma. Bien que sa recette soit perdue, il semble qu'elle était composée d'hydromel, de lait et de malt mélangés à diverses plantes aromatiques. En sanscrit, soma signifie « jus ». Mentionné dans le Rigveda (-1500/-900) et utilisé en Inde dans la religion védique, le soma est l'élixir d'immortalité que les humains offrent en sacrifice aux dieux. Apparenté au soma, le haoma des anciens Perses désignait également le breuvage d'immortalité offert aux dieux et bu par fidèles et officiants lors de cérémonies cultuelles.

Les dieux de l'Olympe, dans la Grèce antique, buvaient un nectar précieux dénommé « ambroisie », dont on ne connaît pas la composition. S'agissait-il de bière, de vin mélangé, de miel ? La racine grecque est ambrosia, qui signifie « nourriture des dieux » ; le préfixe privatif am, placé avant brotos, « mortel », renvoie à la notion d'immortalité. Le terme de nectar, « breuvage des dieux », issu du latin emprunté au grec nektar, désigne une « boisson ou un mets doux et agréable », mais son étymologie plus archaïque reste encore obscure.

Dans la tradition des récits d'Homère, les héros, demi-dieux, boivent le kykeon. Il serait obtenu en mélangeant du vin, de l'orge, du miel... et du fromage râpé. Le kykeon, dont la recette était alors tenue secrète, était notamment utilisé dans les rites d'initiation aux Mystères d'Eleusis ; on pense qu'un champignon ou une pourriture hallucinogène entrait dans sa composition.

Le vin de Dionysos

Le vin de Dionysos

Cortège dionysiaque figuré sur la mosaïque d'un triclinium (salle de réception des maisons romaines), fin IIe siècle de notre ère. Détail de la mosaïque de l'Annus-Aïon, découverte en 1983 et 1992 sur le site de la verrerie de Trinquetaille à Arles. Musée de l'Arles antique.

En Grèce, la culture de la vigne et l'invention du vin sont attribuées à Dionysos. Associé à la pluie et à la croissance des plantes, ce dieu incarne la force végétale et la vivacité ; les représentations le montrent souvent au milieu d'une vigne abondante. Il est le fils de Zeus et de la mortelle Sémélé. Son histoire et son caractère confèrent à la boisson des propriétés contrastées, d'exubérance, de convivialité, mais aussi de dangerosité violente. Seul Dionysos pouvait boire le vin pur.  

Les hommes, qui devaient se garder de tomber dans la démesure, avaient coutume de le mêler d'eau dans un cratère avant de le boire dans des coupes. Sa consommation était réservée aux banquets, dont les occasions ne manquaient pas.  

Des fêtes annuelles étaient organisées en l'honneur de Dionysos : à Athènes, les Dionysies du mois de mars combinaient concours de théâtre, danses, chants et processions. Au Ve siècle avant notre ère, le gouvernement d'Athènes en a fait la principale fête du calendrier. C'est à l'occasion de l'une de ces Dionysies, en -404, que la pièce posthume d'Euripide, mort deux ans plus tôt, fut présentée au public : Les Bacchantes racontent l'histoire de l'arrivée du dieu du vin à Thèbes. Dans cette tragédie, le vin devient l'instrument de la malédiction.  

Les Anthestéries, encore appelées Fêtes Fleuries, avaient lieu en février-mars, au moment où l'on ouvrait les jarres de fermentation. Elles permettaient de célébrer le renouveau de la végétation. Elles étaient marquées par un concours de beuverie récompensant celui qui avait le plus rapidement vidé son pot (oenochoé) sans reprendre sa respiration. Paré d'une couronne de laurier, le vainqueur recevait une outre de vin.

Le saviez-vous ?

Le thiase, thiasos, ou cortège de Dionysos

Dionysos ne festoie pas tout seul. Selon les représentations et les légendes, il est accompagné des Nymphes, ses nourrices, des Ménades, des Satyres, des Silènes, des Pans et des Centaures ; tous ces êtres, à la nature à mi-animale, forment son cortège ou thiase.
Dans la perpétuelle bacchanale qu'il mène sur les sommets boisés des montagnes, Dionysos est parfois rejoint par les Naïades, les Nymphes Oréades, Eros et Aphrodite, Déméter ou Cybèle, toutes les divinités de la fécondité et de la production terrestre.