Les sites : Protohistoire Le vignoble de Port Ariane

Lattes, Hérault

Les vestiges d'un vignoble daté du IIe siècle avant notre ère ont été retrouvés en 1999 à Port Ariane sur la commune de Lattes, à moins d'1 km des remparts de la ville portuaire protohistorique de Lattara. Les traces de ce vignoble, dont on ne connait pas l'extension totale, s'étendaient sur plus de 2,4 ha, d'un seul tenant. La plantation se traduit par la présence de fosses allongées, espacées régulièrement, formant de plus de 100 rangées reconnues sur plus de 220 m.

La découverte de cette grande parcelle de vigne, qui ne devait pas être isolée, est parfaitement cohérente avec l'ensemble des données paléobotaniques et archéologiques mises en évidence sur le site de Lattara, qui montrent le développement d'une viticulture à partir de la fin du IIIe siècle avant notre ère, se poursuivant de manière intensive durant tout le IIe siècle et une partie du Ier siècle avant notre ère. Par sa forme (fosses, trame de la plantation, pratique du provignage et superficie de la parcelle), le vignoble de Port Ariane préfigure ceux que l'on rencontrera couramment en Languedoc à partir du Ier siècle avant notre ère et durant toute l'Antiquité.

Le bois de vigne de Port Ariane : chronique d'un faux-semblant

Tous les niveaux du site de Port Ariane, du Néolithique moyen au Moyen Âge, ont fait l'objet d'études anthracologiques (concernant les charbons de bois) et xylologiques (concernant le bois). Vitis vinifera est identifiée à partir du Bronze final, sous forme de fragments de faible dimension, carbonisés ou gorgés d'eau, provenant de tiges surtout, et de racines.

Pour le Bronze final et le premier âge du Fer, les restes de bois de vigne sont en proportion relativement élevée parmi les charbons de bois. Rien ne s'oppose à ce qu'ils proviennent de la vigne sauvage, qui est indigène en Languedoc. La simple observation anatomique des restes de bois de vigne carbonisé ne permet pas de distinguer entre la vigne sauvage et la vigne cultivée. Toutefois leur découverte ouvre dès à présent des perspectives sur les périodes qui ont précédé de peu l'essor de la viticulture du deuxième âge du Fer, attestée notamment par les dizaines de milliers de pépins de raisin retrouvés sur le site de Lattara.

Certaines particularités anatomiques du bois permettent de distinguer les racines des tiges : une moelle réduite, une croissance annuelle plus lente, des rayons ligneux plus larges, etc. À Port Ariane, quatre racines de vigne gorgées d'eau, d'un diamètre atteignant 4 cm ont été retrouvées, dont trois étaient coudées en U ou en V et dans leur position verticale de croissance. Il était tentant d'y voir des racines pliées au moment de la plantation ou dans un godet, ceci expliquant leur profil. Elles se trouvaient dans des fosses de plantation qui constituent plus de 2 ha d'un vignoble du deuxième âge du Fer. Initialement attribuées à deux états de plantations antiques (fin du IIIe - début Ier siècle avant notre ère), elles ont été datées par le radiocarbone entre 644 et 938 de notre ère. Il s'agit en réalité de racines de vignes du haut Moyen Âge, appartenant à un vignoble bien plus tardif, situé plusieurs mètres plus haut et non retrouvé à la fouille. Leur présence dans les fosses antiques est une coïncidence. Leur croissance s'est inversée dès lors qu'elles ont atteint le fond de la fosse, du fait que la racine de vigne peut modifier son tropisme et pousser vers le haut si elle rencontre un milieu défavorable (substrat dense, humidité). Ces racines sont à la fois le seul témoin d'un vignoble alto-médiéval et un intéressant sujet d'étude des conditions de croissance de la vigne.

 

Cécile Jung (Inrap) et Lucie Chabal (Centre de bio-archéologie et d’écologie, UMR 5059, CNRS)