Les sites : Moyen Age Vigne et vin médiévaux sur le tracé de la LGV 66

Perpignan, Pyrénées-Orientales

Les travaux d'archéologie préventive menés préalablement à la construction de la ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV 66, Perpignan-Espagne) ont occasionné la découverte de trois sites du haut Moyen Âge dans la périphérie de Perpignan : Baltasà, sur la commune de Toulouges, Manresa, sur celle de Canohès, et Les Bagueres, sur celle de Ponteilla.

Présence de la vigne

Le site de Manresa a fait l'objet d'une fouille extensive. Les résultats obtenus montrent une communauté paysanne du haut Moyen Âge, qui exploite au mieux les différentes possibilités du terroir environnant. Parmi celles-ci, la culture de la vigne (Vitis vinifera) tient une place tout à fait remarquable et inattendue. L'étude de restes brûlés rejetés dans le comblement de silos a permis de mettre en évidence sa présence sous la forme de pépins, de pédicelles (éléments de la grappe ou rafle) et de baies. D'après les déchets inventoriés, le raisin occupe la troisième place derrière l'orge et le blé. Des observations de détails sur les baies et les pépins laissent entrevoir la possibilité d'un sous-produit de pressurage.

L'étude des charbons de bois disséminés dans les couches archéologiques montre une bonne représentation de la vigne sur le site de Baltasà, avec 11% du total des charbons étudiés. Lors du diagnostic qui a permis de découvrir ce gisement, des fosses de plantation de forme quadrangulaire ou en V ont été mises en évidence dans une zone bien définie. Elles peuvent être associées à la mise en place de pieds de vigne, mais tout aussi bien à la plantation de figuiers ou d'oliviers attestés eux aussi par l'étude anthracologique, bien qu'en plus faible proportion. Ces différents résultats montrent que la culture de la vigne est largement pratiquée en Roussillon au VIIe siècle.

Possible fabrication de vin

Une partie de ces récoltes est sans doute transformée en vin. À Manresa, deux fosses ont livré 36 % et 24 % de résidus carbonisés de raisin sous la forme de centaines de pépins très fragmentés, de pédicelles et de quelques baies dilacérées. Dans ces deux fosses, l'état des résidus de raisin suggère, par comparaison avec d'autres dépôts archéologiques plus probants, qu'il pourrait s'agir de résidus vinicoles. L'importante fragmentation des pépins, accentuée par leur passage au feu, pourrait résulter d'une technique de pressurage par pilonnage en mortier ou foulage, que des expérimentations pourront à l'avenir mieux appréhender. Toutefois, aucun ustensile ni contenant associé aux étapes de pressurage, de vinification, voire de transport pour commercialisation n'a été retrouvé. Le bois, qui occupe vraisemblablement une place importante dans le petit mobilier de cette société agricole, a pu être aussi en usage dans la vinification, ce qui pourrait expliquer l'absence de traces spécifiques.

À cette période du haut Moyen Âge, le commerce des amphores d'Afrique du Nord et de Méditerranée orientale est très devenu très rare à l'intérieur des terres du Roussillon. Par contre, on peut signaler la présence régulière, sur les sites du haut Moyen Âge de la LGV 66, de débris de verre coloré qui appartiennent presque tous à des verres à pied, associés donc à la consommation de vin ?

 

Jérôme Kotarba (Inrap), Marie-Pierre Ruas (CNRS)

Région : Languedoc-Roussillon
Département : Pyrénées-Orientales  
Commune : Canohès (Toulouges et Ponteilla)
Nom du site : Manresa (Baltasà, Les Bagueres)

Motif de l’opération : construction d’une ligne ferroviaire
Aménageur : TP Ferro, représenté côté français par la société Eiffage
Début de l’opération: 15/10/2005
Fin de l’opération: 15/10/2005
Type d’opération : fouille pour Manresa à Canohès et diagnostic pour Baltasà à Toulouges et Les Bagueres à Ponteilla

Responsable d’opération : Jérôme Kotarba
Équipe de recherche : UMR 5140, Lattes, pour équipe de terrain
Suivi scientifique : Véronique Lallemand et Thierry Odiot, SRA Languedoc-Roussillon
Collaborateurs :
- Céline Jandot et Stéphanie Raux : archéologie et étude des mobiliers, Inrap
- Jean-Claude Aloïsi : pétrologie de meules, Université Perpignan
- Claire-Anne de Chazelles : étude des terres crues, CNRS
- Laurent Fabre et Carmen Machado Yanes : anthracologie, Inrap
- Vianney Forest : archéozoologie, Inrap
- Angélique Polloni : étude des vestiges néolithiques, Inrap
- Marie-Pierre Ruas : carpologie, CNRS
- Pascal Verdin : étude des phytolithes, Inrap
- Patrice Wuscher : géomorphologie, Inrap

Période : Moyen Âge (plus précisément : haut Moyen Age, époque wisigothique)