Cette opération est le premier diagnostic archéologique jamais réalisé sur l'Île l'Homme, commune du Vaudreuil (Eure) dans la boucle du même nom.

Dernière modification
18 octobre 2019

Le projet immobilier concerne une surface de 3 450 m2, dont les deux tiers correspondent à des jardins en zone inondable, non constructibles. Les vestiges du château médiéval du Vaudreuil se trouvent dans ce secteur et ne seront pas soumis à une fouille préventive. La partie constructible est implantée sur une ancienne carrière remblayée au XXe siècle ayant détruit les autres témoins de l'ouvrage militaire.

Du château fort au château à la française

Le château fort du Vaudreuil est bien connu dans la littérature mais sa localisation précise s'estompe depuis sa destruction en 1713 et la construction d'un château et de jardins à la française par Claude Girardin.
Une forteresse est mentionnée dès le XIe siècle dans l'Île l'Homme (dérivé de holm, îlot en scandinave), avec notamment le récit de l'assassinat en 1039, sous les yeux du jeune Guillaume le Conquérant, du sénéchal de Normandie Osbern de Crépon.
C'est Henri Ier Beauclerc qui entreprend la construction du château fort à la fin du XIe-début du XIIe siècle, et en fait alors, et pour plusieurs siècles, l'un des verrous de la Normandie. Des descriptions mentionnent un mur d'enceinte de 5 km flanqué de tours et de bastions englobant l'ensemble des 80 hectares de cette île délimitée par deux bras de l'Eure.
Place forte importante, elle fera l'objet des convoitises, de combats, de négociations, de travaux et de réaménagements de la part des rois d'Angleterre et de France jusqu'au XVe siècle. De nombreux ducs de Normandie et de souverains capétiens y séjourneront. Les premières peintures à l'huile y auraient été effectuées pour Jean le Bon par Jean Coste au XVe siècle dans la chapelle et des galeries. À la fin de la guerre de Cent Ans, la forteresse perd de son intérêt militaire et de son attrait pour les rois de France, elle est désemparée (démantelée) en 1441 et dépérit par la suite jusqu'à sa destruction complète au XVIIIe siècle. Le château à la française le remplace alors pour être à son tour démoli au XIXe siècle. Dans les années 1960, l'île est aménagée en golf entouré de résidences de standing.

Des vestiges du château médiéval

Le diagnostic a mis au jour les fondations d'une partie du mur d'enceinte sur environ 35 m et d'une porte de la forteresse, arasées puis recouvertes par des niveaux de démolitions et de remblais postérieurs à l'époque médiévale. Aucun niveau de sol ne semble conservé.
Les premiers vestiges datables du XIIe siècle consistent en un mur d'enceinte, globalement parallèle au cours de l'Eure, d'une largeur d'un mètre cinquante, appuyé sur des remblais alluvionnaires rehaussés d'environ 1 m par rapport à la plaine inondable. Des fragments de poutres, placées sous les fondations au nord, sont probablement les derniers témoins des travaux de construction du rempart. Des pieux en bois et une maçonnerie circulaire très arasée sont implantés dans la grave, en aval de l'enceinte : il pourrait là aussi s'agir de structures liées aux chantier du XIIe siècle, sans que l'on puisse écarter pour autant la possibilité de vestiges d'occupations antérieur, de la céramique des Xe-XIe siècles étant présente dans les remblais. Les palais mérovingien et carolingien ainsi que la forteresse des Xe-XIe siècles, connus par les textes dans la boucle du Vaudreuil, ne sont toujours pas localisés...

Une première tour-porte carré de 6,50 m de coté constitue une entrée occidentale du château. C'est un ouvrage classique pour le XIIe siècle, très semblable à la porte du Gouverneur de Gisors par exemple. Une énigmatique tour semi-circulaire de 6 m de diamètre se trouve dans l'angle de cette porte et du mur de courtine nord à l'intérieur. Sans équivalent dans des ouvrages militaires contemporains, l'hypothèse d'une tour escalier peut néanmoins être avancée, comme dans les églises romanes proches du Vaudreuil, de Saint-Pierre-du-Vauvray, du Mesnil-Jourdain. Au sud, une courtine dépassant le mur d'enceinte semble constituer un ouvrage avancé triangulaire, prolongeant et protégeant l'entrée et l'emplacement d'un pont qui, d'après les textes, a fait l'objet de nombreuses réfections durant tout le Moyen Âge.

Probablement au XIIIe siècle, deux tours de 5,70 m de diamètre, à contrefort de 2 m de coté, sont ajoutées au mur d'enceinte, dominant la plaine inondable. L'ancienne porte est englobée dans un nouveau dispositif marqué par l'adjonction, à l'avant, de deux nouvelles tours de même nature. Deux bases de piles de ponts se trouvent à l'avant de l'entrée, regardant vers l'église Notre-Dame du Vaudreuil (datée du XIIe siècle et mentionnée dès 1006), située dans le prolongement, à 500 m de l'autre coté de la rivière. Contre le mur nord, à l'extérieur, un chemisage peu fondé est placé pour contrecarrer probablement un déversement du mur.
Au XVe siècle, un mur placé entre les contreforts des tours de la porte renforce l'entrée.