L'autoroute A19 ouverte au public le 16 juin 2008, a été l'occasion d'une campagne d'archéologie préventive sans précédent à l'échelle nationale sur un projet autoroutier. L'intégralité du tracé, soit 101 km, a été sondée. 30 sites remarquables ont ensuite été fouillés.

Dernière modification
28 avril 2016
Les recherches postérieures aux fouilles se poursuivent jusqu'à septembre 2009 et apporteront des avancées importantes sur l'histoire et la préhistoire de la Beauce et du Gâtinais et plus généralement les occupations humaines dans le centre de la France depuis la préhistoire.

1392 hectares étudiés

L'autoroute A19 réalise la jonction entre l'autoroute A10 (Paris-Orléans) et l'autoroute A6 (Paris-Lyon). Il relie les villes d'Artenay à Courtenay et traverse 45 communes dont 43 dans le Loiret et 2 dans l'Yonne. L'opérateur en est le groupe Vinci et sa filiale, la société Arcour.
La superficie totale de l'autoroute atteint 1 392 hectares dont l'intégralité a été sondée au cours d'une campagne exhaustive de diagnostics archéologiques. Celle-ci a consisté, la plupart du temps, en un décapage mécanique de 10 % de l'emprise de l'autoroute et de ses aménagements, permettant l'étude de la voie et de ses abords, et la modification éventuelle de son tracé si des vestiges archéologiques le justifiaient.

Les diagnostics

L'étude documentaire, en 1996, laissait présumer un potentiel archéologique de plus d'une centaine de sites archéologiques. Les diagnostics, dont le dernier s'est achevé au mois d'août 2007, ont permis d'en caractériser 120.
30 % des sites identifiés ont fait l'objet d'une prescription de fouille du service régional de l'Archéologie et ont été fouillés par les équipes de l'Inrap sous la direction de 23 responsables scientifiques d'opération.

Les fouilles

Les fouilles ont débuté en avril 2006.
La majorité des sites se trouve à l'ouest du tracé, dans les 65 premiers kilomètres, de l'autoroute A10 à la forêt de Montargis.
Au total, l'ensemble des fouilles aura représenté une surface de 52 hectares, soit 3,75 % de l'emprise de l'autoroute.

Les moyens humains

Près de 250 archéologues ont travaillé sur les différentes opérations de diagnostics, de fouille, et de post-fouille.
Les diagnostics et les fouilles représentent au total 60 opérations, et donc autant d'équipes d'archéologues constituées pour accomplir leur mission de « sauvegarde par l'étude » du patrimoine archéologique, pendant plus de quatre ans et à un rythme soutenu.
Une cellule de coordination scientifique, technique et administrative a été constituée pour assurer la préparation, l'organisation et le suivi de ces recherches.

Plus de 33 000 jours de travail

Les diagnostics ont exigé plus de 7 000 jours de travail entre juillet 2005 et août 2007. Les fouilles et les études des sites auront nécessité plus de 26 000 jours de travail entre mars 2006 et l'été 2009.
Fin 2009, l'ensemble des recherches aura mobilisé 33 000 jours de travail.

Budget

En archéologie préventive, les recherches sont financées par les aménageurs : les diagnostics au travers de la redevance d'archéologie préventive, proportionnelle aux surfaces aménagées, et les fouilles dans le cadre de contrats passés entre les aménageurs et l'Inrap.
Le budget total engagé par l'Inrap sur l'autoroute A19, de 2004 à 2009, dépasse 17 millions d'euros.

Valorisation

Le chantier archéologique a fait l'objet d'un grand nombre d'initiatives de restitution des résultats au public : réunions d'information auprès des élus ; ouvertures de sites au public et scolaires lors de journée « portes ouvertes » ; dépliants de visite conçus par grandes périodes chronologiques ; organisation d'une dizaine de conférences dans les communes traversées ; visites régulières avec la presse pour suivre la progression des recherches ;  réalisation L'Autoroute à remonter le temps, documentaire de 52 mn  coproduit en partenariat avec Gédéon Programmes, Arcour-Vinci et le Conseil général, et diffusé sur France 5, Planète et traduit en 11 langues par TV5 Monde,et primé lors des festivals de cinéma archéologique de Besançon et d'Amiens ; conception de l'exposition « Aux origines du Loiret, de la préhistoire à l'A19 », présentée dans la halle de Chamerolles de septembre 2009 à février 2010.

L'archéologie sur l'A19 en quelques chiffres

101 km de tracé
45 communes traversées
1392 hectares diagnostiqués
52 hectares fouillés, soit 3,75 % de l'emprise
120 zones de vestiges
250 archéologues
33 000 jours de travail
18 mois de phase terrain (juillet 2005 - octobre 2007)
17 M€ consacrés aux diagnostics et aux fouilles
20 conférences et colloques locaux, nationaux et internationaux
180 articles de presse et reportages audiovisuels
1 documentaire de 52 mn : L'Autoroute à remonter le temps
1 exposition, Aux origines du Loiret, de la préhistoire à l'A19 , dans la halle de Chamerolles à l'automne 2009

L'apport de ces recherches

Ce gigantesque chantier parcourt, à travers la Beauce et le Gâtinais, l'une des régions les plus riches de l'histoire de France. Jusque-là peu explorée par les archéologues, il a livré de nombreuses et précieuses informations qui témoignent de la longue histoire rurale du Loiret, région agricole et céréalière densément occupée depuis le Néolithique.
Ces recherches archéologiques auront ainsi permis d'approfondir la connaissance de la vie quotidienne des hommes habitant ou ayant traversé le Loiret il y a  environ 6 000 ans (3 sites néolithiques révélant des amas de débitage et de façonnage d'outils en silex) ; de mieux appréhender les rites funéraires du début de la protohistoire, vers - 1250 (2 sites de l'âge du Bronze constitués de sépultures à incinérations, délimitées par de remarquables monuments, des tumuli à cercle de pierres) ; de suivre l'évolution des populations celtes à travers leur mode de vie, cultures matérielles, pratiques funéraires et cultuelles (12 sites de l'âge du Fer, de - 800 à - 27) ; d'étudier l'influence de la conquête romaine sur la société gauloise et ses paysages (5 sites gallo-romains allant de - 27 à 500 de notre ère) ; de compléter les archives du Moyen Âge en révélant 8 sites constitués principalement de fermes, parfois assorties de zones d'artisanat domestique, d'un souterrain et de nécropoles.

Quelques sites remarquables, d'ouest en est :

La ferme gauloise et la nécropole de « La Pièce Chameul » à Chevilly
Le site de « La Pièce de Chameul » à Chevilly regroupe, dans une zone de fouille de près de 4 hectares, un habitat rural aristocratique gaulois et une nécropole de près de 65 tombes à inhumation et à incinération (IIIe-Ier siècle avant notre ère).
L'habitat gaulois s'organise dans un enclos fossoyé de plan carré de 80 m de côté, où sont répartis plusieurs dizaines de grandes fosses et de silos destinés au stockage des productions agricoles. Les emplacements des trous de poteau révèlent la présence de bâtiments ayant subi un violent incendie, comme en témoignent des éléments de torchis brûlé.
La nécropole associée à cet établissement a pu être entièrement fouillée. Le mobilier découvert dans les sépultures confirme le statut aristocratique du site : amphores importées de Méditerranée (Grèce et Italie) pour la consommation de vin, dépôts d'animaux dans de grandes fosses (crânes de chevaux et de bœufs : rituels d'offrandes), pièces d'armement métallique (épée, fourreau, lance, bouclier), parures (fibules, colliers, bagues...).
La bonne conservation du site et l'association d'un habitat aristocratique gaulois et de sa nécropole sont très rares en France et actuellement uniques en région Centre.

Le site gaulois de « La Grande Route » à Neuville-aux-Bois
Ce site a révélé d'importants vestiges : enclos, fossés, bâtiments légers et greniers ont été dégagés. La majorité de ces découvertes est attribuée à deux périodes du second âge du Fer (culture de La Tène) : l'une vers  450 avant notre ère, l'autre à la fin du IIe siècle et dans le courant du Ier siècle avant notre ère.
La vocation agricole de ce site celtique est confirmée par de nombreux silos, grandes fosses souterraines de stockage, bouchées hermétiquement assurant ainsi une atmosphère confinée aux céréales engrangées.
À Neuville-aux-Bois, sept des quinze silos recèlent des dépouilles humaines. Six fosses contiennent un seul squelette, une septième associe deux individus déposés successivement. Ces dépôts humains témoignent de la réutilisation de structures domestiques pour une fonction funéraire, associant le monde agricole au monde des morts. La mise au jour d'une femme parée d'un torque (collier rigide en bronze) et de deux bracelets, d'un dépôt d'objets métalliques (bracelet, gobelet), des quatre membres d'un cheval soigneusement mis en scène et d'un cochon entier conduit à renforcer la théorie des « silos offrandes » : il ne s'agirait pas du rejet d'individus marginaux mais d'une offrande aux dieux, celle d'un individu choisi (souvent une femme), d'un animal à forte valeur symbolique et sociale (ici un cheval) et d'objets métalliques.

Le site du « Marjolet » à Aschères-le-Marché 
Ce site montre une occupation d'importance inégale entre le début de la période gauloise et le XIIIe siècle.
Au cours de l'âge du Fer, la présence humaine sur le site se résume à de nombreuses structures de stockage (silos). Aucun habitat n'a été observé et tout porte à penser qu'il se situe dans une zone proche, mais externe à l'emprise des fouilles.
Les époques gallo-romaine et du début du Moyen Âge n'ont livré qu'un nombre très restreint de vestiges soulignant cependant la proximité d'une occupation.
Au XIe ou XIIe siècle, l'installation d'une cabane semi-excavée et d'un enclos rectangulaire attestent d'une reprise de l'occupation sur le site.
Au XIIe ou XIIIe siècle, l'occupation se densifie à l'intérieur de l'enclos avec l'installation d'une batterie comprenant 6 silos et d'un bâtiment à armature de bois de plain-pied. Néanmoins, la structure la plus remarquable pour cette période est un souterrain, desservant trois salles de petites dimensions, qui dut servir à la fois de refuge ponctuel à une population paysanne et de réserve pour des denrées.  S'il est comparable à d'autres constructions de ce type déjà connues dans la région, son caractère exceptionnel réside dans le lien que l'on peut établir avec les constructions de surface. Le site semble avoir été abandonné au cours du XIIIe siècle, sans doute à la suite d'une réorganisation de l'habitat qui annonce la configuration actuelle du peuplement.

Habitats et nécropole du Moyen Âge à Aschères-le-Marché
Les lieux-dits « Réages de Luyères » et « La Cardeuse », comportaient trois zones de fouille couvrant au total 1,7 ha.
Divers aménagements excavés s'organisent en entités distinctes. Deux  zones domestiques distantes d'environ 300 m ont livrés des traces d'activité de forge et de nombreuses structures de stockage des céréales. Les habitats doivent se situer en dehors de l'emprise des fouilles.  
Une nécropole s'intercale entre ces deux pôles d'occupation. Les inhumations sont réparties en deux groupes localisés de part et d'autre d'un chemin.
L'étude de ces ensembles domestiques et leur nécropole permet d'aborder l'évolution de l'occupation entre les IXe et XIe siècles.

Le site gallo-romain de Mareaux-aux-Bois
Le site est implanté sur un léger promontoire dominant les vallées de deux petits cours d'eau : l'oeuf à l'est et La Laye à l'ouest. L'occupation commence au cours du Haut-Empire romain (Ier-IIIe siècles) et se poursuit au cours du Bas-Empire (IIIe-IVe siècles).
Des fossés d'enclos, des fosses et des bâtiments sur poteaux concentrés dans la partie nord du site témoignent de l'existence d'un petit établissement rural.
L'occupation se poursuit au cours du haut Moyen Age mais semble progressivement se déplacer vers la partie orientale de l'emprise. Elle peut être interprétée comme les vestiges d'un petit village entouré d'une palissade et desservi par un chemin. La vie de cette petite agglomération semble se poursuivre sans interruption jusqu'au XIIe siècle, date à laquelle elle semble définitivement abandonnée au profit du village actuel.

La nécropole tumulaire de Courcelles
Au lieu-dit « Le Haut de l'Aunette », deux ensembles funéraires du début de l'âge du Bronze final (autour de 1300 avant notre ère) regroupent plusieurs monuments à cercle de pierres (tumuli) jusqu'alors inconnus en région Centre. La plupart des tombes présente des aménagements particulièrement soignés : coffrage en bois ou dalles en calcaires et aménagement du fond pour l'installation d'un plancher. Ces éléments observés évoquent l'image d'une maison funéraire.
Le défunt est incinéré, puis les restes sont déposés dans une urne ou dans un contenant en matériau périssable (coffrets en bois ou vanneries...). Divers objets l'accompagnent dans la tombe : un service funéraire comprenant entre 2 et 5 vases et, parfois, des objets personnels tels que des parures ou des objets de toilette. Ces ensembles de la fin de l'âge du Bronze témoignent donc d'une pratique funéraire unique, l'incinération, mais aussi de comportements très diversifiés autour de la mort et du traitement du défunt.

Les Gaulois dans la plaine de Batilly : aristocrates ou villageois ?
Les fouilles archéologiques réalisées aux « Pierrières » à Batilly-en-Gâtinais ont permis d'exhumer les vestiges d'un site gaulois dont l'importance était insoupçonnable. Une vingtaine de chercheurs s'est relayée pour étudier les traces laissées par des gaulois peu ordinaires.
Sur près de cinq hectares, ont été mis au jour, plus d'un millier de structures archéologiques correspondant à des fossés, des trous de poteau, des tranchées de fondation de bâtiments et de palissades, ainsi que des inhumations. Ces vestiges se répartissaient dans et autour d'un grand enclos de 160 m de côté dont les larges fossés s'apparentent à un système de fortification. Les bâtiments, au nombre d'une vingtaine, présentent le plus souvent des plans très particuliers qui reflètent leur monumentalité. Le mobilier mis au jour atteste lui aussi du caractère exceptionnel de ce site atypique (vaisselle en bronze, fer à cheval, peintures murales...).
Le site, découvert lors de prospections aériennes, est composé d'une résidence aristocratique monumentale du second âge du Fer (IIe siècle avant notre ère), entourée d'un vaste enclos d'environ 160 m de côté (soit 2,5 hectares de surface intérieure !). Il est délimité par des fossés larges de 6 m et profonds de 3,50 m, vraisemblablement associés à un talus défensif. L'aménagement du fossé révèle l'emplacement d'une porte d'accès à l'enclos. Celui-ci, partagé en deux, comprend une cour et plusieurs bâtiments et constructions monumentales identifiés par l'emplacement des poteaux et des installations de palissades.
La zone de fouille concerne également des vestiges du premier âge du Fer (Ve-IVe siècles avant notre ère), caractérisés par une batterie de grands silos de stockage agricoles ainsi que plusieurs bâtiments gaulois construits sur poteaux.
Cet ensemble offre des données nouvelles pour la connaissance régionale des cultures celtiques (VIIe-Ier siècle avant notre ère).

L'agglomération secondaire de « La Justice » à Beaune-la-Rollande
Au cours du Ier siècle de notre ère, un site routier se développe de part et d'autre de la voie Orléans-Sens. L'agglomération, qui couvrira progressivement une dizaine d'hectares, a fait l'objet d'une fouille préventive de plus de 3 hectares.
La rue qui traverse l'agglomération est bordée de trottoirs et de caniveaux le long desquels s'alignent de nombreuses maisons. Dans les bâtiments qui comptent plus d'une trentaine de caves, on trouve aussi des échoppes qui donnent sur la rue ou des petites pièces et des arrières cours qui abritent des ateliers d'artisans forgerons. A l'entrée du village, les thermes offrent aux habitants et aux voyageurs un lieu pour se laver et se détendre. Jusqu'au milieu du IIIe siècle, la vie semble suivre son cours au gré des allées et venues des commerçants allant d'Orléans à Sens ; deux chefs lieux de cité ; ou se rendant dans la ville d'eau de Sceaux-du-Gâtinais.

Les ateliers de fabrication de haches de Fontenay-sur-Loing et Corquilleroy
La vallée du Loing et le Gâtinais ont été densément occupés dès le Néolithique. Quelques vestiges mégalithiques de cette période existent encore, tels que dolmens, ou polissoirs, et de nombreux habitats de cette période ont été repérés. Au cours du Ve millénaire avant notre ère (Néolithique moyen), les habitants de ce secteur ont densément exploité le silex local pour la fabrication d'outil, pour un usage domestique, mais également se développent des ateliers spécialisés dans la fabrication des haches. Les ateliers les plus importants, repérés dès le début du XXe siècle, se trouvent dans les environs de Girolles. Les opérations de diagnostic avaient permis de repérer deux ateliers de ce type, le premier sur la commune de Fontenay-sur-Loing, et le deuxième sur la commune de Corquilleroy. Une dizaine d'archéologues de l'Inrap y a travaillé pendant près de quatre mois, d'octobre 2006 à janvier 2007. Ils ont mis au jour des concentrations d'éclats de silex correspondant aux différentes phases de préforme des haches. Tous ces déchets de taille, récoltés sur plusieurs dizaines de mètres carrés, nous renseignent sur les modes de fabrication de cet outil. La présence d'indices d'habitats à proximité de l'atelier de Corquilleroy pose également la question du rapport entre site d'habitat et atelier spécialisé pendant cette période du Néolithique.
Partenaires : Collectivité territoriale - Conseil général du Loiret
Aménagement : Arcour-Vinci
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Centre)
Recherche archéologique : Inrap
Coordinateur scientifique : Thibaud Guiot, Inrap
Contact(s) :

Mahaut Tyrrell
chargée de communication médias
Inrap, pôle partenariats et relations avec les médias
01 40 08 80 24 - mahaut.tyrrell [at] inrap.fr

Sophie Jahnichen
chargée du développement culturel et communication
Inrap, direction interrégionale Centre - Île-de-France
01 41 83 75 51 - 06 84 80 73 58 - sophie.jahnichen [at] inrap.fr