A Marolles-sur-Seine, Seine-et-Marne, cette fouille, sur 2,5 ha, fait suite à une opération de diagnostic réalisée en 2003 (responsable N. Mahé).

Dernière modification
19 février 2016

La nécropole du début du Bronze final de La Croix Saint-Jacques à Marolles-sur-Seine (Seine-et-Marne), fouillée à la fin de l'été 2004 dans le cadre d'une opération d'archéologie préventive, s'insère dans un contexte archéologique bien maîtrisé depuis de nombreuses années, car plus d'une trentaine d'ensembles funéraires de l'âge du Bronze sont connus dans l'interfluve Seine-Yonne.

La Croix Saint-Jacques compte parmi les nécropoles les mieux conservées de La Bassée, avec 7 monuments funéraires et 65 sépultures (10 inhumations et 55 incinérations). Sa chronologie s'étend sur deux siècles (vers 1350 à 1100 av. notre ère) et cette occupation relativement courte du site la démarque nettement des nécropoles voisines de Marolles-sur-Seine/La Croix de la Mission (40 sépultures sur 1 800 ans) et Les Gours aux Lions (une quarantaine de sépultures datées du Bronze final I au Bronze final IIIb).

La Croix Saint-Jacques (2)
Marolles-sur-Seine/La Croix Saint-Jacques
Incinération en urne céramique avec dépôt secondaire de vases accessoires.
Cl. N. Ameye/Inrap

La répartition spatiale de la nécropole de La Croix Saint-Jacques, qui se développe du S-O au N-E, adopte une apparence linéaire induite par le tracé d'un chemin du haut Moyen Âge qui a scellé une partie des sépultures sous-jacentes. Il faut donc interpréter avec prudence la répartition et la densité des structures car l'érosion de part et d'autre du chemin a probablement été assez intense. Les sépultures témoignent d'une grande variété dans l'architecture funéraire et confirment la coexistence chronologique des différents types architecturaux. Les enclos fossoyés, circulaires ou ovales, avec ou sans entrée, constituent le noyau de la nécropole autour duquel se dispersent les tombes. L'un d'entre eux, un enclos ovale de 30 m de long établi sur une butte, a certainement dû dominer l'espace funéraire et le paysage environnant. Parmi les sept enclos funéraires répertoriés, trois ont conservé leur sépulture centrale, inhumation ou incinération, dont l'aspect monumental est attesté par la présence d'un coffrage en bois, parfois doublé par un parement en blocs de calcaire et de grès. Une architecture funéraire identique est observée pour des sépultures localisées autour de ces monuments, même si l'arasement prononcé de certaines rend malaisée leur lecture.

Un exemple exceptionnel et inédit de construction funéraire consiste en une incinération établie dans un coffrage d'1,7 m de long sur 1 m de large dont les parois sont construites en tessons de céramique, essentiellement des fonds de vases complets ou de gros fragments de panse, parfois accompagnés de bord de vase (cf. notice N. Mahé, Archéopages, n° 12).


Par ailleurs, l'utilisation de blocs de calcaire et de grès dans l'architecture comme marqueurs de sépulture est particulièrement fréquente à La Croix Saint-Jacques. Ces pierres, qui proviennent du plateau, témoignent de l'investissement des peuples de l'âge du Bronze dans la construction de leurs monuments et l'aménagement de l'espace funéraire. Cette mise en scène de la tombe est ici particulièrement bien illustrée par un enclos rectangulaire de 2,50 sur 1,70 m, dessiné par des blocs de calcaire posés de chant et dont le surcreusement central de l'aire interne reçoit une urne cinéraire calée par des blocs de calcaire. Par ailleurs, de nombreux blocs de calcaire et de grès jonchent le sol autour des sépultures, provenant probablement de monuments démantelés au fil du temps. La majorité des inhumations présente un très mauvais état de conservation générale. Il s'agit de sépultures simples, dépourvues de mobilier ou accompagnées d'un mobilier funéraire succinct : épingle, bracelet ou bague en alliage cuivreux. Une série d'analyses 14C est en cours avec pour objectif de replacer ces sépultures d'apparence plus modeste dans le développement chronologique de la nécropole.

Les incinérations sont majoritaires à La Croix Saint-Jacques et les esquilles d'os brûlé sont ici de préférence regroupées dans une urne céramique à l'inverse des sépultures de La Croix de la Mission où les dépôts en contenant périssable sont très présents. Les dépôts les plus récurrents sont constitués d'une urne en position centrale dans une fosse assez exiguë, parfois calée par des pierres de calcaire ou des tessons de céramique adaptés aux parois. Elle est associée à un mobilier d'accompagnement constitué de vases entourant ou recouvrant l'urne, certains d'entre eux, surcuits, ont accompagné le défunt sur le bûcher funéraire. On note, au sein de cet ensemble, une spécificité qui concerne une petite dizaine d'incinérations, où, pour obturer les esquilles d'os brûlé, un grand vase a été retourné sur le dépôt. On ne connaît, pour cette pratique originale, que des comparaisons plus anciennes qui concernent des incinérations du Bronze ancien et moyen du nord de la France. Un abondant mobilier céramique a été découvert dans les sépultures, comprenant une large collection de formes et de décors, qui permet de cerner l'utilisation de la nécropole à l'étape initiale du Bronze final. Divers objets, appartenant à la panoplie personnelle du défunt, sont aussi intégrés au dépôt : poignards, couteaux, épingles, bracelets, perles hélicoïdales, hameçons et anneaux en alliage cuivreux, perles en ambre. La fouille des urnes ne manquera pas de révéler un mobilier supplémentaire d'un grand intérêt. Les sépultures de la nécropole de La Croix Saint-Jacques soulignent la grande variété des pratiques funéraires s'exprimant ici à travers l'architecture des tombes, l'agencement des dépôts, la composition et la typologie du mobilier, le traitement du défunt (inhumation, incinération, mise en dépôt des restes osseux).

L'étude à venir prendra en compte toutes ces données pour cerner au plus près l'utilisation de la nécropole en dégageant d'éventuelles phases chronologiques.