A Saint-Gence, Haute-Vienne, la fouille menée sur une superficie d'environ 3 100 m², en bordure sud de l'agglomération gauloise, a mis au jour plus de 500 structures en creux, essentiellement des trous de poteau ayant appartenu à des greniers à grains, à des bâtiments ou à des palissades.

Dernière modification
10 mai 2016

De grandes fosses rectangulaires pourraient être assimilées à des soubassements de constructions à la fonction indéterminée. On notera également la présence d'une dizaine de puits de forme carrée, profonds de 4 à 5 m, dont certains ont livré des amphores complètes.
 
Les découvertes permettent de situer approximativement l'origine de l'occupation gauloise de Saint-Gence au début du IIe siècle avant J.-C. L'hypothèse d'un déplacement de population vers le chef-lieu de cité, Augustoritum-Limoges, distant d'une quinzaine de kilomètres paraît se confirmer au vu des datations de la désaffectation du secteur au tournant de notre ère.


Le terrain concerné par cette intervention est situé immédiatement à l'ouest de la parcelle fouillée de 2005 à 2007 par Guy Lintz (service régional de l'Archéologie du Limousin) dans le cadre de sa recherche programmée. Menée depuis 1998 dans le bourg de Saint-Gence, cette recherche, associée aux découvertes ponctuelles du XIXe siècle, a permis de prendre conscience de l'énorme potentiel archéologique de la commune. Le bourg actuel recouvre ainsi la quasi-totalité d'une agglomération gauloise d'une quinzaine d'hectares de superficie, occupée principalement aux IIe et Ier siècle avant J.-C.
 
Au total, 537 structures en creux, pour l'essentiel des trous de poteau servant à l'origine d'armature à des bâtiments construits en terre et en bois, ou bien à des palissades, ont été mises au jour. L'espace fouillé semble scindé dans le sens nord-sud par une importante palissade reconstruite à plusieurs reprises. D'autres trous de poteau fonctionnant par 4 pourraient avoir soutenu des greniers surélevés au-dessus du sol. Le stockage des denrées, en particulier des céréales, dans ces constructions permettait d'isoler les productions de l'humidité du sol et de les protéger des rongeurs. Une activité agricole importante a donc dû être pratiquée par la population gauloise de Saint-Gence, ce que semble confirmer la découverte de silos à grain dans l'angle sud-est de la zone de fouille.

On note la présence de fossés plus ou moins importants. Le plus vaste, repéré au nord de l'emprise et orienté est-ouest, se trouve dans le prolongement d'un axe de circulation observé sur la parcelle voisine. Ce large fossé à fond plat, marqué par deux ornières parallèles, correspond à un chemin creux gaulois qui permettait de pénétrer dans la ville tout en étant canalisé. Des fossés plus petits semblent délimiter des espaces bien définis, réservés au bétail ou à des activités spécifiques. Toutefois, l'arasement important du site et la surface d'emprise de fouille limitée ne permettent pas de trancher. De grandes fosses circulaires, peu profondes, de plusieurs mètres de diamètre ont été fouillées, mais leur fonction initiale reste incertaine. S'agit-il de fosses d'extraction de sédiment naturel ?
Quatre grandes fosses quadrangulaires, profondes, aux parois verticales et au fond plat pourraient correspondre à des soubassements semi-enterrés de bâtiments de bois. Elles se sont révélées très riches en mobilier. Ces espaces étaient-ils destinés à stocker des denrées (céréales, boissons) ou bien à une activité particulière ? A-t-on affaire à des ateliers ? Sur le site, comme sur la parcelle voisine, de petits creusets pour fondre le métal et des moules « à lingots » en terre cuite laissent entrevoir une activité métallurgique. Ce genre de pratique artisanale associée à l'agriculture est courante sur les agglomérations gauloises ouvertes ou fortifiées, de type oppidum.

Enfin, neuf puits ont été identifiés sur l'emprise de la fouille. Pour des raisons de sécurité, seuls quatre d'entre eux ont pu être fouillés par ArchéoPuits. De forme carré, ils étaient profonds en moyenne de 4 à 5 m. Ils se sont révélés très riches en mobilier, particulièrement en tessons d'amphore et de céramique. On notera la présence d'amphores presque entières dans deux de ces puits (5 dans le premier et une dans un autre). L'une de ces amphores possédait une estampille sur sa lèvre : SES suivi d'une ancre de marine...
 
Chose exceptionnelle, le remplissage de fond de ces puits a stagné dans l'eau depuis plus de 2 000 ans, ce qui a permis la conservation des matières organiques. Si les ossements ont complètement disparu du fait de l'acidité du terrain, le bois, les fougères, les noyaux et coquilles ont été retrouvés quasiment intacts. On mentionnera en particulier des noyaux et des queues de cerises, un fragment de cuir qui pourrait avoir appartenu à une chaussure, un peigne sans doute en buis et un possible fond de seau en bois. En outre, deux bouchons d'amphores en liège ont pu être prélevés. Cette matière organique constitue le véritable trésor du site, même si de l'un des puits, un petit « lingot » d'or pur, de près de 5 grammes, n'a pas échappé à la vigilance des archéologues.

Car l'une des questions qui se pose est de savoir si oui ou non, l'agglomération de Saint-Gence avait un lien avec les nombreuses mines d'or gauloises répertoriées au nord de Limoges. A-t-on transformé ici le minerai ? Y-a-t-on fondu le précieux métal ? Rien ne permet pour le moment de l'affirmer. Le second point important, non résolu à Saint-Gence, consiste à comprendre la raison de cette phénoménale quantité d'amphores retrouvées entières ou brisées. Ces amphores, principalement de type Dressel 1A, proviennent d'Italie et servaient à transporter du vin. Les Gaulois, et ceux de Saint-Gence en particulier, étaient de grands amateurs de ce breuvage. Mais pour l'acquérir, il fallait tout d'abord se trouver près d'un circuit commercial et posséder des produits d'échange, tels que des esclaves, des peaux, du bétail ou encore du métal. Or, on sait qu'un itinéraire très ancien, probablement préromain, menant du sud de la Gaule à l'Armorique, devait passer à peu de distance du bourg gaulois de Saint-Gence. Le moyen d'échange reste plus mystérieux. Les fouilles futures permettront peut-être de préciser ces hypothèses.

En résumé, la fouille menée sur cette parcelle est riche en information et complète les données issues des campagnes de fouille précédentes. La communauté archéologique nationale concernée par la période gauloise s'intéresse de plus en plus au site de Saint-Gence où les découvertes mobilières et immobilières sont singulièrement intéressantes, dans une région où l'occupation du sol durant la période gauloise est encore méconnue. Avec le riche sanctuaire (gaulois et gallo-romain) de Tintignac (commune de Naves) au coeur de la Corrèze, le Limousin semble enfin vouloir dévoiler quelques-unes de ses richesses archéologiques.