Une équipe de l'Inrap fouille actuellement, sur prescription de l'État (DRAC Pays-de-la Loire), l'emplacement du futur espace culturel des Jacobins dont la ville du Mans est maître d'ouvrage.

Dernière modification
19 février 2016

Les archéologues exhument les victimes des combats meurtriers des 12 et 13 décembre 1793. Cet épisode des guerres de Vendée, connu par les textes, était inconnu du point de vue de l'archéologie, aucun charnier lié à cet événement n'ayant fait l'objet d'une étude archéo-anthropologique. 

La virée de Galerne et la bataille du Mans

La virée de Galerne et la bataille du Mans
Le 10 décembre 1793, l'armée catholique et royale s'empare du Mans. Les troupes républicaines reprennent la ville les 12 et 13 décembre. 20 000 à 30 000 soldats républicains affrontent 30 000 à 60 000 Vendéens dont 10 000 à 20 000 combattants. Le gros de l'armée vendéenne fuit la ville à marche forcée en direction de Laval. À la suite des combats, la répression envers les prisonniers et les fuyards, malades, blessés, vieillards, femmes et enfants, va se dérouler au Mans et alentours. 2 000 à 5 000 Vendéens vont perdre la vie dans cette bataille, qui fera une centaine de morts parmi les forces républicaines. Cette grande armée vendéenne composée principalement d'Angevins était déjà sujette à une forte mortalité, sans combattre, liée à une épidémie de dysenterie accompagnée de fièvre putride : « la maladie brigantine ».
La bataille du Mans est un épisode important de « la virée de Galerne » au cours de la première guerre de Vendée. La galerne désigne le vent du Nord-Ouest et caractérise ici et pour les Vendéens les pays au Nord de la Loire. La virée de Galerne débute le 18 octobre 1793, au lendemain de la défaite de Cholet. Elle s'achève par l'anéantissement de l'armée catholique et royale dirigée par Henri de la Rochejacquelin, généralissime de 21 ans, à Savenay, le 23 décembre 1793, par les troupes de Kléber.

Archéologie d'une catastrophe

Aujourd'hui, une partie des fosses contenant ces victimes est pour la première fois fouillée dans des conditions optimales par cette équipe d'anthropologues et d'archéologues. Neufs charniers contiennent les restes d'au moins 140 sujets. Les individus sont parfois tête bêche. Certains sujets possèdent encore boutons de chemise et de culottes, boucle de bottes ou de guêtres, canif, chapelet...
La majorité des fosses a été condamnée par une épaisse couche de chaux vive. La disposition anarchique des corps évoque un charnier creusé dans l'urgence, sans réel geste funéraire.
Hormis plusieurs adolescents, les sujets inhumés sont tous des adultes tant hommes que femmes.
De nombreux corps portent les stigmates osseux de combats violents à l'arme blanche : fractures, incisions nettes, mandibule tranchée, maxillaire coupé, omoplate percée... Les impacts d'armes à feu sur l'os sont minoritaires mais bien présents, confirmés par la découverte de balles et de clous révélateurs de tirs à mitraille.

Anthropologie des combats

L'étude fine de ces lésions (macroscopique et microscopique), leur localisation, leur taille, leur direction et angulation permet la reconstitution des gestes responsables du traumatisme, leur chronologie, ainsi que l'identification de l'arme ou de l'objet responsable de la blessure (poids, puissance, état...) et la mise en relation avec les données historiques disponibles sur l'armement de la fin du XVIIIe siècle. La caractérisation de ces coups portés par des armes décrites dans les textes et connues dans les musées permettra la création d'un référentiel pour d'autres types de conflits armés et non documentés. En cela aussi cette fouille s'inscrit dans une démarche de recherche novatrice.

Anthropologie d'une population

Au-delà de l'événement, l'étude ostéologique permettra de dresser un bilan complet d'une population de la fin du XVIIIe. La soudaineté des décès et la contemporanéité des défunts offrant une possibilité rare de caractériser une population par son étude démographique et sanitaire.
En 2005, l'Inrap avait exhumé le camp napoléonien d'Étaples (1803-1805), établi par la Grande Armée en vue de la conquête de l'Angleterre. Aujourd'hui un important épisode de la Révolution est éclairé par cette découverte archéologique majeure. Les recherches entreprises au Mans sont une occasion exceptionnelle d'appréhender le comportement d'une société face à une crise (en l'occurrence des milliers de morts jonchant les rues de la ville), de percevoir la nature des combats à travers la traumatologie, et de mettre en évidence le recrutement démographique des engagés dans ce conflit révolutionnaire.

Les sépultures « de crise » ou « de catastrophe » sont un thème de recherche novateur en archéologie des temps modernes. Après les charniers de Vilnius (Lituanie) et de ceux de Kaliningrad (fédération de Russie), l'Inrap fouillera prochainement à Borisov, en collaboration avec l'Institut d'histoire de l'académie des sciences de Biélorussie à  Minsk, l'emplacement des pontons construits sur la Bérézina par la Grande Armée lors de la retraite de Russie en novembre 1812.
Aménagement : Ville du Mans
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (Drac Pays-de-la-Loire)
Responsable scientifique : Pierre Chevet/ Elodie Cabot, Inrap
Contact(s) :

Mahaut Tyrrell
chargée de communication médias
Inrap, pôle partenariats et relations avec les médias
01 40 08 80 24
mahaut.tyrrell [at] inrap.fr

Mélanie Scellier
chargée du développement culturel et de la communication
Inrap Grand Ouest
02 23 36 00 64
catherine.dureuil [at] inrap.fr