Situé au coeur d'un centre historique classé au Patrimoine mondial de l'Humanité, le chantier archéologique de la place du Château à Strasbourg, mené sur prescription de l'État (Drac Alsace) par une équipe de l'Inrap s'est déroulé de juillet à octobre 2012.

Dernière modification
10 mai 2016

Cette fouille a livré deux fresques romaines. Grâce à la coordination des services de l'État, de la CUS, du Musée archéologique de Strasbourg, de l'Inrap et du Centre d'études des peintures murales romaines de Soissons, ces deux peintures déjà restaurées, sont présentées au public.

Le camp de la VIIIe légion Auguste

La place du Château se situe dans la partie du camp de la VIIIe légion, la praetentura, qui abrite, entre autres, les maisons des six tribuns de la légion et les baraquements d'une ou de plusieurs cohortes. Parmi de nombreuses découvertes la fouille a permis de mettre au jour plusieurs murs. Une des cloisons, effondrée d'un seul tenant, portait de chaque côté une peinture murale d'une grande qualité. Ces deux peintures ornaient les murs de deux pièces attenantes. Suite à un prélèvement minutieux et à leur restauration, les deux enduits peints sont exposés au Musée archéologique de Strasbourg, et s'intègrent parfaitement dans l'exposition en cours Un art de l'illusion. Peintures romaines en Alsace.

Une figuration mystérieuse

La première peinture présente une guirlande rouge accrochée par un noeud vert au cadre rouge et noir d'un panneau blanc. Ce motif, fréquent dans l'iconographie antique, devait être répété sur le mur de la pièce.
La deuxième peinture présente un personnage debout dans une architecture fictive, composée d'une colonnade et d'un édicule à fronton qui lui sert d'écrin. Tel un front de scène, ce décor théâtralise la paroi. Aucune inscription n'accompagne le personnage, rendant son identification incertaine. Mais, il a pour seul vêtement un manteau qui lui laisse l'épaule droite dénudée, motif bien connu du philosophe. Toutefois, il n'est pas barbu et tient dans sa main droite un objet s'apparentant au pedum, bâton qui servait au berger à crocheter les pattes de ses chèvres pour les attraper. Quant à l'attribut tenu par la main gauche, il pourrait s'agir d'un bâton de pèlerin, mais son aspect sinueux évoque aussi un serpent saisi par la queue, dont la gueule béante s'apprête à mordre le gros orteil gauche du personnage. Plusieurs schémas iconographiques sont donc présents : le peintre ne nomme pas, fait appel à la mémoire collective et préfère l'allusion à l'explication. Le décor de la pièce dans son ensemble devait livrer les clefs de l'interprétation.
Deux graffitis accompagnent ce personnage : Demetrius [...]usso et Cassio [salve] te bibet, pourrait être traduit par « Démétrius boira » ou « trinquera sainement à toi avec [...]ussus et Cassius ». Cette formule est lancée comme un toast à laquelle répond la deuxième inscription : Demetrius filosopus et caldas (aquas) ol(l)a bibet, qui peut être traduite par « Démétrius le philosophe boira même le bouillon à la marmite », façon sans doute de trinquer sainement. Inscrits par deux mains différentes, ils fonctionneraient comme une réponse du second au premier ou comme une surenchère. Le peintre n'a peut-être pas voulu figurer le philosophe Démétrius, mais cette représentation inspira ce nom aux deux spectateurs. S'agirait-il de Démétrius de Phalère ? Ce chef d'état athénien du IVe siècle avant notre ère, éloquent orateur, mourut d'une morsure de serpent lors de son exil en Égypte. Le choix du thème iconographique, le personnage et les graffitis indiquent en tout cas que le propriétaire des lieux, peut-être un des tribuns de la légion, appartenait à une classe sociale élevée et cultivée. Plusieurs niveaux de lecture sont donc possibles. Le premier concerne le thème iconographique demandé au peintre : il peut s'insérer dans un programme décoratif bien précis, par exemple une galerie de portraits de philosophes. Les graffitis permettent une deuxième lecture, basée sur l'interprétation du personnage par les auteurs (qui voient tout le décor et connaissent l'identité du propriétaire). Enfin, la dernière lecture est celle du contemporain, tentant d'interpréter le plus justement possible cette figuration.

La rénovation de la place du Château

La place du Château est un site emblématique de Strasbourg et de son histoire. Bordant le côté sud de la cathédrale, elle est entourée de bâtiments de qualité, édifiés au fil des siècles. À l'époque du « tout automobile », elle est transformée en parking. En 2010, la place est restituée aux piétons et un premier projet est élaboré. Il vise à faire de l'espace un lieu d'agrément, à révéler les monuments qui en constituent le cadre - et en premier lieu la Cathédrale -, à offrir des perspectives d'ensemble et à valoriser les cinq musées de la place. Les travaux de fouille n'ont occasionné aucun retard, le calendrier reste donc fidèle aux prévisions de départ : ouverts durant l'été 2012, les travaux de réaménagement de la place s'achèveront en septembre 2013.
Aménagement : Ville et Communauté urbaine de Strasbourg
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie (Drac Alsace)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Heidi Cicutta, Inrap
Étude des enduits peints : Nathalie Froeliger, Inrap, Markus Scholtz, spécialiste de l'épigraphie mineure, Römisch Germanisches Zentralmusem de Mayence
Restauration des enduits peints : Béatrice Amadéi, Centre d'études des peintures murales romaines de Soissons
Contact(s) :

Stéphanie Hollocou
Chargée de développement culturel et de communication
Inrap, direction interrégionale Grand Est sud
06 72 56 28 51
stephanie.hollocou [at] inrap.fr%20" target="_self">stephanie.hollocou [at] inrap.fr

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