A Cléry-sur-Somme et Allaines (Somme), la fouille fait suite au diagnostic mené sous la direction de Franck Defaux et Jean-David Desforges (Inrap) en octobre 2009.

Dernière modification
10 mai 2016

Le tracé du canal recoupe, à cet endroit, les territoires communaux d'Allaines, de Cléry-sur-Somme et de Péronne.

Une petite exploitation agricole gallo-romaine à Allaines

Cette fouille a été l'occasion d'examiner la partie méridionale d'une exploitation agricole gallo-romaine. Les principaux vestiges sont enserrés dans un enclos rectiligne qui se développe principalement au nord, hors de notre champ d'investigation. L'angle sud-est de l'enclos est équipé d'un système de couloirs et chicanes en relation avec l'accès à la parcelle. Quelques fosses dépotoirs ont piégé des débris de poterie de la période gallo-romaine qui renseignent sur le vaisselier en usage à cette période et, au-delà, sur l'économie du site. Il ne s'agit pas ici à proprement parler d'une villa gallo-romaine, mais d'un site intercalaire plus modeste et plus difficile à caractériser. Une sépulture en coffre, enfouie entre le Ier et le IIe siècle de notre ère, a été aménagée dans l'angle sud-est de l'enclos d'habitat. Elle contenait plusieurs vases en terre cuite, un miroir argenté et deux monnaies de bronze, que l'on peut interpréter comme les célèbres oboles à Charron qui permettaient à l'âme du défunt de payer le nocher (passeur) afin de pouvoir traverser le Styx, le fleuve des enfers.

Les tombes en coffre de Cléry-sur-Somme

Les marges nord-ouest d'une exploitation agricole gauloise et gallo-romaine ont été identifiées. La période gauloise est marquée par quelques tombes à crémation très arasées, situées à l'ouest de l'emprise. En revanche, la période gallo-romaine est un peu mieux représentée avec la présence de lambeaux de fossés encadrant les lieux occupés par les hommes. Il s'agit d'habitats fossoyés, regroupant espaces de vie et zones de sépultures. L'originalité réside ici dans la découverte de tombes en coffre, parfois coiffées de larges dalles calcaires, qui ont assuré une excellente préservation des dépôts. À côté de services complets en céramique sigillée, on peut décliner la présence de verrerie, de mobilier métallique tel que fibules, miroir argenté, cuillers en bronze et objets en os.
Une sépulture nous éclaire sur les pratiques funéraires du Haut-Empire. Les huit coupelles en sigillée (céramique de luxe) déposées dans cette tombes ont toutes été amputées d'un fragment de lèvre. Ces prélèvements sont peut-être à interpréter comme la pars pro toto, la part pour le tout, permettant ainsi de s'approprier symboliquement l'offrande funéraire. De plus, trois de ces coupelles portaient des marques après cuisson révélant deux noms : MATII et VER. Faut-il voir dans ses graffites l'identité des officiants ou celle de la famille du défunt ?

Cette fouille a également livré, dans un dépotoir, un dodécaèdre en bronze. Il s'agit d'un polyèdre régulier dont les douze faces sont des pentagones. L'objet est ajouré, chaque face étant percée d'un cercle de diamètre différent. Sur chaque sommet se dresse un ergot destiné à la suspension de l'instrument. Un peu moins d'une centaine de dodécaèdres sont connus au nord de l'Empire romain ; leur fonction, bien que sujette à discussion, est probablement liée à l'arpentage et plus particulièrement au calcul de distance.

Gilles Prilaux et Nathalie Soupart (Inrap)