Depuis la fin mai 2012, l'Inrap mène une fouille au Genestel à Portbail en amont de l'aménagement d'un lotissement par la société VP Construction SAS.
De nombreuses mentions d'archives et découvertes signalent depuis le XIXe siècle la présence de vestiges gallo-romains témoignant de l'existence de la ville antique de Portbail. Celle-ci serait constituée de deux secteurs : une ville haute à caractère résidentiel sur le plateau Saint-Marc, et une ville basse tournée sur une activité portuaire maritime autour du havre.

Chronique de site
Dernière modification
07 juin 2016

À la suite du diagnostic archéologique réalisé par l'Inrap en 2011 sur une partie de la ville haute, l'État (Drac Basse-Normandie - service régional de l'Archéologie) décide de prescrire une opération d'archéologie préventive, permettant la sauvegarde par l'étude de ces vestiges avant que les travaux de la société VP Construction se poursuivent. Jusqu'à la mi-août, une équipe de 13 archéologues et spécialistes de l'Inrap et d'étudiants de l'université de Caen, dirigée par Laurent Paez-Rezende, intervient sur les 7 500 m² de cette emprise.

Les premiers aménagements (première moitié du Ier siècle de notre ère) de la ville antique

L'agglomération antique de Portbail se développe au Ier siècle de notre ère à partir de l'organisation territoriale de la cité des Unelles, peuple gaulois du nord Cotentin attesté par César durant la Guerre des Gaules comme appartenant aux tribus gauloises qu'il vainc et soumet en 56 avant notre ère. Précédant les constructions en dur, les équipements urbains les plus anciens prennent la forme de réseaux de fossés restituant un quadrillage orthogonal souple, d'orientation nord-est/sud-ouest et perpendiculaire. Il s'agit à l'évidence de la projection d'un plan d'urbanisme, sur lequel viendra s'appuyer l'organisation des bâtiments maçonnés en dur qui se développera par la suite.

La phase monumentale (milieu du Ier siècle - début du IIIe siècle de notre ère)

Les archéologues ont pu mettre au jour deux grands ensembles architecturaux apparemment distincts, bien que fermés par une même façade arrière longue de plus de 105 mètres. Le premier occupe un grand tiers ouest de l'emprise et présente un édifice de 33 mètres de long et 12 de large, compartimenté en quatre pièces et pourvu de contreforts. Sur sa façade ouest, il s'adosse à une cour fermée qu'il partage avec l'amorce d'un troisième bâtiment se développant hors de l'emprise. Dans le second ensemble, les pièces sont plus étroites et s'articulent autour d'une galerie de colonnes (péristyle) de 5 mètres de large et d'un plan quadrilatère qui devait entourer une cour. Si cette configuration évoque celle de la domus (maison familiale typique de la ville romaine) dotée d'une cour entourée de bâtiments (appelée atrium), l'hypothèse d'un portique de sanctuaire demeure d'actualité.
Partout, les maçonneries sont très arasées, souvent détruites jusqu'à la base des fondations et les sols ont complètement disparu sous l'effet des récupérations de matériaux. Néanmoins, les débris de dalles de schiste sciées, les fragments d'enduits peints polychromes et les rares morceaux de marbre blanc renseignent sur le soin des décors mis en oeuvre dans les bâtiments du quartier. D'autres éléments semblent indiquer la proximité d'un établissement thermal ou du moins d'un dispositif de chauffage par le sol et les murs appelé hypocauste.
À partir du IIIe siècle, ces bâtiments sont progressivement démontés puis abandonnés.

La pertinence de cette fouille préventive

Cette opération constitue la première opportunité de vérifier l'état des vestiges et surtout d'appréhender sur une surface importante l'organisation, la nature, la configuration et la chronologie des aménagements de la ville gallo-romaine.
À l'issue de ces travaux de terrain, les archéologues poursuivront l'analyse des vestiges au centre de recherches archéologiques de Bourguébus (Calvados), où l'intervention de différents spécialistes sur la céramique, les monnaies, les décors, etc. viendra éclairer davantage la chronologie, la fonction des bâtiments, la qualité des équipements, les approvisionnements en bien de consommation, les habitudes alimentaires, et, au final, révéler les origines gallo-romaines de Portbail.
 
Fondation Portbail

Les fondations du péristyle de la domus ou de l'établissement thermal de Portbail (Manche) en cours de dégagement, Ier-IIIe s. ap. J.-C.

© Élodie Paris, Inrap, 2012

Aménageur : VP Construction SAS
Contrôle scientifique : service régional de l'Archéologie (Drac Basse-Normandie)
Recherche archéologique : Inrap
Adjoint scientifique et technique : Marc Feller,  Inrap
Responsable scientifique : Laurent Paez-Rezende, Inrap
Contact(s) :

Mélanie Scellier
Chargée du développement culturel et de la communication
Inrap, direction interrégionale Grand Ouest
02 23 36 00 64
melanie.scellier [at] inrap.fr