La Grande Maçonnais : forge antique du IIe siècle, habitat du Xe-XIe siècle (Bretagne, Ille-et-Vilaine, Torcé)

Sous-titre

Rapport de fouille 2015

Numéro DAP
29
Image d'entête
DAP 29 | Torcé « La Grande Maçonnais » (Ille-et-Vilaine)
Média
DAP 29 | Torcé « La Grande Maçonnais » (Ille-et-Vilaine)
date expertise
septembre 2015
date achevement
mai 2015
Paragraphes

Le site de « La Grande Maçonnais » à Torcé (Ille-et-Vilaine), sur le tracé de la LGV Rennes-Le Mans, a fait l’objet d’une fouille archéologique en 2013 sur une surface de 2,3 hectares, suite à un diagnostic archéologique (Juhel et al., 2010). Ce dernier a d’ailleurs permis de révéler un second site au lieu-dit « Vassé » (800 m à l’est) mis aussi en ligne dans cette collection (Cahu et al., 2014). Ces deux opérations de fouilles archéologiques se placent au sud et au sud-est du bourg de Torcé, à moins d’un kilomètre de son église. Cette dernière, avec sa crypte et son sarcophage en plomb, non datés, comporte des éléments architecturaux du XIe siècle. Sa dédicace à Saint Médard (évêque du VIe siècle) pourrait être un indice de plus grande ancienneté. Juste à côté, la découverte de sarcophages en calcaire coquillier, lors du nivellement de la motte castrale au XIXe siècle, en ajoute un supplémentaire. Ce mode d’inhumation, le plus prestigieux pour la période et la région, est en usage du VIe aux Xe-XIe siècles.
Entre ces deux opérations de fouille et le bourg de Torcé, il faut encore noter un diagnostic archéologique qui a mis en avant des éléments mobiliers antiques mais également d’époque mérovingienne (Le Boulanger et al., 2012). Dans le cadre du PCR sur l’habitat rural du haut Moyen Âge en Bretagne, des caramels de cuisson d’un pot issu de ce diagnostic ont récemment fait l’objet d’une datation radiocarbone : Ils offrent une datation calibrée à deux sigmas (95,4% de probabilités) comprise entre 433 et 592 (1545+/-30 BP).
Plus à l’est, à près d’1,7 km, la fouille de « Mauzé » dévoile une installation romaine, où de nombreux rejets suggèrent de probables ateliers de tuiliers et de céramique commune (Robert et al., 2012).
Ainsi, le site de « La Grande Maçonnais », de l’époque antique au Xe-XIe siècle, se place certainement dans un terroir organisé, proche d’un probable lieu de culte et très probablement de pouvoir dès le haut Moyen Âge.

Sur « La Grande Maçonnais », la fouille a révélé une longue occupation.
Les premiers indices anthropiques datent du Néolithique et sont strictement mobiliers (céramique et lithique).
L’âge du Fer se distingue principalement par la création d’un réseau parcellaire. Deux fosses complètent les vestiges de cette période. L’une d’elles fournit un lot de céramiques domestiques du Ve siècle av. J.-C provenant d’un possible habitat à proximité de l’emprise étudiée.
La période antique se caractérise par deux grands temps. D’abord, la trame parcellaire préexistante évolue au cours des Ier-IIe siècles. Dans la seconde moitié du IIe siècle, un atelier de forge, associé à un puits, s’installe dans la partie ouest de l’emprise. L’ensemble occupe une aire de 400 m². Ensuite, côté est, reprenant une trame fossoyée antique, un chemin nord-sud se met en place.

Un nouveau changement s’opère à partir des VIe-VIIe siècles. S’appuyant sur cet axe viaire antique, l’occupation du haut Moyen Âge se caractérise d’abord par un parcellaire fossoyé qui scinde l’emprise de fouille entre espace agricole ou boisé et espace habité. Les indices d’habitat se concentrent alors à l’est et le long de la limite sud d’emprise, tandis qu’une une parcelle vierge de structures (champs, bois ?) d’une surface minimum de 1,4 hectares (143 m sur 100 m) se dégage dans toute la partie nord-ouest de la fouille.
Autour des Xe-XIe siècles, trois espaces bâtis sur poteaux ont été reconnus.
Le premier, au sud, composé d’un unique bâtiment et de quelques fosses, est construit le long d’un fossé parcellaire de direction est-ouest. Au nord du fossé, l’espace semble délaissé ; au sud, quelques fosses et trous de poteau épars se remarquent. On ne peut exclure que cette occupation modeste puisse se développer plus amplement hors emprise.
Le second, à l’est du chemin, correspond à une unité domestique liée au premier espace par un large passage entre deux fossés. Elle se développe autour d’un bâtiment central de 42 m2 sur 8 poteaux, qu’une datation C14 cale entre 890 et 1030. A proximité, quelques trous de poteau dont l’organisation reste floue, une ample fosse très charbonneuse, un grenier sur poteaux et un éventuel gerbier complètent cet ensemble.
Enfin, un troisième espace, côté ouest à proximité de la limite nord de l’emprise, est constitué par une partie d’enclos fossoyé. Plusieurs indices permettent de placer cet espace vers les VIe-VIIe siècles. Lui succède au Xe-XIe siècle un ample bâtiment sur poteaux associé à une fosse de rejet.
Cette dernière construction développe un plan atypique par l’ampleur de ses trous de poteau et surtout par son plan qui se caractérise par deux modules de quatre poteaux de fort diamètre, juxtaposés et alignés, dégageant un éventuel passage interne large de 6,50 m. La construction occupe une surface de 80 m2. Ces avant-trous pour la pose des pièces de bois et la portée nécessaire à certains écartements (6,50 m), suggèrent une construction imposante avec un probable étage. Son plan évoque celui des édifices de type manorial qui se développent dans la seconde moitié du Moyen Âge, à savoir les logis-portes, mais il paraît, dans notre contexte, fort anachronique.
Enfin, dans un dernier mouvement, à partir de la fin du Moyen Âge, nous observons la mise en place progressive d’un parcellaire lanièré.

L’essentiel du mobilier céramique provient de la fosse de rejet située au pied de cette construction. Le vaisselier se compose presque uniquement de formes hautes fermées, pots destinés à la cuisson de bouillies et gruaux, ainsi qu’au stockage ; il faut noter la présence d’un pied de lampe certainement d’importation. La majorité du lot métallique est aussi en relation avec cet ensemble : il s’agit essentiellement de clous de charpente provenant sans doute de l’imposante bâtisse citée précédemment.

Pour la période médiévale, l’étude anthracologique nous renseigne sur un environnement boisé de type chênaie-hêtraie dense à côté d’espaces semi-ouverts, de friches, de landes et d’une zone ripisylve. L’approvisionnement en bois se fait dans ces différents milieux, mais la chênaie encore dense et sans doute proche est privilégiée. Avec une très mauvaise conservation des graines, la carpologie met tout de même en avant le triptyque blé- avoine-seigle que nous retrouvons à une échelle régionale plus large. Sur le site voisin de « Vassé » (VIIe-IXe siècle ; Cahu et al., 2014), une place prépondérante est faite à la céréaliculture, et les légumineuses sont largement en retrait. Sur « La Grande Maçonnais », les données sont pauvres, mais elles semblent y faire écho.

Cette fouille s’intègre assurément dans la programmation nationale de la recherche archéologique (CNRA), et plus particulièrement dans celle de l’étude de l’espace rural, du peuplement et des productions agricoles aux époques gallo-romaine, médiévale et moderne (axe 10). En outre, le bâtiment atypique pourrait avoir une résonance élitaire et s’intègre assurément dans l’axe 11 consacré aux constructions élitaires, fortifiées ou non, du début du haut Moyen Âge à la période moderne. À l’échelle nationale et régionale, ce site participe à un important renouvellement des connaissances acquises autour de ces thèmes depuis une vingtaine d’années. Et cette contribution se place dans un contexte archéologique fort centré sur la paroisse de Torcé, dans l’est du département de l’Ille-et-Vilaine.

Enfin, répondant à cet accroissement des données et aux préconisations du CNRA, le site de « La Grande Maçonnais » s’intègre parfaitement à la recherche mise en place en Bretagne depuis 2019 dans le cadre d’un projet commun de recherche (PCR) dédié au premier Moyen Âge : Formes, nature et implantation des occupations rurales en Bretagne du IVe au XIe siècle de notre ère. Ce travail en cours devrait déboucher sur un colloque et une publication.

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. Cadre général de l'intervention archéologique

1.1. Cadre naturel
1.2. Cadre historique et archéologique
1.3. L'intervention archéologique. Stratégie, méthodes et contraintes

2. L'occupation archéologique

2.1. Diagnostic archéologique à l'ouest de la RD 406
2.2. À l'est de la RD 406, la zone de fouille: du Néolithique à l'époque contemporaine

3. Étude de la céramique protohistorique

4. Étude de la céramique antique

5. Étude de la céramique médiévale

6. Étude du mobilier lithique

7. Analyse du mobilier métallique

8. Étude paléométallurgique

9. Étude anthracologique

10. Étude carpologique

11. Étude pétrographique de la céramique

12. Conclusion

Bibliographie

Liste des figures

III. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

CAHU, Didier (dir.),  BLANCHET, Stéphane, DIEU, Yoann, HALLAVANT, Charlotte, MORZADEC, Hervé, NICOLAS, Théophane, SEIGNAC, Hélène, SIMON, Laure & ZAOUR, Nolwenn. (2015). Torcé (Ille-et-Vilaine), La Grande Maçonnais, forge antique du IIe siècle, habitat du Xe-XIe siècle (Rapport de fouille, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0136763>.

Rapport de diagnostic

JUHEL, Laurent (dir.), LABAUNE-JEAN, Françoise, NICOLAS, Théophane, OEIL DE SALEYS, Sébastien, AH-THON, Emmanuelle, BÉLANGER, Céline & BOUMIER, Frédéric. (2010). Louvigné-de-Bais, Torcé, Etrelles, Argentré-du-Plessis (Ille-et-Vilaine), LGV, secteur 3. Occupations du Néolithique à l’époque moderne sur le tracé de la LGV Rennes-Le Mans (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand-Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0118667>.

Rapports cités dans l'introduction

CAHU, Didier (dir.), BOULINGUIEZ, Philippe, BRISOTTO, Vérane, DUPRÉ, Mathilde, HALLAVANT, Charlotte, LABAUNE-JEAN, Françoise, MORZADEC, Hervé, ROBIN, Boris & SEIGNAC, Hélène. (2014). Torcé (Ille-et-Vilaine), Vassé, habitat enclos fin VIIe-IXe siècle (Rapport de fouille, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0131276>.

LE BOULANGER, Françoise (dir.), CONAN, Julie, LABAUNE-JEAN, Françoise, NICOLAS, Théophane & POIPRÉ, Pierre. (2012). Torcé (Ille-et-Vilaine), La Petite Gatellerie, indices d’occupation du Néolithique et du haut Moyen Âge (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Cesson-Sévigné : Inrap Grand Ouest. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0122660>.

ROBERT B., DAVERAT L., AOUSTIN D., BERNIER M., COUTELAS A., GUTEL G., MARCOUX N., VISSAC C. & WARDIUS C. (2012). Torcé (Ille-et-Vilaine), Mauzé, LGV Le Mans-Rennes (Rapport de fouille). SRA Bretagne : France Archéologie.

Citations

CAHU, Didier (dir.), BLANCHET, Stéphane, DIEU, Yoann, HALLAVANT, Charlotte, MORZADEC, Hervé, NICOLAS, Théophane, SEIGNAC, Hélène, SIMON, Laure & ZAOUR, Nolwenn. (2022). La Grande Maçonnais : forge antique du IIe siècle, habitat du Xe-XIe siècle (Bretagne, Ille-et-Vilaine, Torcé) : Rapport de fouille 2015 (1 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 29). <https://doi.org/10.34692/ec4e-zx89>.

Auteur(s) / direction
CTRA
Chronique de site
La Grande Maçonnais à Torcé (Ille-et-Vilaine)
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FR
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Fouille et mise en perspective de deux enclos funéraires fossoyés circulaires protohistoriques dans leur contexte local (Grand Est, Aube, Marigny-le-Châtel, L’Épine Gérard)

Sous-titre

Rapport de fouille archéologique 2017

Numéro DAP
24
Image d'entête
DAP 24 | Marigny-le-Châtel « L'Épine Gérard » (Aube)
Média
DAP 24 | Marigny-le-Châtel « L'Épine Gérard » (Aube)
date expertise
décembre 2017
date achevement
septembre 2017
Paragraphes

La fouille de près de 5000 m² réalisée en 2014 sur la commune de Marigny-le-Châtel (Aube), lieu-dit « L’Epine Gérard », s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet d’aménagement du territoire, l’implantation du gazoduc « Arc de Dierrey » sous la maîtrise d’ouvrage de GRT gaz. Celui-ci parcours plus de 300 kilomètres depuis le nord vers le centre de la France, dont près de 88 kilomètres (266 hectares) en Champagne-Ardenne (département de l’Aube et de la Haute-Marne).
L’emprise de ce tracé a fait l’objet d’une attention archéologique particulière de la part du service régional de l’archéologie, d’abord par la prescription d’un diagnostic archéologique exhaustif sur toute la largeur de la bande concernée, parfois même d’un décapage intégral immédiat des zones soupçonnées être les plus prometteuses.
L’ouvrage traverse en effet la Seine à deux reprises dans des secteurs déjà richement documentés, en particuliers les terrains alluviaux convoités par l’exploitation de granulats, le Nogentais et dans une moindre mesure le Vaudois. Il rencontre aussi des territoires peu soumis à la recherche archéologique, le sud de la Brie, le Pays d’Othe, le Barrois, et plus généralement le plateau crayeux champenois.
Au total près de 45 occupations archéologiques ont été révélées, qui se sont traduites par près de 20 ha de prescriptions (Durost, 2016).

L’emprise de cette fouille présente justement le double intérêt d’être localisée d’une part dans un de ces secteurs de la plaine crayeuse peu sujets aux opérations archéologiques, d’autre part en rase campagne, à l’écart des traditionnels secteurs d’aménagement du territoire.
La commune de Marigny-le-Châtel se trouve en effet en Champagne crayeuse dite aussi Champagne sèche, en rive gauche de la vallée de la Seine. Elle est traversée par un petit affluent de celle-ci, l’Ardusson, qui prend sa source un peu en amont sur le territoire communal de Sainte-Flavy, avant de s’écouler sur près de 27 km jusqu’à sa confluence avec le fleuve à Nogent-sur-Seine. Le tracé de la canalisation de gaz orienté nord-ouest / sud-est, recoupe celui du ruisseau à Saint-Martin de Bossenay, avant de suivre son cours à distance en rive gauche à hauteur du village de Marigny-le-Châtel. À quelques 2 kilomètres du fond de la vallée, il s’agit de l’amorce des reliefs occidentaux, une position topographique assez remarquable.
La présence du cours d’eau induit une anthropisation précoce et pérenne de ce territoire comme le montrent les quelques opérations archéologiques réalisées à proximité.
C’est notamment le cas en rive gauche, par l’implantation d’habitats dès la fin de l’âge du Bronze, au cours de l’âge du Fer et durant la période gallo-romaine (Thomas, Fechner et al., 2008 ; Alcantara et al., 2015), ainsi que celle de nécropoles afférentes pour l’âge du Bronze, l’âge du Fer (présente opération, Filipiak et al., 2018 ; Vistel et al., 2015) et l’Antiquité (Thomas, Fechner et al., 2008).
Cela se vérifie aussi en rive droite de l’Ardusson, avec toujours des occupations funéraires sur la pente pour l’âge du Bronze et l’âge du Fer (Achard-Corompt et al., 2017, Lefebvre et al., 2019 et Daroque, 2020), et probablement de l’habitat protohistorique et antique à proximité des berges (Filipiak et al., 2021).
Ces découvertes viennent confirmer le potentiel archéologique local, esquissé déjà par quelques découvertes anciennes exceptionnelles telles que les phalères discoïdes en Bronze du trésor de Saint-Martin de Bossenay (conservées au musée archéologique de Troyes et au musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye), ainsi que par les nombreuses campagnes de prospections aériennes effectuées depuis les années 80 (Denajar, 2005).

Le présent décapage réalisé au lieu-dit « l’Épine Gérard » a été motivé par la découverte lors du diagnostic d’un vaste enclos fossoyé ouvert (18 mètres de diamètre) dépourvu de sépulture, dont les quelques fragments de céramique recueillis dans le comblement du fossé se rapportaient à une unique forme en usage au début du Bronze final sans doute passée au bûcher (Desmarchelier et al., 2013).
Lors de la fouille, un second enclos du même type bien que plus modeste en taille (5 mètres de diamètre) a été mis au jour à proximité du premier, toujours sans aucune tombe dans l’emprise des monuments ou sur les pourtours malgré une fenêtre d’observation étendue de part et d’autre des monuments.
À l’issue de la fouille, les éléments de datation sont malheureusement restés tenus pour asseoir la chronologie des vestiges, soit quelques tessons de céramique pouvant en effet se rapporter à l’étape initiale du Bronze final, en association à de l’industrie lithique à la chronologie peu assurée (grattoir et fragment de lame). Les datations réalisées sur des charbons issus du comblement inférieur des fossés ont livré sans surprise des fourchettes hétérogènes et globalement larges, comprises entre le Bronze ancien et La Tène ancienne pour le plus grand monument, entre le Néolithique ancien et La Tène ancienne pour le plus petit.
L’implantation des structures, relativement bien conservées, semble coïncider avec la présence d’un « petit monticule crayeux » bordé de légères dépressions au sein d’un plus vaste paléovallon colmaté et perpendiculaire au cours actuel de l’Ardusson. Il s’agit d’une probable zone d’écoulement naturelle des eaux de surface vers la vallée. Une érosion différenciée caractérise d’ailleurs les vestiges, signe d’un relief initial partiellement érodé et sans doute nivelé au cours du temps par l’action des travaux agricoles ayant pu emporter les structures funéraires associées, éventuellement des incinérations. Hors emprise, un troisième enclos reconnu par photo aérienne vient compléter cet ensemble, un pôle modeste qui s’inscrit en réalité au sein d’une vaste aire funéraire présente tout autour de Marigny.

En effet, comme énoncé dans le contexte archéologique, deux autres décapages réalisés dans le cadre du gazoduc « Arc de Dierrey » dans ce même secteur ont fait l’objet de rapports distincts. Ils concernaient principalement des vestiges funéraires protohistoriques, en particulier des monuments. Quelques centaines de mètres au nord de « L’Épine Gérard », au lieu-dit « Le Pont de Riom, Chemin de la Pèze », il s’agit de trois enclos fossoyés avec tombes, un circulaire et deux quadrangulaires, de trois enclos palissadés quadrangulaires, dont au moins un avec fosse sépulcrale, ainsi qu’une trentaine de tombes en fosses, inhumations et crémations confondus, sans doute dépourvues de monument, parfois aménagées de blocs de grès, et pour certaines richement dotées de dépôts céramiques et/ou métalliques (Filipiak et al., 2018). La chronologie de cette nécropole, bien déterminée grâce à l’abondant mobilier associé aux tombes, s’étend de l’étape initiale au début de l’étape moyenne du Bronze final. Quelques centaines de mètres au sud de l’emprise, un imposant enclos fossoyé quadrangulaire localisé au lieu-dit « Le Saussoir à Jollier », s’inscrit quant à lui dans la typologie des monuments aristocratiques de la fin du premier âge du Fer (Vistel et al., 2015), malheureusement dépourvu de tombe.
En rive droite de l’Ardusson, la nécropole fouillée en 2017 comportait quant à elle un grand enclos palissadé avec une tombe associée, un ensemble daté du premier âge du Fer, probablement l’étape moyenne du Hallstatt, et un second enclos de forme quadrangulaire, fossoyé, présentant deux états distincts, avec deux tombes associées pour une datation comprise entre La Tène A et La Tène D. Un dernier enclos fossoyé circulaire dépourvu de tombe mis en jour sur la parcelle adjacente lors d’un diagnostic vient compléter l’étendue de cette nécropole vers l’ouest. Une datation de la fin de l’âge du Bronze est ici suggérée de par le mobilier exhumé (Daroque, 2020).

Comme évoqué, la présence d’enclos dans cette vallée secondaire était reconnue depuis les campagnes de prospections aériennes des années 80. Les fouilles réalisées, en particulier celle-ci, ont permis de documenter ces vestiges funéraires en apportant des éléments de réponse concernant la datation, à partir de l’étape initiale du Bronze final puis au cours des âges du Fer, sur le choix de leur implantation, l’amorce des pentes de part et d’autre de la vallée, enfin l’organisation de l’espace, des pôles plus ou moins importants au sein d’une vaste zone concernée. Cette nécropole présente de nombreuses similitudes avec les contextes reconnus de la confluence Seine-Yonne, dans l’architecture des monuments (enclos fossoyés mais aussi palissadés), mais aussi des tombes (aménagement des fosses avec des blocs de grès), ainsi que dans la culture matérielle exhumée (céramique, parures, assemblages caractéristiques). Elles sont, par ailleurs, en lien avec quelques zones d’habitats contemporaines reconnues dans la vallée à proximité.

Les résultats de cette fouille, à la lecture du contexte archéologique local en cours d’enrichissement, s’inscrivent parfaitement dans l’axe 5 de la programmation nationale de la recherche archéologique consacré aux âges des métaux. Malgré l’étroitesse des fenêtres d’observation, n’offrant qu’une vision partielle des vestiges, l’opportunité de ce tracé linéaire a permis de documenter une nécropole très étendue dans le temps et dans l’espace, dans un secteur n’ayant que très peu de chance d’être impacté de nouveau par l’archéologie préventive. Il en ressort néanmoins quelques hypothèses sur l’organisation des espaces funéraires dans ce secteur, la nature et la matérialisation des sépultures, le lien avec les zones d’habitat, un fort potentiel à continuer d’explorer.

Sommaire

I. Données administratives, techniques et scientifiques

II. Résultats

1. État des connaissances avant l’opération

1.1. Les circonstances de l’intervention
1.2. Le contexte géographique et géologique
1.3. Le contexte archéologique

2. Stratégie et méthodes mise en œuvre

2.1. Les objectifs scientifiques de l’opération
2.2. Le déroulement de l’opération
2.3. Les contraintes rencontrées
2.4. La phase d’étude
2.5. Le contenu du rapport

3. Les résultats

3.1. Le terrain naturel encaissant
3.2. Les vestiges archéologiques
3.3. Les contraintes rencontrées
3.4. La phase d’étude
3.5. Le contenu du rapport

4. Conclusion

5. Annexes

5.1. La céramique protohistorique
5.2. Description de l’industrie lithique de l’enclos 1 de Marigny-le-Châtel « L’Épine Gérard », fouille Gazoduc Arc de Dierrey, tranche 2, zone 2
5.3. Le mobilier métallique
5.4. Étude carpologique de prélèvements issus des enclos du site de Marigny‑le-Châtel « L’Épine Gérard »
5.5. Les datations 14C

6. Bibliographie

III. Inventaires techniques

Bibliographie / Ressources

Rapport de fouille

FILIPIAK, Benoit (dir.), PEAKE, Rebecca, DAOULAS, Geneviève, LANGRY-FRANOIS Fabien (2017). Fouille et mise en perspective de deux enclos funéraires fossoyés circulaires protohistoriques dans leur contexte local : Grand Est, Aube, Marigny-le-Châtel, « L’Épine Gérard » (Rapport de fouille, 1 vol.). Metz : Inrap Grand-Est-Nord. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0147728>.

Rapports cités dans l'introduction

FILIPIAK, Benoit (dir.). (2021). Marigny-le-Châtel, Aube, « Rue des Cimetières » (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Metz : Inrap Grand-Est. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0163569>.

DAROQUE, Carole (dir.). (2020). Enclos circulaire et extension d’une nécropole protohistorique : Marigny-le-Châtel, Aube, « 1, rue de la Glacière, Grand Est » (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Metz :Inrap Grand-Est. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0160255>.

LEFEBVRE, Arnaud (dir.), DUBUIS, Bastien, GONNET, Adrien & LANGRY-FRANCOIS, Fabien. (2019). Trois enclos funéraires de l’âge du Fer sur les rives de l’Ardusson : Marigny-le-Châtel, Aube « Le Bas de La Glacière » (Rapport de fouille, 1 vol.). Metz : Inrap Grand-Est. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0157202>.

FILIPIAK, Benoit (dir.), DAOULAS, Geneviève, GIROS, Romain, LE GOFF, Isabelle et coll. (2018). Marigny-le-Châtel « Chemin de la Pèze, Le Pont de Riom », Une importante nécropole de l’étape initiale du Bronze final, des fosses de piégeage du Néolithique ancien et un habitat de l’époque médiévale (Rapport de fouille, 2 vol.). Metz : Inrap Grand-Est. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0148926>.

CHARD-COROMPT, Nathalie (dir.), MONNIER, Alexandre. (2017). Un ensemble funéraire du premier âge du Fer : Grand Est, Aube, Marigny-le-Châtel, « Le Bas de la Glacière » (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Metz : Inrap Grand-Est. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0147735>.

ALCANTARA, Aurélien, MARCO, Zabeo (dir.) et coll. (2015). Marigny-le-Châtel (10), « Le Saussoir à Jollier », occupations protohistoriques et antiques. Bronze final III, Hallsatt C-D, La Tène D2, Antiquité (Ier au IVe s. ap. J.-C.) (Rapport de fouille, 5 vol.). Chaponnay : Archeodunum. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0139081>.

VISTEL, S(dir.), DEBROSSE-DEGOBERTIERE (S.), GIROS (R.), ZIPPER (K.). (2015). Un enclos du Hallstatt final/La Tène ancienne : Marigny-le-Châtel, Aube, « Le Saussoir à Jollier », Gazoduc zone 2 tranche 1 (Rapport de fouille, 1 vol.). Metz : Inrap Grand-Est-Nord. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0139286>.

DESMARCHELIER, Virginie (dir.), CARVALHO DE, Isabelle, DUFAYET, Clélia & GIROS, Romain. (2013). Canalisation de transport de gaz dite « Arc de Dierrey » Marigny-le-Châtel, Saint-Martin de Bossenay, Gélannes (Aube) (Rapport de diagnostic, 1 vol.). Metz : Inrap Grand-Est-Nord. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0129775>.

THOMAS, Y., FECHNER, K., BANDELLI, A., BOULEN, M., DELIGNE, F., DELOR-AHU, A., RICHARD, I., VAN ES, M. & YVINEC, J.-H. (2008). Marigny-le-Châtel (Aube) « Les Marnes », Occupations au Ha D3 / LT A, à La Tène D et au Haut Empire – sols, habitats et nécropole (Rapport final d’opération). Service Régional de l’Archéologie Grand Est, Châlons-en-Champagne.

Publications citées dans l'introduction

DUROST, R. (2016). De la Seine à la Seine, en passant par les plateaux : Résultats archéologiques de l’Arc de Dierrey champardennais. Bulletin de la Société archéologique champenoise, 109 (3), 49-61. Disponible sur <https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-02507874> (consulté le 14 février 2022).

DENAJAR, Laurent. (2005). Carte Archéologique de la Gaule. 10. L’Aube. Paris : Éditions de la Maison des sciences de l'homme.

Citations

FILIPIAK, Benoit (dir.), PEAKE, Rebecca, DAOULAS, Geneviève, LANGRY-FRANÇ​OIS, Fabien, WIETHOLD, Julian (coll.) & DESIDERIO, Anna-Maria (coll.). (2022). Fouille et mise en perspective de deux enclos funéraires fossoyés circulaires protohistoriques dans leur contexte local (Grand Est, Aube, Marigny-le-Châtel, L’Épine Gérard) : rapport de fouille archéologique 2017 (1 vol.). Paris : Inrap. (Documents d’archéologie préventive ; 24). <https://doi.org/10.34692/29np-ph11>.

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Qu’est-ce qui caractérise la production de la céramique à part la forme des récipients ?

Mentesh Tepe : architecture circulaire en briques crues du Néolithique

Mentesh Tepe, sur un affluent de la rive droite dans la moyenne vallée de la Kura, a été fouillé par une équipe franco-azerbaïdjanaise, grâce à...