À Marseille, Bouches-du-Rhône.L'aménagement consistait à construire un bassin de rétention des eaux pluviales, sous la place Sadi-Carnot, ainsi que sa « surverse », c'est-à-dire un canal souterrain suivant la rue de la République pour se jeter dans le Vieux-Port.

Dernière modification
10 mai 2016

La tranchée de la surverse, large de 3,50 m et profonde de 2 à 6 m, n'affecte pour l'essentiel que le substrat (couche géologique inférieure plus ancienne), largement entamé lors du percement de la rue au XIXe siècle ; elle reprend en grande partie le tracé d'un ancien collecteur, dont la construction au XIXe siècle a déjà en partie détruit le sous-sol archéologique. Par contre, elle est creusée à un niveau inférieur à celui du collecteur, là où les couches, au-dessous de 0 m d'altitude, sont conservées. Aussi une surveillance de travaux a-t-elle été programmée afin de les étudier.

À proximité du Vieux-Port, la surverse dévie du tracé de l'ancien collecteur et les vestiges archéologiques sont conservés jusqu'en surface. Une fouille a ensuite été programmée sur cette zone. Elle a notamment permis de mieux connaître les aménagements portuaires dans l'Antiquité et de découvrir un mur de 90 cm d'épaisseur, daté du XIe siècle de notre ère, qui pourrait corroborer l'hypothèse d'un mur de fortification à cette époque le long du rivage.

Au cours de la fouille, une succession de quais correspondants aux différentes lignes de rivage a été observée. On constate que la calanque d'origine a été progressivement remblayée afin de gagner des terres.

À l'époque grecque, un rivage très en retrait

Les sondages réalisés dans la rue de la République en prévision de l'opération de la surverse indiquent qu'à l'époque grecque, le rivage du Lacydon, la calanque originelle de Marseille, était très en retrait par rapport à aujourd'hui. La plus ancienne structure mise au jour, antérieure au milieu du IVe siècle avant notre ère, est formée de trois blocs. Grâce à la présence de sable sur plusieurs côtés, cet ensemble a été interprété comme un môle (une jetée) qui permettait l'accostage des bateaux, alors à faible tirant d'eau.

Les aménagements de l'époque romaine

Vers 40 avant notre ère, un premier quai, rudimentaire, est installé parallèlement au rivage et la taille du plan d'eau se réduit. Le quai est construit en blocs de calcaire du cap Couronne mis bout à bout mais non accolés. Ses fondations ne sont pas profondes et seule une assise en a été conservée.

C'est dans le courant du Ier siècle de notre ère qu'est construit le premier véritable quai, trois mètres plus au sud et suivant la même orientation. Beaucoup plus robuste que tous les aménagements qui suivront, il est encore composé de blocs de calcaire de la Couronne, d'1 m de long, 80 cm de large et 50 cm de haut, soigneusement taillés, et ajustés cette fois au moyen d'une pince à crochet, dont on retrouve l'empreinte sous la forme d'une mortaise. Cette pince permet de donner un mouvement de va et vient au bloc, ce qui aplanit la face par frottement et assure un joint parfait. La fouille a mis au jour cinq assises. Mais le mur plonge encore à plus de 2,50 m sous le niveau de la mer.

La poursuite de la fouille vers le sud a révélé un deuxième quai, identique au premier, placé en vis-à-vis, puis un troisième, le tout dessinant un môle. L'ensemble correspond à une partie de l'entrée du port antique, la fameuse « corne du port », située hors les murs et dont le reste avait déjà été mis au jour lors des fouilles de la Bourse. Le môle est situé dans l'alignement des remparts de la ville et fait le lien entre les rivages situés à l'intérieur des murailles et le port. Une structure en bois enterrée, placée à son extrémité, a été observée, mais sa fouille n'a pu aboutir pour des raisons techniques. Il pourrait s'agir de la fondation de l'extrémité du rempart ou d'une tour qui protégeait l'entrée du port.

Les deux quais septentrionaux ont été abandonnés et leurs assises supérieures récupérées au début du IIIe siècle de notre ère. C'est à cette époque qu'a été aménagé, plus à l'ouest, le quai retrouvé lors des travaux de construction de l'immeuble de la Samaritaine. L'ouvrage méridional a apparemment continué à être utilisé au Bas-Empire, comme le montre l'absence d'un aménagement plus récent au sud.

Un rempart médiéval le long du rivage ?

La corne du port antique s'envase progressivement, jusqu'à disparaître complètement au VIe siècle. La ligne de rivage que l'on observe par la suite remonte au XIe siècle ; elle est alors matérialisée par un mur épais de 90 cm, construit en moellons réguliers, qui servira ensuite de mur d'enceinte à la commanderie des Templiers. Au pied de ce mur, un dallage massif et pentu pourrait être assimilé à une cale de halage.

Cette portion de rempart littoral, situé hors les murs à cette époque, pourrait corroborer une hypothèse selon laquelle, au début du Moyen Âge, la ville possédait un mur de fortification le long du rivage. Cela reste à vérifier lors des futures opérations de fouille.

Au XIIIe siècle, le rivage est repoussé jusqu'à une limite qu'il conservera jusqu'au début du XVIIIe siècle, permettant ainsi l'aménagement d'une nouvelle portion de voie côtière de plus de 6 m de largeur. Aucun quai n'a été observé pour cette période médiévale.

Les derniers aménagements du rivage.

Pour autant, les fouilleurs ont retrouvé un quai construit avec de grands blocs renforcés par une maçonnerie en retrait, bordé par une ligne de pieux pour l'accostage des bateaux. Il est probable qu'il s'agit d'un ouvrage réalisé à la fin du XVIe siècle, sur demande du roi. En 1481, lorsque la Provence est rattachée à la France, Marseille devient le premier port méditerranéen du royaume.

Une réfection, avec des blocs en remploi, est réalisée dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Elle est contemporaine de la construction, sous Louis XIV, du nouvel arsenal des galères sur la rive opposée.

Le dernier aménagement correspond à la palissade Sainte-Anne, édifiée vers 1730. Il s'agit d'un des multiples môles placés en bout des rues qui mènent au port. Celui qui a été fouillé a été construit avec des madriers en sapin et des pieux en pin, écrêtés pour recevoir un parement en pierre.