À Marseille, Bouches-du-Rhône, une fouille a été réalisée en amont de la construction d'un immeuble de logements sociaux au-dessus d'un parc de stationnement souterrain. Pour des raisons techniques, la surface de la fouille a varié dans le temps, passant de 1 050 à 770 m2 à la fin de l'opération.

Dernière modification
22 novembre 2017

L'opération archéologique a notamment permis de mettre au jour un quartier de potiers de l'époque grecque classique, ainsi qu'un établissement de bains datant du début de la période hellénistique. Celui-ci a été transformé en habitation au milieu du IIIe siècle avant notre ère. Le quartier a conservé une vocation résidentielle pendant l'époque romaine et jusqu'au VIIe siècle de notre ère.

Premiers témoins d'occupation

Ce secteur semble avoir été fréquenté dès le Néolithique. La présence irrégulière de mobilier céramique remontant à la fin du VIe siècle avant notre ère laisse penser qu'il y avait à proximité un habitat d'époque grecque archaïque.

Des fours de potiers à l'époque grecque classique

La fouille a révélé trois fours de potiers ainsi que les vestiges incomplets d'infrastructures liées à cette activité.

Entre 470 et 410 avant notre ère, l'atelier a produit deux types d'amphores, sphériques puis ovoïdes (en forme d'oeuf), ainsi que des mortiers (grandes jattes à fonction polyvalente). Le mélange d'argile et de paillettes de mica créait, en surface des pièces, des reflets mordorés caractéristiques et emblématiques des céramiques massaliètes de cette époque.

Le four principal, de plan circulaire, est à ce jour le seul modèle répertorié dans le monde grec du début de l'époque classique, et le plus ancien ayant produit des amphores en Gaule. D'un diamètre externe de 8,20 m, il était constitué d'un mur périphérique, sans doute en pierre, ceinturant la chambre de chauffe (4,40 m de diamètre interne), construite avec des briques en terre cuite et de la terre crue. Ces dimensions, exceptionnelles pour cette époque, sont le fruit de progrès techniques orientés vers une production quantitative et qualitative.

Un établissement de bains à l'époque grecque hellénistique

Les restes d'un complexe de bains construit vers le milieu du IVe siècle avant notre ère ont été découverts lors de la fouille. Cet établissement privé ouvert au public était destiné à l'hygiène corporelle, à la pratique du sport, à la détente et à la vie sociale. Son emprise totale (vers le nord) est inconnue car il a été très endommagé par les constructions ultérieures. Quant au gymnase et à la palestre (lieu où l'on s'adonnait à la lutte), dont tous les établissements de ce type étaient pourvus, il est probable qu'ils occupaient une parcelle mitoyenne.

L'entrée principale donnait sur un vestibule desservant un vestiaire et une pièce vraisemblablement destinée au massage et à l'application d'onguents. Cette dernière communiquait avec la salle d'attente, équipée de banquettes en pierre et ouverte sur un espace dont la fonction reste énigmatique. Une autre pièce abritait des installations pour l'approvisionnement en eau de l'établissement ; le raccordement s'effectuait à partir de deux canaux de distribution alimentés par un puits associé à un bassin.

La sudation se pratiquait dans une étuve sèche, chauffée, grâce à un canal souterrain, par un foyer entretenu dans la salle de service. Dans le vaste espace circulaire couvert d'une coupole se déroulait le bain collectif de propreté. Une quarantaine de cuves de forme trapézoïdale y étaient disposées en couronne, appuyées contre le mur circulaire. Chaque baigneur prenait place dans l'un de ces « récipients » conçus pour le bain froid par aspersion.

La partie centrale de la rotonde était équipée d'un sol bombé en mortier de chaux, pourvu de deux bandes concentriques. De l'eau était disponible dans une grande vasque certainement placée au centre de la salle. Les eaux usées gravitaient vers une rigole avant de rejoindre le réseau général d'égout souterrain.

Le bain de délassement par immersion dans de l'eau chaude (étape optionnelle) se déroulait dans une ou deux cuves (ou bassins en terre cuite) installées à l'extrémité du canal de chauffe souterrain de l'étuve.

Un habitat hellénistique

Vers le milieu du IIIe siècle avant notre ère, l'établissement balnéaire est remplacé par une habitation à étage, d'une surface au sol de 400 m2, construite sans modifier les limites et la surface parcellaires. Côté ouest, ce bâtiment était certainement ouvert sur une rue.

Le rez-de-chaussée se composait de trois ailes bordées de galeries, ouvertes sur une cour centrale au sol en béton de tuileau. L'habitat fut pourvu d'une modeste extension en terrasse côté sud.

Les habitants disposaient de trois points d'eau : l'ancien puits de établissement de bains, un second en terrasse et un puits-citerne créé au centre de la cour. Un caniveau conduisait les eaux usées et une partie des eaux pluviales vers la rue, tandis qu'un réseau distribuait l'eau propre depuis un bassin adossé à l'ancien puits.

L'aile sud-est, destinée à l'habitation, abritait la salle de réception (andrôn), au sol en mosaïque. La pièce mitoyenne matérialiserait la cuisine équipée d'un caniveau, d'un accès direct au puits depuis l'intérieur et, comme les pièces de l'aile nord-ouest, d'un sol en béton de tuileau. Ces deux derniers espaces étaient sans doute destinés au repos. Ils faisaient face, de l'autre côté de la cour, à un atelier semi-cloisonné dédié à la métallurgie du fer et du cuivre.

Une domus des Haut et Bas-Empire

À partir du milieu du Ier siècle avant notre ère, le bâtiment hellénistique subit plusieurs modifications, avant d'être détruit par un incendie dans le courant de la seconde moitié du IIIe siècle de notre ère.

À cette époque, la maison donnait sur une rue de 8 m de large aménagée au Ier siècle, plusieurs fois refaite et comportant un collecteur d'égout souterrain dans son axe central. Depuis la rue, on accédait à une cour (pastás) en passant par un vestibule abritant un puits.

L'aile sud, dédiée à l'habitation, était flanquée d'un escalier latéral conduisant à l'étage ou à un toit terrasse. Au rez-de-chaussée se trouvaient vraisemblablement une cuisine, une salle de repos et la salle de réception décorée d'enduits peints à motifs figurés et géométriques. La plupart des salles étaient, comme la cour, dotées d'un sol en terrazzo (mortier avec inclusion d'éclats de calcaire).

L'aile occidentale abritait certainement des boutiques ouvertes sur la rue, voire aussi un atelier équipé d'une cuve maçonnée semblable à un foulon (pour le foulage des tissus).

À l'arrière du bâtiment, une vaste cours au sol en béton de tuileau abritait deux bassins.

L'habitat de l'Antiquité tardive

Après l'incendie survenu à l'époque romaine, certains espaces de l'ancienne domus sont sporadiquement réoccupés. La maison est ensuite dépouillée de nombreux matériaux et il faut attendre la première moitié du Ve siècle pour qu'intervienne la reconstruction d'un nouveau bâtiment de taille modeste. Celui-ci marque alors le changement d'orientation générale du bâti, figé depuis sept siècles. L'habitat est délaissé au VIe siècle, mais la rue continue à être utilisée.

Réseau de rues

L'importante restructuration, au Ier siècle de notre ère, de la rue qui bordait le bâtiment au nord-ouest a vraisemblablement entraîné la disparition de chaussées plus anciennes qui s'étaient superposées depuis l'époque de l'établissement de bains, au IVe siècle avant notre ère. La largeur de cette rue montre qu'il s'agissait d'un axe important, sans doute en rapport avec l'une des deux voies principales conduisant à la cité. Il pourrait s'agir, en l'occurrence, de la « route d'Espagne », qui franchissait le rempart archaïque et classique, plus au nord, au niveau de la place du Séminaire.

Le couvent des Observantins, au XVe siècle, puis la grande peste

D'après les archives, l'établissement des frères de la règle de l'Observance, fondé en 1452, comptait une maison et trois jardins. Ces derniers furent réquisitionnés pour inhumer une partie des victimes de la grande peste de 1720-1722. La fouille a montré qu'un des jardins abritait une vaste fosse commune qui a accueilli une partie des corps des victimes de cette tragique épidémie.