Le projet de construction d'un pas de tir, dédié à la future fusée Ariane 6 sur la commune de Kourou en Guyane française, a permis la mise en place de plusieurs campagnes de sondages mécaniques, en amont de l'exploitation des carrières de sable.

Dernière modification
27 juin 2018

Le diagnostic de la carrière Léa-S1, d'une surface totale de près de 19 hectares, s'est déroulé sur 15 jours dans les savanes situées dans l'enceinte du centre spatial guyanais. Le terrain, localisé en arrière de la frange côtière contenue entre les fleuves Kourou et Sinnamary, correspond à une zone isolée de savane hydromorphe bordant deux mornes d'une altitude maximale de 19 m, formés de sables quartzeux blanchis (podzols). Les sondages positionnés en majorité dans les secteurs les plus hauts - non inondables et donc plus propices à une installation humaine - avaient pour but de repérer d'éventuels vestiges d'une occupation amérindienne ancienne.

Des témoins des cultures Koriabo et Eva-Galibi

Deux niveaux d'occupation anciens distincts ont été mis au jour sur chacune des deux buttes sableuses émergeant de la savane. Les niveaux supérieurs sont matérialisés par de vastes épandages de tessons céramiques attribués à deux groupes culturels amérindiens - Koriabo, communément daté entre le XIe et le XVIe siècle, et Eva-Galibi entre le XVIIe et le XIXe siècle -. Il s'agit très vraisemblablement d'un village constitué de carbets (cabanes sur poteaux de bois et couverture en feuilles de palmiers) dont le plan n'a pu être appréhendé par les ouvertures limitées. De l'outillage lithique en faible proportion, associé à du mobilier historique (bouteilles, perles en verre, faïence, pipes en terre cuite, métal...) a également été découvert dans ce niveau de sol.
Les fondations d'un petit bâtiment carré de 3,50 m de côté ont été dégagées dans la partie sommitale du morne sud : elles témoignent d'un aménagement plus récent au cours du XIXe siècle.

Des niveaux d'occupation précolombiens

Des occupations plus anciennes, probablement contemporaines du Mésoindien (6000 - 2000 avant notre ère), ont aussi été repérées dans les niveaux inférieurs, sous la forme d'éléments lithiques épars (essentiellement en quartz) parfois en relation avec des concentrations de blocs, de galets et de tessons de céramique très altérés. Ces vestiges rappellent les structures foyères mises au jour en 2005 dans des contextes similaires (podzols) sur le site du Plateau des Mines, daté de 5400 avant notre ère. Ce site précéramique mésoindien a renfermé des amas de blocs et galets de quartz, entourés d'outillage et d'amas de débitage en quartz. Un autre site, Eva 2, a également révélé deux niveaux archéologiques, datés respectivement entre 4200 et 1200 avant notre ère et du XIXe siècle. La nature du sol, très lessivé, et l'absence de structures anthropiques autres que les amas chauffés n'ont à l'heure actuelle pas permis de déterminer la fonction exacte de ces sites anciens sur sable blanc (halte de chasse, aire d'activité de débitage, habitat ?).

Des sites amérindiens de plein air sur le littoral guyanais

D'autres diagnostics ont été menés par l'Inrap en 2004 et 2005 dans le cadre du projet de fusée Soyouz. Des indices de sites amérindiens de plein air, dont des champs surélevés - technique de la culture sur billons de terre - ainsi qu'une agglomération rurale du XXe siècle, ont alors été mis au jour.
De même, depuis le début de l'année 2015 deux autres carrières de sable, liées au projet Ariane 6, ont fait l'objet de diagnostics archéologiques. Ces recherches semblent indiquer la présence de cinq sites, dont deux couches d'occupation anciennes matérialisées par des niveaux d'outillage en quartz, associés à quelques amas de galets rappelant ceux des sites précédents (carrières Luna-S2 et Luz-S5).

Ainsi, les terrains qui s'étendent entre les communes de Kourou et Sinnamary, occupés par le Centre spatial guyanais depuis 1967, sont les témoins privilégiés de l'installation des Précolombiens sur la frange littorale depuis des milliers d'années, et attestent du développement agricole dans ces savanes après la fondation de la colonie de Kourou par les pères jésuites au XVIIIe siècle.
Aménageur : Centre national d'études spatiales - centre spatial guyanais
Contrôle scientifique : Service de l'Archéologie, Dac Guyane
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Sandrine Delpech, Inrap