En 2013, en amont de la construction de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, des opérations archéologiques ont eu lieu sur la commune de Collonges-lès-Premières, en Côte-d'Or, à environ 20 kilomètres au sud-est de Dijon, dans la plaine de Genlis.

Dernière modification
10 mai 2016

La fouille a permis de mettre au jour un important édifice aristocratique carolingien et des installations hydrauliques originales qui y sont associées. Les découvertes ont été faites sur les lieux-dits Le Devant de la Fortelle et Bungey, entre l'Arnison, un affluent de la Tille, et la lisière du bois de Mondragon, une importante zone boisée aux confins des communes de Collonges-lès-Premières et de Premières.

L'édifice aristocratique de l'an mille

Une occupation du haut Moyen Âge (période carolingienne) s'y est mise en place en deux phases : du VIIIe au Xe siècle, puis entre le Xe et le XIe siècle. La seconde phase est caractérisée par l'édification, aux alentours de l'an mille, d'un important bâtiment aristocratique qui ne semble pas perdurer plus de quelques décennies, à l'instar, pour la même période, du site emblématique de Charavines dans l'Isère. Le bâtiment principal, fondé sur d'importants poteaux de bois fonctionnant par groupe de deux ou trois, est de dimensions spectaculaires. Il apparaît sous la forme d'un bâtiment à trois ailes inscrit dans un rectangle de 30 m sur 15.
Deux constructions quadrangulaires, peut-être des tours, dont les plus gros poteaux atteignent un mètre de diamètre, assurent l'articulation entre les trois corps. À ce bâtiment principal sont adjointes des constructions annexes implantées à l'intérieur d'une enceinte limitée par un fossé. Outre la qualité des constructions, le statut privilégié des occupants est attesté par un mobilier peu commun pour la période, notamment des fers à chevaux, des éperons, des fragments de vitrail, des lissoirs en verre, des jetons de jeu de trictrac, des éléments de parure (plaque et applique ornées en argent, agrafes à double crochet pour certaines très ouvragées), des meules de moulin à perche. La chasse est confirmée par des restes de cervidés et peut-être de daim.
Parmi les espèces domestiques, le cheval est très présent aux côtés des bovidés.

Des installations artisanales diverses

À cette occupation sont associées des installations artisanales. Les plus énigmatiques, au nombre de cinq, sont constituées de fossés annulaires ouverts à l'ouest pour quatre d'entre elles et au nord pour la dernière avec au centre un foyer. L'hypothèse de structures de fumage ou de séchage de la viande a été avancée et reste à confirmer.
Plusieurs fours avec sole et alandier ont été également retrouvés. Par ailleurs, le site dispose d'importantes ressources en eau, principalement une source pérenne. Des installations hydrauliques très ambitieuses, en relation avec l'édifice aristocratique, ont été mises au jour. Cette association d'un bâtiment laïque de ce type avec des installations hydrauliques d'adduction, importantes par les moyens mis en oeuvre et les capacités, est exceptionnelle. L'emploi de la technique de la tranchée ou de la galerie drainante est frappant et n'a pas beaucoup d'équivalent pour la période, sinon les Qanâts de l'Europe musulmane (Al-Andalous, Majorque, Sicile). Le captage de la source, composé de conduites rayonnantes et de bassins en chêne, révèle un dispositif ingénieux permettant une récupération systématique de l'eau. À priori, et sans attendre les résultats d'une analyse plus poussée, le site de Collonges-lès-Premières apparaît comme étant un site majeur pour la connaissance de la mise en place du paysage médiéval de la vallée de la Saône. Il apporte aussi des données inédites sur l'utilisation de techniques provenant de mondes extérieurs à l'Europe occidentale.
Néanmoins, il semble que l'occupation n'a pas duré suffisamment longtemps pour développer dans le fond de vallée des installations d'utilisation des importantes masses d'eau récoltées par le captage de source et les tranchées drainantes.
Aménagement : Réseau ferré de France
Contrôle scientifique : Service régional de l'Archéologie, Drac Bourgogne
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable scientifique : Gilles Rollier, Inrap