Ce secteur de Pont-sur-Seine fait l'objet d'un suivi archéologique attentif depuis l'ouverture d'une carrière au milieu des années 1990.
Dernière modification
14 janvier 2019

En 2009 puis 2010, les archéologues de l'Inrap ont fouillé une surface de huit hectares et mis au jour un village néolithique exceptionnel par la densité de l'occupation, la monumentalité des bâtiments et le caractère inédit de certaines architectures.  

Un bon état de conservation

Un  bon état de conservation
Le site se trouve dans la plaine alluviale de la Seine, à la limite de la Champagne crayeuse et des formations tertiaires de la Brie, sur la rive droite du fleuve, à environ 900 mètres de son cours actuel. Il bénéficie d'un bon état de conservation puisqu'à plusieurs endroits, des lambeaux de sols néolithiques étaient préservés, livrant de la céramique et de l'outillage lithique. Les décors sur les céramiques permettent de distinguer au moins deux phases dans ce mobilier : la première du Néolithique moyen (vers 4500 avant notre ère) et la seconde, encore mal datée, de la fin du Néolithique (entre 3500 et 2000 avant notre ère). Ces premières observations semblent confirmées par les plans des constructions.

Des maisons circulaires

Des trous de poteau dessinent le plan de trois maisons circulaires d'environ 80 m2. Pour deux d'entre elles, l'espace intérieur est séparé par une ligne de poteaux, en deux aires inégales d'environ un tiers et deux tiers de la surface. Seule une dizaine de constructions de ce type, datée du Néolithique moyen, est connue en France.

Dix bâtiments rectangulaires

Dix-sept bâtiments rectangulaires, à deux nefs, répartis en trois zones sur le site, ont également été identifiés. Ils sont de taille variable : 20 x 5 mètres pour le plus grand, 10 x 3 mètres pour le plus petit. L'ensemble daterait de 3500 à 3000 avant notre ère, datation à confirmer par carbone 14. Une telle concentration de maisons est inédite pour cette période.

Deux constructions monumentales

À proximité, se développe un système d'enclos palissadés. Le premier, renfermant probablement deux bâtiments de plan rectangulaire, a été délimité par une palissade curvilinéaire sur 165 mètres de long. Plus tard, une deuxième palissade a été construite en appui sur la première. Longue de 136 mètres, elle présente une interruption à l'est, indice d'une entrée. Ce second enclos isole deux constructions à la forme et aux dimensions exceptionnelles. La plus petite occupe une surface de 280 m2 et la plus grande près de 900 m2. Toutes deux présentent un plan trapézoïdal avec une entrée principale à l'est. On accède à cette entrée en empruntant un « couloir », délimité de part et d'autre par des fossés palissadés dessinant de grandes antennes. L'une des particularités de ces constructions est l'utilisation massive de blocs de grès pour conforter l'assise et l'ancrage des poteaux. Le soin apporté à la réalisation de ces constructions et les techniques mises en oeuvre révèlent le savoir-faire impressionnant des architectes et des bâtisseurs de l'époque.
Les premières datations au carbone 14 et des études de mobilier permettront de mieux distinguer les différentes phases d'occupation.

Des bâtiments construits pour durer

Interview de Vincent Desbrosse, Inrap

« Lorsque les deux bâtiments néolithiques - datés pour le moment entre 3400 et 2200 avant notre ère - ont été mis au jour, l'ampleur de l'entreprise architecturale nous est apparue : 280 m2 pour l'un, 900 m2 pour l'autre. L'étude des fondations a confirmé que l'on se trouvait devant des édifices exceptionnels, tant par leurs dimensions que par leurs techniques de construction.
Dans le grand bâtiment quatre lignes de trous de poteau sont présentes : deux au centre, deux à l'extérieur. Pour assurer une parfaite stabilité à la charpente, les fondations sont profondément creusées, en moyenne à 1,20 mètre et parfois jusqu'à 1,75 mètre. Au fond des trous de poteau extérieurs gisaient des pierres plates liées par une sorte de mortier en argile ocre. C'est la première fois, dans cette région de la vallée de la Seine, qu'est attesté l'usage de la pierre pour le Néolithique. La provenance des blocs de grès quartzite interroge : étaient-ils récupérés sur place ou acheminés depuis des carrières situées à quelques kilomètres ? Les blocs pèsent entre 5 et 30 kg : 19 tonnes au total ont été extraites... Nous sommes en Champagne crayeuse, à la limite du plateau de la Brie, à 900 mètres du cours de la Seine. Les Néolithiques avaient déjà conscience de la nécessité d'édifier sur de solides fondations, dans ce substrat sableux.
À l'entrée du grand bâtiment, dans une fosse de 4,50 mètres de long sur 1,50 mètre de large et 1 mètre de profondeur, quatre tonnes de pierre organisées en couches régulières et liées par de l'argile soutenaient deux poteaux monumentaux dont seuls demeurent les négatifs. Le prélèvement de charbons fossiles permettra d'en apprendre plus sur la sélection des essences, voire le couvert végétal environnant. Mais une autre question se pose : où les constructeurs se fournissaient-ils en argile, absente du site ?
Le petit bâtiment présente un plan et des techniques de construction similaires ; seule la taille des blocs diffère.
Il n'existe aujourd'hui aucun édifice comparable en Europe pour cette époque et leur fonction reste à déterminer. Au centre du grand bâtiment, dans une fosse ovale rebouchée avec des blocs liés à l'argile, on a trouvé un cercle de pierres posées à plat. Sa position centrale attesterait une fonction religieuse ou cultuelle. Ces édifices avaient probablement aussi une fonction politique. L'enceinte qui les isole renforce cette hypothèse. »
Responsable scientifique : Vincent Desbrosse, Inrap
Aménageur : Carrières Saint-Christophe
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (DRAC Champagne-Ardenne)