À Ymonville, entre Chartres et Orléans, un vaste habitat de plaine gaulois a été mis au jour entre juillet 2009 et avril 2010, sur une superficie d'environ huit hectares.

Dernière modification
17 mai 2016

Sa structuration et son étendue, la densité de l'occupation, la présence d'activités agropastorales, artisanales, domestiques, cultuelles et, dans une moindre mesure, funéraires, constituent un ensemble remarquable. Les fouilles permettent d'appréhender son évolution sur une durée relativement longue, du Ve siècle jusqu'à la fin du Ier siècle avant notre ère. 

Le contexte de la découverte

En 1993, un prospecteur bénévole repère, lors d'un survol aérien, un fossé décrivant un vaste arc de cercle. En 2008, en prévision du détournement de la nationale 154, un diagnostic archéologique met en évidence un établissement agricole gaulois. Mais c'est en 2009 que la fouille révèle l'origine gauloise du fossé, puis la nature exceptionnelle du site pour les IVe et IIIe siècles. 
Le contexte de la découverte

Les prémices d'une urbanisation

Lorsqu'ils débutent la fouille, les archéologues pensaient fouiller une ferme gauloise, mais, dès le décapage, ils identifient des habitats groupés densément répartis sur les huit hectares du site. Si les premières implantations humaines datent du Ve siècle avant notre ère, la mise en place d'un vaste ensemble structuré par une enceinte et un réseau de fossés remonte au IVe siècle avant notre ère. Lors des fouilles, l'enceinte circulaire est identifiée sur 10 hectares, mais les prospections aériennes indiquent qu'elle pourrait englober une superficie de 30 hectares. Des fossés entourent des enclos et plusieurs centaines de silos de stockage de denrées alimentaires desquels a été exhumé un mobilier exceptionnel : parures, outils, armements... Ce grand nombre d'objets artisanaux confirment la forte densité de l'occupation entre le IVe et le IIIe siècle avant notre ère. Les prémices d'une urbanisation se dessinent.

L'hypothèse d'un lieu de culte dans l'espace public

Au nord, l'un des enclos accolés à l'enceinte, dont la forme évoque un « D », mesure 180 mètres de long sur 100 mètres de large. Des silos et des bâtiments sur poteaux occupent sa moitié sud et son pourtour est, laissant un vaste espace quasiment vierge, qui pourrait correspondre à une aire de circulation, de rassemblement ou de réunion. Une ouverture au nord de l'enclos se prolonge par les traces de deux palissades parallèles formant une allée de 20 mètres sur 10, dans laquelle a été découverte une tombe de guerrier antérieure à l'édification de l'enclos mais prise en compte au moment de sa construction.

Le comblement des fossés qui bordent la tombe, dans un rayon de 20 mètres, traduit la présence d'un monument ou d'un tumulus qui l'aurait recouverte. Des armes mutilées, datant pour la plupart du IIIe siècle avant notre ère, en ont été exhumées. Ce lieu était probablement dédié au culte des ancêtres, d'autant que la spécificité des dépôts postérieurs, strictement guerriers, suggère une relation étroite avec le statut du défunt afin que perdure sa mémoire, à l'exemple d'un processus d'héroïsation.  

Au sud, un ensemble de fossé découpe l'espace en une succession de modules rectangulaires, dotés d'un système de circulation complexe. Bien qu'aucun chemin n'ait été conservé ou observé, l'orientation des fossés identiques au sud comme au nord du site, et les interruptions de l'enceinte suggèrent la présence d'une voirie orthonormée et ce depuis le IVe au Ie siècle avant notre ère.

Un artisanat diversifié

L'abondance du mobilier caractérise une longue et dense présence humaine et révèle la diversité des artisanats pratiqués sur le site.    
Le travail des métaux est attesté par la présence de scories de forge et de réduction, de chute de tôle et de barres, de tas, de poinçons, de limes, de pelles et piques à feu. Nombre de tiges et d'outils avèrent la fabrication de parures, notamment des fibules en fer et des bracelets en bronze. Des bracelets en lignite et des ceintures composites ont également été découverts ainsi que des accessoires de toilettes : pinces à épiler, rasoirs, forces.  
La tabletterie est bien illustrée par la présence de matière première - métapodes découpés, chevilles osseuses, bois de cerf préparés - d'outils et de divers objets : perles, manches d'outils, mors...  
Ciseaux et grattoirs sont à relier à la tannerie et au travail du cuir.  
Les activités agropastorales sont largement représentées par des silos, des serpettes, des meules, des forces, des fusaïoles et des macro-restes végétaux.  
Couteaux, haches, émondoirs, tranchoirs, lève-loquets évoquent de nombreuses autres activités.  
L'abondance et la variété de la vaisselle céramique et des restes de faunes préparés et consommés sur place - porc, boeuf, cheval, chien, volaille - confirment l'importance et la diversité des activités domestiques.

Des pratiques cultuelles inhabituelles

À ce mobilier, il faut ajouter des pièces d'armement des IVe et IIIe siècles avant notre ère, mises au jour en quantité inhabituelle dans un contexte d'habitat. Restes d'épées et de fourreaux, lances, fragments de boucliers (orle et umbo) sont répartis de manière aléatoire dans les fossés, les fosses et les silos sur près de deux hectares. La majorité de ces armes a été brisée, coupée, martelée, ployée, autant de stigmates semblables à ceux observés sur les armes découvertes dans d'autres sanctuaires ou lieux de cultes.
S'agit-il de rejet d'armement préalablement exposé sous forme de trophée ? Cette pratique, déjà largement documentée, notamment dans les sanctuaires du nord de la France, est ici observée sur un site d'habitat et en dehors d'une zone consacrée.

Un ensemble singulier et remarquable

L'étude du site d'Ymonville renouvelle entièrement la perception de l'habitat et de l'organisation du territoire en Gaule centrale aux IVe et IIIe siècles, périodes durant lesquelles l'occupation du site semble atteindre une densité particulièrement importante et une organisation inédite.
Aménagement : Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Centre
Coordinateur scientifique : David Josset, Inrap
Contrôle scientifique : Service Régional de l'Archéologie (Drac Centre)