Deux fouilles conduites par le PAIR (Pôle d'Archéologie Interdépartemental Rhénan), à Steinbourg, sur le versant méridional d'une colline surplombant, à l'est, la vallée de la Zinsel-du-sud et, au sud et à l'ouest, l'Albertsmattgraben.

Dernière modification
31 août 2017

Les fouilles ont mis au jour des vestiges s'échelonnant de la Protohistoire à l'époque moderne. Ces recherches ont notamment permis d'appréhender quasiment dans son ensemble un établissement rural antique de type villa, réoccupé au Moyen âge.

La Protohistoire

Plusieurs occupations ont été identifiées pour les périodes allant de l'âge du Bronze moyen (autour de 1400 avant notre ère) à la fin du deuxième âge du Fer (autour de 50 avant notre ère). La période autour de 250-150 avant notre ère est notamment représentée par au moins un bâtiment, une structure de combustion et un groupe de sépultures à crémation. 

Au tournant du Ier siècle de notre ère

De la toute fin de l'âge du Fer (50 avant notre ère) jusque vers 30-40 de notre ère, le terrain commence à se structurer (fossé drainant, bâtiments...), annonçant l'organisation spatiale à venir. 

Le Haut-Empire

Dans le courant du Ier siècle de notre ère, apparaît la villa, vaste établissement agricole inclus dans un enclos délimité par un mur de clôture.

La pars urbana (partie résidentielle) de la villa est caractérisée par un corps de bâtiment maçonné comprenant deux pavillons précédés d'une galerie de façade et encadrant l'entrée, située à l'est. L'habitation compte, en rez-de-chaussée, huit pièces ainsi que deux galeries et une cour fermée. La présence d'un étage est envisagée. Le bâtiment a subi divers aménagements entre le Ier et le IIIe siècle.

On accède à la pars rustica (partie dévolue aux activités agricoles) par un porche d'entrée. Elle comprend notamment un ensemble thermal de 120 m² composé de six pièces : deux salles chauffées - une chaude (caldarium) matérialisée par la présence d'une abside et d'une baignoire, et une tiède (tepidarium) - ; une pièce froide (frigidarium) ; un espace de service ; et, probablement, un vestiaire (apodyterium) et une salle de repos. Plus loin, des bâtiments en terre et bois correspondent vraisemblablement aux logements des ouvriers. Puits, citerne à filtration, structures de combustion et caves ont également été identifiés dans cet espace.

Un sanctuaire

À une centaine de mètres du mur de clôture de la villa, le long d'un des chemins d'accès au domaine, la fouille a révélé un sanctuaire.

Mis en place dans la seconde moitié du IIe siècle, il est matérialisé, dans un premier temps, par la présence d'une colonne jovienne. De nombreux groupes statuaires de ce type ont été découverts dans les environs de Saverne. C'est sous la dynastie des Antonins (de 96 à 192) qu'apparaissent, dans le centre et le nord-est de la Gaule, les piliers ou colonnes joviennes, portant une représentation du dieu Jupiter en cavalier. Ces monuments appartiennent à l'art provincial tout en étant fortement inspirés des thèmes triomphaux romains ; ils sont généralement érigés sur des lieux de culte familiaux ou dans des sanctuaires collectifs.

Insérée dans un enclos quadrangulaire, la colonne de Steinbourg, morcelée en plus de cent fragments, représente le dieu Jupiter sous les traits d'un cavalier en costume militaire romain, tenant, de la main gauche, les rênes et, de la main droite, un foudre en bronze. Sa monture cabrée pose ses pattes antérieures sur un géant trapu dont les jambes se terminent en forme de serpent.

Dans le courant du IIIe siècle, un fanum carré (petit temple entouré d'une galerie) succède à ce monument, démantelé.
Plus d'une vingtaine de monnaies a été trouvée en lien avec les deux états du sanctuaire. Certainement s'agit-il de dépôts d'offrande. Des structures de combustions (foyers et fours) sont également associées au sanctuaire, mais leur fonction reste énigmatique.  

L'Antiquité tardive

Après le IIIe siècle, la pars rustica de la villa continue à être occupée par quatre fermes comprenant chacune au moins un bâtiment, un puits et un four. Aucun indice ne permet de savoir ce qu'il en est de la pars urbana. Une réoccupation des thermes est visible, qui s'achève par un incendie. Le fanum demeure en fonction jusqu'au IVe siècle.

Au Moyen Âge

Après deux siècles environ d'abandon, une nouvelle occupation est attestée sur la pars rustica de l'ancienne villa antique. Entre le VIe et le Xe siècle, le site est organisé en trois pôles le long d'un chemin : un habitat, des empierrements correspondant à des sols de bâtiments et un groupe funéraire composé de huit inhumations. Celles-ci prennent place autour d'un bâtiment situé à l'emplacement de l'ancien tepidarium. Une partie des murs de l'édifice prend appui sur les maçonneries de l'Antiquité tardive. Sa fonction est certainement cultuelle. Du Xe au XVe siècle, l'occupation se poursuit, mais aucune nouvelle sépulture n'est installée. Des bâtiments sur poteaux ancrés, des empierrements et un grand enclos destinés au parcage d'animaux caractérisent cette période. 

L'époque moderne

À partir du XVIe siècle, le site est réorganisé avec la mise en place d'un important réseau de drainage et de fossés parcellaires, afin de permettre le développement de l'agriculture, activité qui a perduré jusqu'à nos jours.

Jean-Baptiste Gervreau