Histoire du vin : Protohistoire Culture et société
Le symposion des banquets grecs
Dans la Grèce classique, le repas est divisé en deux temps : un premier temps permet de se rassasier en nourritures solides, céréales et viandes ; le second était consacré aux liquides. Dans de grands cratères, le vin était mélangé à de l’eau dans des proportions discutées entre les convives. Les tables débarrassées des restes du repas se chargeaient de coupes et de vases. Chacun se préparait en se lavant les mains, se parfumant, s’ornant la tête d’une couronne. La deuxième partie du banquet, que l’on appelle symposion (littéralement « boire ensemble »), pouvait alors commencer.
Le maître de banquet, le symposiarque, veillait au bon déroulement de la fête, à l’harmonie et à la montée de l’ivresse collective. Il incitait les convives à réciter des poèmes, jouer ou écouter de la musique, boire et se divertir. Le symposion est une pratique sociale et rituelle autour de laquelle se construit une partie de la culture grecque. Participer à un banquet est un signe d’appartenance à une élite aristocratique. Pour être respecté des autres et passer pour un homme cultivé, il faut savoir bien s'y tenir. Hormis les hétaïres (courtisanes ou prostituées), les femmes n’y sont pas admises.
Le jeu de cottabe dans les banquets grecs
Amphore en céramique à figures rouges, attribué à Euphronios, Grèce, vers 515-510 av. notre ère.
Musée du Louvre, Paris.
© RMN/Hervé Lewandowski
En Grèce ancienne, à l'époque classique, si le vin participait largement de la convivialité lors des banquets, il était aussi un breuvage d'amour.
Le cottabe, répandu entre les VIe et IVe siècles, était un jeu érotique en vogue dans ces banquets. C'était aussi une sorte de jeu d'adresse. Les buveurs jetaient, dans un geste précis - bras tendu et poignet cassé -, les dernières gouttes de vin de leur coupe en direction d'un vase appelé cottabe, posé au milieu des convives. Il fallait que le liquide atteigne la cible en faisant le plus de bruit possible. Le geste du lancer était dédié à une personne présente, un jeune homme ou une hétaïre (prostituée ou courtisane), dont le joueur prononçait le nom en lançant ces gouttes de vin. Atteindre la cible revenait à lui déclarer sa flamme et à manifester son désir.
- Tasse corinthienne à décor géométrique, céramique, Grèce, VIesiècle av. notre ère.Musée des Beaux-Arts, Lyon.
Tasse corinthienne à décor géométrique, céramique, Grèce, VIesiècle av. notre ère.
Musée des Beaux-Arts, Lyon.© Photo du musée - Amphore en céramique à figures rouges, attribué à Euphronios, Grèce, vers 515-510 av. notre ère.Musée du Louvre, Paris.
Amphore en céramique à figures rouges, attribué à Euphronios, Grèce, vers 515-510 av. notre ère.
Musée du Louvre, Paris.© RMN/Hervé Lewandowski
Le saviez-vous ?
In vino veritas
L'expression serait apparue pour la première fois dans l'ouvrage d'Athénée de Naucratis (IIe-IIIe siècle de notre ère) dans son Déipnosophiste, le « banquet des sophistes » ou « banquet des hommes sages ».
Dans ce livre, les protagonistes, convives lettrés du banquet, dissertent sur la cuisine, la vaisselle, les manières de table, qu'ils illustrent par des citations extraites d'ouvrages plus anciens.
Les Étrusques, grands producteurs et amateurs de vin
Les Étrusques passent pour avoir été de grands consommateurs de vins et des amateurs de luxe. Dans la région semi-montagneuse de l'Étrurie, les vignes poussaient en abondance sur les coteaux et faisaient l'objet d'une culture intensive. Les nombreuses amphores retrouvées prouvent que le vin élaboré par les Étrusques était exporté dans tout le bassin méditerranéen.
Dès le VIIIe siècle avant notre ère, les banquets étrusques, dont la forme est empruntée au monde grec, sont organisés par les princes. La cérémonie est très ritualisée. Au son des flûtes ou des lyres, femmes et hommes y dégustent, couchés, du vin servi par des esclaves.
Ces fêtes rivalisent de richesses. Les services à vins y sont réalisés dans des métaux précieux et finement travaillés. Conservé dans des vases pansus ou stamnoi, le vin est mélangé à de l'eau dans une grande casserole (patera), un cratère ou un chaudron (lébès), puis placé au milieu des convives. On le puisait alors avec des sortes de louches (simpula) pour le transférer des cruches à vin (oenochoés), avant de le servir individuellement dans des coupes. Parfois, ce vin était filtré de ses impuretés au moyen d'une passoire avant sa consommation.
- Bassin et trépied étrusques en bronze provenant du tumulus de Sainte-Colombe-sur-Seine (Côte-d'Or), VIe siècle av. notre ère.
Musée du pays châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.Bassin et trépied étrusques en bronze provenant du tumulus de Sainte-Colombe-sur-Seine (Côte-d'Or), VIesiècle av. notre ère.
Musée du pays châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.© Photo du musée - Situle étrusque en bronze martelé provenant du tumulus de Poiseul-la-Ville (Côte-d'Or), VIIe siècle av. notre ère.
Musée du pays châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.Situle étrusque en bronze martelé provenant du tumulus de Poiseul-la-Ville (Côte-d'Or), VIIesiècle av. notre ère.
Musée du pays châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.© Photo du musée - OEnochoé étrusque en bronze provenant de la tombe de Vix (Côte d'Or), VIe siècle av. notre ère.
Musée du pays châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.OEnochoé étrusque en bronze provenant de la tombe de Vix (Côte d'Or), VIesiècle av. notre ère.
Musée du pays châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.© Photo du musée
Les convivia des Romains
À partir du IIe siècle avant notre ère, la consommation du vin devient un usage courant dans la population romaine. Mais l'organisation des banquets, dénommés convivia, reste l'apanage des classes sociales les plus aisées. À cette époque, l'écart se creuse entre riches et moins riches.
Pour l'aristocratie romaine, les convivia sont un passe-temps. Contrairement au symposion grec, on y boit le vin tout au long du repas. On le coupe d'eau, chaude ou froide selon les désirs des convives. Le banquet est une occasion de détente où la sensualité et les plaisirs, la boisson et les mets, accompagnent les conversations et les mots d'esprit, tandis que les hôtes peuvent faire état de leur culture et de leur érudition.
-186, l'interdiction des bacchanales
Pour les Romains, le terme de « bacchanales » désignait toutes les fêtes orgiaques liées au culte de Bacchus, à l'ivresse perpétuelle et aux excès auxquels se livraient le dieu et son cortège. Il s'appliquait également à un rite particulier d'initiation aux mystères dionysiaques importé de la Grèce en Étrurie puis à Rome. Les Étrusques avaient associé à ces initiations des banquets, et ils semblent avoir appliqué dans les faits les pratiques orgiaques rapportées par la mythologie.
Ces initiations bachiques furent d'abord diurnes, réservées aux seules femmes, et se tenaient trois fois par an. Une prêtresse, Paculla Annia, venue de Campanie, les importa à Rome, en modifiant considérablement les règles et l'essence. Les cérémonies se tinrent désormais de nuit et cinq fois par mois. Ouvertes aux hommes, tous les participants étant tenus au secret, les bacchanales se transformèrent alors en véritables orgies, où tous les excès et les crimes étaient permis. D'après Tite-Live, rien ne pouvait y être considéré comme interdit par la morale. Les initiés qui ne s'y soumettaient pas étaient tués ou disparaissaient.
- Statuette en bronze représentant Bacchus enfant tenant une grappe de raisin et un vase.
Musée de l'Arles antique.Statuette en bronze représentant Bacchus enfant tenant une grappe de raisin et un vase.
Musée de l'Arles antique.© Photo du musée - Statuette de Bacchus, provenant du site de Vertault (Côte-d'Or).
Musée du Pays Châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.Statuette de Bacchus, provenant du site de Vertault (Côte-d'Or).
Musée du Pays Châtillonnais, Châtillon-sur-Seine.© Photo du musée - Bacchanale de Jules Dalou, sculptée dans une pierre de Tercé, vers 1895-1898.
Fontaine du jardin des Serres d'Auteuil, Paris.Bacchanale de Jules Dalou, sculptée dans une pierre de Tercé, vers 1895-1898.
Fontaine du jardin des Serres d'Auteuil, Paris.© 9jules9
Le vin d'Assurnasirpal II
Assurbanipal et son épouse buvant du vin sous une treille, vers 645 av. notre ère, bas-relief provenant de Ninive (Irak).
The British Museum, Londres.
© The British Museum, Londres, Dist. RMN/ The Trustees of the British Museum
Vers 870 avant notre ère, le roi d'Assyrie Assurnasirpal fête ses conquêtes militaires et l'établissement de la capitale du royaume à Kalhu (Nimrod). À cette occasion, il fait organiser un énorme banquet réunissant 69 574 convives, au cours duquel furent consommés 10 000 jarres de bière et autant de vin ! À cette époque, l'Assyrie produit du vin en quantité et améliore ses productions viticoles au fil de l'extension de son territoire, en profitant des savoir-faire des peuples conquis... après toutefois avoir détruit leurs vignobles.
Ces festivités appartiennent déjà à une tradition ancienne : depuis le IIIe millénaire, les banquets sont autant d'occasion pour les souverains de faire état de leur richesse et de leur pouvoir.