Généalogie de la vigne : du genre au cépage

Vitis et cœtera...

Dans la grande famille des Vitaceae, les espèces de vignes sont désignées par le terme générique de Vitis. À l’état sauvage, la vigne pousse dans trois grandes régions du monde : l’Amérique du Nord et centrale, l’Asie et l’Europe.

 

D’origine européenne et ouest-asiatique, Vitis vinifera est l’ancêtre sauvage de la plupart des vignes cultivées. Les cépages issus de Vitis vinifera portent des raisins de bonne qualité et sont susceptibles de produire un vin correct. On en compte entre 5 000 et 6 000 variétés cultivées à travers le monde. Un peu plus de 200 d’entre elles ont existé ou existent encore en France.

 

D’autres espèces de vignes sauvages existent également, par exemple aux États-Unis, qui ont pour nom Vitis riparia, Vitis rupestris, Vitis labrusca, Vitis berlandieri.

 

Vitis vinifera subsp. sylvestris et Vitis vinifera subsp. vinifera sont deux sous-espèces de Vitis vinifera.

Le saviez-vous ?

Subsp. ou subspontané

La mention « subsp. » associée au nom d'une plante signifie « subspontané ». Cet adjectif désigne le caractère adaptatif d'une plante qui, sans être originaire de la région où on la rencontre, y a été acclimatée, qu'elle soit ou non retournée à l'état « sauvage ». 

Pour la vigne, Vitis vinifera subsp. sylvestris désigne la plante que l'on rencontre au bord des chemins, parce qu'elle s'est échappée des vignobles et se retrouve à pousser dans la nature. En France on l'appelle communément lambrusque ou vigne sauvage.

Le genre Vitis et ses espèces

Dans le système de classification des espèces végétales, le genre Vitis appartient à la famille botanique des Vitacées ou Ampélidacées. Le terme générique de Vitis désigne toutes les espèces de vignes.

 

De nombreuses espèces de vignes sauvages poussent spontanément en Amérique du Nord, en Europe et en Asie centrale et orientale, mais c’est principalement Vitis vinifera qui a été domestiquée et diversifiée en d’innombrables cépages. C’est à partir de cette vigne qu’est produite la quasi-totalité des vins partout dans le monde.

 

D’autres espèces, distinctes de Vitis vinifera, sont toutefois également cultivées et utilisées pour produire du vin : en Amérique du Nord, Vitis labrusca donne un vin au goût de framboise ; Vitis riparia, Vitis rupestris et Vitis berlandieri sont résistantes au phylloxéra et font, de ce fait, d’excellents porte-greffes pour Vitis vinifera. En Asie, en Chine, en Corée et au Japon, on trouve des vins buvables élaborés à partir d’espèces locales.

La vigne sauvage

La vigne sauvage, qui relève de la même espèce Vitis vinifera que la vigne cultivée, est appelée Vitis vinifera subsp. sylvestris. Elle présente une grande diversité génétique : en effet, selon les sols, les environnements et les climats, les plants de cette sous-espèce de vigne peuvent présenter des différences de forme, de taille, de couleur...

 

Cette vigne sauvage, encore nommée « lambrusque vraie », est une liane qui pousse souvent en lisières de forêts et s’élève dans les arbres, en s’accrochant par des vrilles, à la recherche de la lumière et du soleil. Les pieds de la vigne sauvage peuvent être « mâles » ou « femelles » ; on dit qu’elle est sexuée. Les grappes de la vigne sauvage portent de petites baies rondes et noires, au goût acide, qui mûrissent les unes après les autres.

 

En Europe, Vitis vinifera subsp. sylvestris pousse dans les pays méditerranéens et ceux d’Europe centrale, de la Bulgarie aux côtes atlantiques de la France et de la péninsule Ibérique, dans les vallées du Rhin, du Danube et du Neckar, en Allemagne.

De la vigne cultivée aux cépages

La vigne cultivée, qui appartient à la même espèce Vitis vinifera que la vigne sauvage, est désignée sous le terme de Vitis vinifera subsp. vinifera. Au fur et à mesure qu’ils domestiquaient la vigne, les humains ont sélectionné des caractéristiques morphologiques particulières de la plante, favorables à sa culture et à exploitation. La principale caractéristique de la vigne cultivée est d’être hermaphrodite, un même pied portant, dans la majorité des cas, à la fois des fleurs mâles et des fleurs femelles (alors que le pollen des plants femelles de la vigne sauvage est stérile). Ses grappes sont plus volumineuses, ses grains plus gros, et la forme de ses pépins est plus allongée.

 

C’est en privilégiant les baies les plus grosses, les plus juteuses, les plus goûteuses, ou d’autres critères intéressants, que nos ancêtres ont commencé à multiplier des variétés de vignes à l’aide de boutures ou de semis. Cette pratique a permis qu’apparaissent progressivement les premiers cépages de vigne identiques, lesquels ont été transportés et disséminés autour de la Méditerranée par les Phéniciens, les Grecs puis les Romains.

 

En Europe occidentale, les cépages sont issus de ces pratiques de sélections et de croisements entre plants sauvages locaux et plants déjà sélectionnés, et de semis. Pour l’Antiquité, au Ier siècle de notre ère, Pline l’Ancien (30-79) dans son Histoire naturelle en avait identifié une petite centaine. Mais bien sûr les cépages de la Préhistoire, de la Protohistoire et de l'Antiquité n’ont plus grand-chose en commun avec les cépages d’aujourd’hui.

 

C’est à partir de cette dernière vigne Vitis vinifera subsp. vinifera, qu’on désigne plus simplement comme Vitis vinifera, qu’ont été élaborés, au fil de l’histoire, les différents cépages qui composent la vaste palette des variétés de vigne cultivée dans le monde. Avec plus de 6 000 « cultivars » (terme botanique qui désigne les variétés d’espèces végétales obtenues par croisement et cultivées), appelés cépages en termes viticoles, Vitis vinifera représente aujourd’hui la quasi-totalité des vignes cultivées à travers le monde.

L’essor de l’ampélographie au XIXe siècle

L’ampélographie, dont le nom dérive de la racine grecque ampelos (« vigne »), étudie la vigne, ses espèces, ses variétés et ses cépages. Elle s’attache à les décrire et à les classifier.

 

Elle prend son essor en tant que science au XIXe siècle : en cent ans, pas moins de dix ampélographies nationales ou universelles sont éditées ! C’est à Pierre Viala, un inspecteur général de viticulture qui travaillait sur les maladies de la vigne, que l’on doit la monumentale Ampélographie. Traité général de viticulture. Réalisée en collaboration avec Victor Vermorel, inventeur de machines et outillages utilisés pour la culture de la vigne, et quatre-vingt-cinq autres contributeurs, elle compte sept volumes, dont la parution s’étale entre 1901 et 1910.

 

Après la Seconde Guerre mondiale, Pierre Galet, un autre ampélographe, devient la référence ; sa méthode de classification restera en vigueur jusqu’aux applications de la génétique. Son travail a permis l’élaboration d’une collection unique au monde, entreposée au Domaine de Vassal (Hérault). Aujourd’hui dédié à la conservation, la connaissance et la valorisation de la biodiversité de la vigne, ce domaine appartient à l’Inra et abrite plus de 5 000 espèces et variétés provenant de plus de quarante pays.