Depuis 2022, un programme de recherche associe l’Inrap et la Maison des Sciences Humaines (MSH) de Clermont-Ferrand au sujet de l’oppidum de Gergovie (Puy-de-Dôme) avec une importante aide de l’État et le contrôle scientifique et technique de la Drac Auvergne-Rhône-Alpes, le soutien du Conseil départemental du Puy-de-Dôme (40 000 € en 2025) et un mécénat de PROMOGIM.

Dernière modification
18 juillet 2025

Ce programme de recherche concerne un secteur clé de la ville gauloise, le « Quartier des artisans » révélé par des fouilles conduites entre 1861 et 1949. Il a pour double objectif l’étude des anciennes recherches et le réexamen de ce secteur afin d’en renouveler la lecture. Ces travaux, qui utilisent les techniques classiques de la fouille ainsi que des technologies non invasives (prospections géophysiques, relevé Lidar, photogrammétrie…), ont apporté des informations nouvelles qui conduisent à revaloriser l’importance de Gergovie au moment de la guerre des Gaules et postérieurement. Ce chantier fut également l’occasion de former de jeunes chercheurs aux techniques de fouille de pointe et de réexaminer les archives de terrain des XIXe et XXe siècles.

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Vue générale des vestiges de la fouille 2025, murs pré-augustéen, bâtiments augustéens (forge), bâtiment monumental tardo-augustéen, muraille à éperons tardo-laténienne.

© Sébastien Dohr, Inrap

 

Gergovie, un site historique majeur révélé par l’archéologie

Terre natale du chef arverne Vercingétorix, celui-ci fit de Gergovie une forteresse inexpugnable où furent mises en déroute les légions de César au printemps de l’année -52. Cette bataille, qui figure dans la Guerre des Gaules, est l’une des rares défaites subies par l’armée romaine en huit ans de conflit. Les recherches archéologiques ont identifié les vestiges de ce siège avec la mise au jour des ouvrages militaires romains. Les fouilles révèlent aussi un espace rural gaulois intensivement exploité par un réseau d’établissements ruraux dense. Ce territoire était dominé par trois grandes agglomérations de premier plan économiquement et politiquement : Gergovie, Gondole et Corent.

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Vue aérienne de la fouille du « quartier des artisans » en 2024, et du plateau de Gergovie.

© Flore Giraud

 

Le « Quartier des artisans » : un conservatoire des pratiques archéologiques

La localisation du site de Gergovie est établie de longue date. Mis en évidence au XVIe siècle, il est exploré dès le XVIIIe siècle. Le « Quartier des artisans » est quant à lui fouillé en 1861, parallèlement aux fouilles réalisées à la demande de l’empereur Napoléon III sur les ouvrages militaires romains situés en contrebas. Depuis, le site a fait l’objet, au cours des années 1930, de recherches dans un contexte de remise en question de la localisation de Gergovie. Dans un contexte difficile, celui de la Seconde Guerre mondiale, une équipe d’enseignants et d’étudiants de l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, poursuit ces travaux. Enfin, depuis le début des années 2000, Gergovie fait l’objet de fouilles modernes. C’est à l’étude de ces fouilles anciennes qu’ont été consacrées les deux premières années (2022-2023) du programme de recherche de l’Inrap et de la MSH de Clermont-Ferrand. Elles ont précisé l’ampleur des dégagements réalisés par le passé, permis d’en comprendre la méthodologie et de retrouver les vestiges anciens dans leur état de « fin de fouille ». Dans le même temps, un ambitieux travail archivistique a permis de retrouver de nombreux documents de terrain, en grande partie inédits et dispersés dans une quinzaine de fonds à travers l’Europe.

 

Nouvelles données sur le « Quartier des artisans »

Les campagnes de fouille 2024 et 2025 sont consacrées à l’étude des vestiges anciens, confirmant le potentiel important du secteur. À la période gauloise, le « Quartier des artisans » est localisé au principal point d’accès à l’oppidum : en bordure sud du plateau, au croisement de la fortification et d’une voie de circulation. L’occupation de la fin de la période gauloise et du début de la période romaine se développe sur près de trois mètres d’épaisseur et comprend jusqu’à une dizaine de phases d’aménagements successifs. Leur datation s’étend entre 70/50 avant notre ère et la fin du règne de l’empereur Auguste (-27 – 14 de notre ère). Les vestiges sont dans un très bon état de conservation. Les maçonneries présentent des élévations, les sols de circulation (intérieurs et extérieurs) sont préservés. Des parties d’édifices en bois doivent leur conservation à des incendies.

Un mobilier domestique abondant suggère l’habitat d’une population relativement privilégiée puisque consommant des biens importés d’Italie (vin, huile, vaisselle, instruments d’écriture, pièces de jeu…). Figurent également plusieurs vestiges liés à la métallurgie du fer et du bronze. L’étagement des vestiges peut être dû à la reconstruction fréquente de bâtiments (peut-être suite à des incendies), à la réalisation de travaux de génie civil et à l’installation de constructions monumentales.

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Fiche en fer, anse de coffret et probable ébauche de phalère en laiton.

© Yann Deberge, Inrap

Du rempart de Vercingétorix à la porte augustéenne ? 

Parmi ces constructions monumentales figure la muraille qui assurait la protection de l’oppidum au moment de la guerre des Gaules. La présence de cette fortification, installée sur le rebord extrême du plateau, n’était auparavant pas connue dans ce secteur. Cet ouvrage massif, édifié à pierres sèches, est encore conservé en élévation sur plus d’un mètre de hauteur. Au regard des fortifications gauloises de la même période, son plan est atypique, sa muraille à éperons évoquant des modèles hellénistiques.  Au changement d’ère, cet ouvrage est volontairement détruit et remplacé par une vaste construction « à la romaine » (murs maçonnés au mortier de chaux et toiture de tuiles). De plan également atypique, cet édifice massif reprend sensiblement celui de la fortification antérieure et, vraisemblablement, sa vocation défensive.

Cette nouvelle muraille renvoie à une campagne de reconstruction des accès à l’oppidum probablement initiée par les élites locales largement romanisées. Situés au croisement de l’une des principales voies d’accès au site, ces deux ouvrages devaient être complétés par des portes qui restent à dégager.

Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne-Rhône-Alpes)
Recherches archéologiques : Inrap, MSH
Responsables scientifiques : Yann Deberge, Inrap / Marion Dacko, MSH