L’anthracologue analyse les charbons de bois et détermine les essences d’arbres dont ils proviennent. Ces données fournissent de nombreuses informations sur les végétaux présents à une époque donnée et sur leur évolution au fil des siècles.
Outre la connaissance des forêts et des paysages passés, l’anthracologie permet d’appréhender les relations que l’Homme entretenait avec le bois. Elle aide à comprendre la gestion forestière (utilisation de bois mort, sélection d’espèces, stockage du bois…), la place du bois dans l’économie (métallurgie, construction…) ou dans des aspects plus sociaux et culturels de la vie, les contextes funéraires par exemple.
Généralement, le bois pourrit et disparaît au fil du temps. Mais, lorsqu’il a été carbonisé, les archéologues le retrouvent en grande quantité sur les sites. La carbonisation correspond à la substitution des éléments organiques par du carbone sous l’action du feu, le carbone étant le produit d’une combustion incomplète. Les charbons de bois retrouvés peuvent être issus de foyers domestiques destinés à la cuisson des aliments, au chauffage ou à l’éclairage. Ils peuvent aussi provenir de fours conçus pour la cuisson de céramiques ou la transformation des métaux et attestent ainsi la présence d’ateliers artisanaux. Ils sont parfois simplement les restes d’édifices incendiés.
Restes d’un bûcher funéraire du 1er siècle avant notre ère. Bully-les-Mines, Pas de Calais, 2006.
© Véronique Devred-Bura Inrap
L’anthracologue prélève des sédiments dans les couches archéologiques et les conditionne dans des sacs ou des boîtes. Ils sont étiquetés, numérotés, répertoriés et reportés sur les plans de la fouille. L’anthracologue entame la recherche de la fonction du bois et des périodes de création des résidus carbonisés. La répartition spatiale des charbons est prise en compte dans l’analyse.
Une forte concentration représente souvent un instant T, alors que des charbons dispersés renseignent sur la transformation des boisements liée à des pratiques d’exploitation sur de plus longues périodes. Ensuite les charbons sont extraits des sédiments par flottation ou tamisage, puis ils sont séchés et observés au microscope à réflexion, à des grossissements de x50 à x500.
© DR, Inrap
Le charbon de bois est le matériau le plus utilisé dans les datations par radiocarbone. Le carbone14 est absorbé et stocké par les matières vivantes tout au long de leur vie. Lorsque la mort survient, il disparaît progressivement selon un schéma précis. Grâce à ce schéma on peut déterminer en quelle année l’être vivant a cessé d’absorber du carbone14 et connaître son année de mort.
La précision d’analyse est d’environ 40 ans pour les cinq derniers millénaires et de 100 ans autour de -10000 ans. Pour une plus grande précision, mieux vaut dater des charbons de bois issus de petites branches, plus proches de la mort de l’individu donc de la date de son utilisation, qu’un charbon provenant du cœur d’un tronc pluricentenaire ; d’où l’importance de choisir les échantillons avec l’anthracologue.
© DR, Inrap
Le village du Néolithique final de Arbon Bleiche 3, en Suisse, compte une vingtaine de maisons. Ce site a permis d’étudier la gestion du bois de feu à l’échelle de l’unité domestique. L’anthracologie a montré que l’ensemble du village exploite un environnement forestier dominé par le frêne.
Mais, des variations importantes du taux de frêne existent d’une maison à l’autre au profit d’autres végétaux provenant de la forêt riveraine ou de la chênaie, parfois accompagnés du noisetier qui indique l’exploitation d’un milieu plus ouvert. On peut ainsi supposer que les maisonnées n’ont pas accès aux mêmes espaces et que la collecte du bois n’est pas, ici, une activité collective. Ces résultats permettent de discuter des liens entre organisation sociale, activités de collecte et accès aux terres.
Les sciences de l'archéologie : Sylvie Coudray, anthracologue
L’anthracologue s’intéresse aux relations entre l’homme et la forêt, son objet d’étude concerne les usages du bois. Les charbons de bois recueillis au cours des fouilles archéologiques et issus du bois de combustible domestique aident à comprendre l’histoire des forêts depuis les périodes anciennes. L’anthracologie contribue à la reconstitution des pratiques artisanales (charbonnage, métallurgie…), qui ont une influence sur les milieux forestiers. Sylvie Coubray nous raconte sa vocation d’anthracologue, sa démarche d’analyse et ses résultats scientifiques.
© Inrap - Schuch Conseils et Productions - 2009
Les experts de l'archéologie : l'anthracologue
© Inrap - Arte - Petite ceinture - 2010