Les restes végétaux provenant des couches archéologiques constituent une mine d’informations pour le carpologue. Ils renseignent sur la flore locale, le paléoenvironnement des sites archéologiques, les pratiques agricoles, l’alimentation et les préparations culinaires des sociétés passées. La carbonisation des semences sous-entend qu’elles ont été manipulées par l’homme.
Les restes végétaux témoignent aussi de la présence d’espèces indigènes ou du déplacement de certaines espèces sur de grandes distances par contacts culturels (commerce à grandes distances, transfert de connaissances agricoles par migration de populations, etc.). Ainsi des plantes provenant de la région méditerranéenne ont été retrouvées dans le nord de la France.
Graines, fruits, noyaux, feuilles, bourgeons, mousses ou restes du traitement des céréales (glumes, épillets, fragments de rachis) sont trouvés lors des fouilles. Ils sont conservés le plus fréquemment grâce à la carbonisation, elle-même liée à la cuisson d’aliments, au rejet de matière végétale dans les foyers ou aux incendies accidentels.
Les restes sont également découverts en contextes humides gorgés d’eau et à l’abri de l’air, ou dans des milieux abondant en phosphates et matière calcaire – latrines, dépotoirs riches en os, fumiers… – qui favorisent leur minéralisation. Les structures de stockage (silos, greniers, caves), de traitement (fours, foyers), ou de rejet (dépotoirs, latrines) de matières organiques sont des lieux propices à leur découverte.
Récupération des restes du tamisage (Isabel Figueiral, carpologue et anthracologue, Inrap), au Centre de Bio-Archéologie et d’Écologie (UMR 5059), Institut de botanique de Montpellier.
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Le carpologue échantillonne systématiquement les sites fouillés pour obtenir des résultats fiables et représentatifs. La répartition spatiale des restes végétaux contribue à délimiter des zones d’activités : aire de battage, lieu de stockage, cuisine, dépotoir, atelier textile… Les restes sont extraits des sédiments et des couches archéologiques par flottation ou tamisage sous l’eau.
Les graines et autres restes sont récupérés avec une colonne de tamis. Ce qui reste dans le tamis est mis à sécher ou conservé dans l’eau si l’échantillon provient d’un milieu humide. Triées sous la loupe binoculaire par le carpologue, les graines sont comptées et identifiées à l’aide de collections de référence de graines actuelles et archéologiques et de manuels de détermination.
Tri de graines isolées grâce au tamisage de sédiments (refus de tamis), à l’aide d’une loupe binoculaire (Isabel Figueiral, carpologue et anthracologue, Inrap), au Centre de Bio-Archéologie et d’Écologie (UMR 5059), Institut de botanique de Montpellier.
© Myr Muratet, Inrap
Les restes carbonisés sont souvent des déchets de céréales issus du décorticage, du vannage, du tamisage, de préparations culinaires ou de résidus alimentaires non consommés. On trouve aussi des légumineuses cultivées et des plantes messicoles (mauvaises herbes liées aux cultures céréalières).
Parfois, on discerne un mode de préparation : bouillies de céréales, pommes sauvages séchées au dessus du feu, fragments de pain ou de galette… En milieu humide, comme par exemple dans les puits et les latrines, on découvre fréquemment des résidus de fruits (coques de noix, de noisettes, noyaux de cerises ou d’olives, pépins de figues, de mûres...) et des graines d’épices (coriandre, fenouil...). L’ensemble de ces découvertes permet de préciser les pratiques alimentaires et culinaires.
Pépin de raisin (Vitis vinifera L.) en vue ventrale et dorsale.
© Bénédicte Pradat, Inrap
Les offrandes alimentaires et les dépôts d’origine végétale découverts en contextes funéraires permettent de comprendre les rites et les pratiques mortuaires. Tout type de structure funéraire – bûcher, tombe à incinération, dépôt lié à la crémation, sarcophage –, de toute période, peut être étudié au travers des plantes identifiées.
Ainsi, à la période gallo-romaine les morts étaient souvent incinérés et c’est dans les restes de bûcher funéraire que les résidus de préparations alimentaires (pains, galettes, bouillie) sont les plus fréquemment observés. On retrouve également des graines et noyaux issus de cultures locales – blé, orge, fève, lentille, pois, prunes, cerises… – et des restes carbonisés de fruits importés ou originaires de la région méditerranéenne – figue, datte, olive, raisin, pigne de pin pignon, etc.
La palette des plantes cultivées sur un site témoigne des pratiques agricoles des sociétés étudiées (période et type de semis, sarclage, modalités de récolte, de traitement et de stockage des plantes cultivées) et d’une sélection des espèces en fonction du climat et du type de sol. Certaines plantes sauvages sont révélatrices de ces pratiques : l’ortie apprécie les sols riches en azote des fumiers, décombres, jardins et jachères, le coquelicot fleurit les champs de céréales, le plantain est favorisé par le piétinement des troupeaux. Les plantes sauvages reflètent aussi les milieux exploités par l’homme : champs, haies, chemins bordés d’herbe, bois, prairies…
La comparaison du contenu carpologique des couches archéologiques permet parfois de suivre l’évolution d’un paysage.
Les sciences de l'archéologie : Marie-France Dietsch-Sellami, carpologue
La carpologie est l’étude des graines et des fruits retrouvés sur les sites archéologiques. Ces macrorestes végétaux prélevés dans les structures archéologiques liées au stockage (silo, grenier), à la transformation (fours, séchoirs) ou au rejet (dépotoirs, latrines), peuvent dans certaines conditions se conserver extrêmement longtemps. Le carpologue qui les étudie peut en identifier les espèces et obtenir ainsi des informations sur l’environnement végétal du site, les pratiques agricoles et l’alimentation des populations anciennes.
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