La céramologie

La céramologie, c’est-à-dire l’étude systématique des objets de terre cuite, embrasse toutes les périodes chronologiques, depuis le Néolithique (de 6 000 à 2 000 ans avant notre ère en Europe) jusqu’au XXIe siècle.

Du fait de leur abondance et de leur bonne conservation, les tessons sont des documents indispensables pour dater les niveaux archéologiques dont ils sont issus. Ils sont aussi les témoins de nombreuses activités humaines dont ils permettent la compréhension, en parallèle avec d’autres méthodes d’investigation.

Amphore.© Rémi Bénali, Inrap

Des tessons par millions

Briques, tuiles, carreaux, canalisations, vaisselles, amphores, récipients, urnes funéraires, pesons, lampes à huile, sculptures… la céramique est l’un des matériaux les plus abondants découvert lors des fouilles.

En effet, les céramiques se cassent facilement : elles étaient donc fréquemment remplacées. Les tessons, pratiquement inaltérables, nous parviennent presque intacts quelles que soient les conditions de conservation.

Une approche méthodique

Les masses de tessons découverts lors des fouilles exigent un traitement méthodique très rigoureux. Les fragments sont lavés, triés, inventoriés, remontés, dessinés et étudiés. Les formes des céramiques, les matériaux employés, les décors et les techniques varient au cours du temps. L’identification des formes peut se faire même sur de très petits fragments : leur courbure indiquera s’ils viennent d’une cruche, d’une marmite ou d’une assiette.

Les céramologues ont progressivement mis en place des catalogues où tous les types de céramiques sont répertoriés et classés, selon divers critères comme le type de production ou la technique. Chaque nouvelle découverte sera identifiée et datée par comparaison avec l’ensemble de référence et l’enrichira à son tour.

Tessons de céramiques

Tessons de céramiques.

Fabrication et commerce

Souvent un lot de tessons peut être rattaché à un atelier de fabrication local bien connu pour ses techniques et son style.

Il peut s’agir aussi de vaisselle importée, parfois de loin. Aux courants commerciaux ainsi détectés et reconstitués, s’en ajoutent d’autres : à l’époque romaine, par exemple, les récipients de terre cuite jouent un rôle essentiel dans le transport des denrées alimentaires, vin, huile, céréales. L’étude des céramiques permet ainsi de caractériser les différentes cultures néolithiques, la circulation des amphores de vin dans l’Empire romain, la diffusion des techniques de poterie vernissée au Moyen Âge ou le commerce entre la Chine et l’Europe à partir de la Renaissance…

Amphore vinaire en céramique, fin du IIe siècle avant notre ère.

Amphore vinaire en céramique, originaire d'Italie, fin du IIe siècle avant notre ère, hauteur : 60 cm, provenant du site de l'Îlot de la Charpenterie à Orléans (Loiret). Elle est décolletée, vidée de son contenu et recyclée comme vase de réserve.

Instantanés de vie quotidienne

Un lot de pesons de céramique mêlés à des aiguilles de bronze ou d’os ? L’ensemble évoque le tissage, la couture… Un amas de tessons issus d’assiettes, de pots et de marmites ? Il s’agit de vaisselle culinaire et de table jetée au dépotoir, dans un quartier d’une grande ville…

Les céramiques révèlent le statut social des habitants, la fonction d’un lieu. Elles informent sur les pratiques culinaires, les usages de la table, les techniques, les modes, les styles. Présentes dans les sépultures, elles renseignent aussi sur les pratiques funéraires. Elles peuvent contenir les restes incinérés du mort mais aussi des offrandes, des onguents ou des provisions pour l’au-delà…

Terra incognita

Outre la caractérisation par le style, la technique et la forme, les céramologues s’appuient désormais sur des analyses physicochimiques qui permettent par exemple de donner une datation plus ou moins précise de la production d’un atelier et la détermination de l’origine des argiles.

Mais si nombre de tessons ont désormais une origine bien identifiée, une part considérable reste encore indéterminée et on peut parler de « terre inconnue » pour des milliers de tessons de terre cuite découverts quotidiennement.

Vidéos

Les sciences de l'archéologie : Alban Horry, céramologue

Les milliers de tessons de céramique que l’on découvre sur les sites archéologiques sont très révélateurs des sociétés anciennes. Les céramologues, au fil des découvertes, ont établi des ensembles de référence d’après les formes, les pâtes et les décors des poteries qui constituent de bons marqueurs chronologiques pour chaque civilisation. Ces poteries témoignent aussi du niveau de vie des hommes qui les ont utilisés et des échanges qu’ils ont pu entretenir. Alban Horry nous raconte sa vocation de céramologue, sa démarche d’analyse et ses résultats scientifiques.

© Inrap - Schuch Conseils et Productions - 2009

La reconstitution d’un four de potier à partir de la fouille du site gallo-romain de Saran.

En bordure de la voie antique Orléans-Chartres, un grand centre potier de 7 hectares a été identifié en 2009. Une fouille programmée sur 290 m2 a permis d’approfondir son étude : cinq fours, un tour de potier, plusieurs bâtiments et des fosses de stockage de l’argile attestent d’une activité potière du Ve au Xe siècle. Un four, daté du IXe siècle, a particulièrement retenu l’attention des archéologues en raison de son état de conservation. À partir de ses fondations, il a été remis en état et une cuisson a été expérimentée.

© Inrap - Tournez S'il Vous Plaît

Les experts de l'archéologie : le céramologue

© Inrap - Arte - Petite ceinture - 2010