La géomorphologie

Cette discipline étudie la forme des paysages et cherche à expliquer leur mise en place et leur évolution. Il s’agit de reconstituer l’environnement physique et végétal d’un secteur à une période donnée et d’évaluer les ressources dont disposaient alors les populations humaines.

En décryptant les modifications du milieu, le géomorphologue nous renseigne sur les activités humaines qui l’ont façonné (défrichement, agriculture, pastoralisme…). En étudiant les sédiments, le géomorphologue va expliquer l’histoire du terrain. Les sédiments ont-ils connu une érosion ou, au contraire, un recouvrement rapide ? S’agit-il d’un phénomène dû aux variations climatiques ou provoqué par l’action de l’homme (mise en culture, terrassement…) ?

Relevé d'une coupe stratigraphique à Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime), 2010. © Hervé Paitier

La forme des paysages

Au pied d’un versant, un creux marque le paysage, serait-ce l’empreinte d’une mare comblée ou celle d’une ancienne limite entre deux parcelles ? Parfois, sur les sites archéologiques des témoignages d’activités agricoles très anciens sont encore lisibles : traces d’outils, de fosses de plantations de vignes, érosion agricole des sols, etc. Les paysages subissent des transformations dues à la fois aux conditions naturelles (géologie, climat…) et aux activités humaines (déforestation, systèmes de drainage ou d’irrigation…).

Le paysage est souvent le résultat de l’action des sociétés sur leur environnement. Les archéologues s’attachent à comprendre les contextes dans lesquels vivaient les sociétés, l’étude de la forme des paysages est une des sciences de l’archéologie.

Du paysage au laboratoire

Le géomorphologue prend en compte des échelles variées allant du paysage régional à l’analyse microscopique des sédiments. Il étudie d’abord cartes, plans, photographies aériennes et satellitaires pour identifier les contextes environnementaux du secteur : topographie, géologie, ressources naturelles…

Sur le site, il réalise des sondages et examine les couches de sédiments (couleur, texture, structure…) pour comprendre leur nature, leur mise en place et proposer une chronologie des événements. En laboratoire, il affine ses analyses avec des méthodes comme la micromorphologie ou la sédimentologie. À partir de ces observations il proposera une synthèse des données recueillies et reconstituera l’évolution du paysage local.

Carottage dans la plaine du Vidourle à proximité d’Ambrussum, Hérault, 2008

A gauche : Carottage dans la plaine du Vidourle à proximité d’Ambrussum (Lunel, Hérault, 2008) © Christophe Jorda, Inrap ; à droite : Échantillonnage d’une carotte pour analyses sédimentologiques et paléoécologiques

L’étude des sédiments

La sédimentologie détermine l’origine des dépôts (alluvions, ruissellements, remblais…) ou leur âge. La micromorphologie, par l’observation microscopique, rend compte de leur évolution (piétinements, labours…). D’autres approches sont utiles pour mieux comprendre les sédiments, notamment, les analyses bio et géochimiques qui éclairent les pratiques des sociétés passées (zones d’artisanat, parcages, latrines…).

Sur le terrain, le géomorphologue observe la stratigraphie : la succession des strates de sédiments visible grâce aux changements de couleur ou de texture des sols (argiles, sables, cailloux…). Chaque strate correspondant à une époque, la méthode stratigraphique permet de déterminer la nature et la chronologie des événements intervenus.

Lame mince de mur en terre crue pour étude micromorphologique

Lame mince de mur en terre crue pour étude micromorphologique

Du sol, aux sociétés

Le géomorphologue, en identifiant les sédiments, aide les archéologues à comprendre l’évolution d’un site. Il met en évidence le paysage contemporain des différentes périodes d’occupation et évalue le poids des activités humaines dans les modifications du milieu. Ainsi, on a longtemps pensé que les grottes et abris-sous-roche du sud de la France avaient servi d’habitat aux Néolithiques, or, l’étude des sédiments a montré qu’il s’agissait le plus souvent d’étables ou de bergeries.

En effet, les sédiments ne résultent pas des processus sédimentaires classiques (ruissellements, crues…), mais, riches en sphérolithes (particules produites par l’estomac des ruminants) provenant des déjections animales, ils témoignent de l’accumulation de grandes quantités d’excréments.

Sociétés et cours d’eau

Dans la plaine littorale du Lez, près de Lattes (Hérault), six mètres d’alluvions se sont déposés en 6 000 ans. Leur observation a permis de comprendre le fonctionnement du fleuve. La texture et la structure des sédiments supposent des changements dans la dynamique hydrologique du Lez.

En 2 500 ans, entre la fin du Néolithique (environ 2000 avant notre ère) et l’Antiquité, le fleuve est calme. Puis, au Moyen Âge, les crues se succèdent, comme l’attestent les couches sableuses et limoneuses fossilisant les vestiges. L’étude de la stratigraphie d’un fossé, découvert lors de la fouille, a montré qu’il s’agissait en fait d’un canal d’irrigation construit au XIe ou XIIe siècle. Au XIIIe siècle, la vanne servant de connexion avec le Lez a été détruite par une crue et le canal est devenu un bras du fleuve.

Vidéos

Les experts de l'archéologie : le géomorphologue

© Inrap - Arte - Petite ceinture - 2010

Les sciences de l'archéologie: Christophe Jorda, géomorphologue

Le géomorphologue étudie la succession des couches du sol (la stratigraphie), la nature des roches et la genèse de leur formation. Sur un chantier archéologique, ses observations lui permettent de reconstituer les paysages (steppes, forêts, champs…) et reliefs (lits de rivière, vallons, talwegs…) anciens et de comprendre l’environnement dans lequel évoluaient les hommes et les modifications qu’ils y ont apportées. 

© Inrap - Schuch Conseils et Productions - 2009