La palynologie appliquée à l’archéologie (paléopalynologie) étudie les pollens et les spores fossilisés piégés dans les couches successives de sédiments, afin de retracer les variations de l’environnement végétal sur de très longues périodes de temps.
L’évolution de la végétation est liée aux changements climatiques, mais aussi à l’intervention de l’homme sur la nature : défrichements, culture, élevage. Pour une époque et un lieu donnés, le palynologue étudie le « spectre pollinique » correspondant à l’ensemble des pollens et spores fossilisés de l’échantillon et reconstitue le paysage végétal.
Les plantes se reproduisent en disséminant des pollens (plantes à fleurs) ou des spores (champignons, mousses, fougères…) caractéristiques de chaque espèce végétale. Lors de la pollinisation, pollens et spores sont transportés par le vent qui peut les disperser sur des milliers de kilomètres, les animaux (insectes, mammifères…) et l’eau (ruissellement…).
L’essentiel de la pluie pollinique retombant au sol est constituée de pollens et spores de provenance locale mais aussi régionale. Ces pollens minuscules (de 5 à 200 microns) sont protégés par une enveloppe externe que seul l’oxygène parvient à attaquer. À l’abri de l’air, dans un milieu acide et humide (tourbière, marécage, lac…), le pollen peut se fossiliser et se conserver des centaines de milliers d’années.
En collaboration avec le géologue et l’archéologue, les prélèvements se font par carottage, en milieu humide, ou sur coupe, sur la paroi d’une tranchée archéologique. Le palynologue réalise un échantillonnage selon un « maillage » (épaisseur) variable et en tenant compte de la nature des sédiments.
Au laboratoire, les échantillons sont soumis à une série de traitements mécaniques et chimiques, afin de détruire les restes végétaux (racines, feuilles…) et les éléments minéraux (argile, sable…) et ainsi extraire les pollens et les spores fossilisés. Le culot (ce qui reste après traitement) est alors examiné au microscope.
Pollen vu au microscope
© DR
Les pollens présentent une très grande diversité morphologique. Leur détermination est fondée sur la taille et la forme des grains, sur l’ornementation (simple ou complexe) de leur enveloppe ainsi que sur la présence, le nombre et la disposition de pores ou de sillons à leur surface(les apertures).
Pour chaque échantillon, le palynologue identifie et dénombre au microscope un minimum de 300 à 500 pollens. Les données recueillies sont saisies dans un programme informatique pour tracer un diagramme pollinique de la zone étudiée. Ce diagramme met en évidence l’environnement végétal, les fluctuations climatiques et l’empreinte de l’homme sur l’environnement.
Sur le diagramme pollinique, l’observation des courbes du pourcentage relatif de chaque espèce végétale permet d’analyser l’évolution du paysage.
Sur le diagramme pollinique, l’observation des courbes du pourcentage relatif de chaque espèce végétale permet d’analyser l’évolution du paysage.
© Delphine Barbier-Pain, Mathilde Dupré, Inrap
Dès le Néolithique, la diminution des pourcentages de pollen d’arbres traduit les premières déforestations dues à l’homme. À la même période, les premières traces de pollen de céréales et la présence de plantes adventices (accompagnatrices des cultures) comme le bleuet ou le coquelicot, témoignent des prémices de l’agriculture.
L’habitat et l’élevage sont à l’origine du développement de plantes rudérales comme l’ortie ou le plantain lancéolé caractéristique des lieux piétinés ; elles sont favorisées par les déjections des troupeaux, les déchets et les décombres.
Une forte présence de pollens de plantes alimentaires, médicinales, textiles ou tinctoriales dans une couche archéologique donne de précieuses indications sur le mode de vie de la société étudiée. Elle permet dans certains cas de situer une activité particulière : battage des céréales, rouissage du chanvre ou du lin…
Les pollens retrouvés dans les sépultures sont également d’un grand intérêt : ils peuvent être la trace de parures funéraires, d’onguents à base de plantes médicinales, d’offrandes de nourritures végétales. Ils peuvent aussi indiquer la saison où la tombe a été close.
Les sciences de l'archéologie : Delphine Barbier-Pain, palynologue
Les pollens piégés dans la terre peuvent se conserver de très longue durée notamment dans les zones humides comme les tourbières. Leurs prélèvements et leurs analyses en laboratoire permettent au palynologue de déterminer les espèces végétales et leur proportion à certaines périodes données. Il peut ainsi reconstituer l’évolution du paysage sur des milliers d’années et appréhender l’environnement végétal des sites archéologiques tant naturel qu’anthropisé. Delphine Barbier-Pain nous raconte sa vocation de palynologue, sa démarche d’analyse et ses résultats scientifiques.
Inrap - Schuch Conseils et Productions - 2009
Les experts de l'archéologie : le palynologue
© Inrap - Arte - Petite ceinture - 2010