La xylologie

Du grec xylos (bois) et logos (discours), la xylologie étudie les propriétés physiques et chimiques du bois et identifie les essences utilisées pour chaque vestige. Pin, chêne, arbre fruitier ? Leur identification permet de reconstituer l’environnement ligneux (forêt, bois...) du site archéologique et son évolution suite aux modifications climatiques ou aux interventions de l’Homme.

Elle permet également de connaître les arbres dont disposaient les artisans et les choix qu’ils effectuaient pour la réalisation de leurs ouvrages, car la xylologie s’intéresse aussi aux techniques de fabrication des objets et des constructions en bois. Elle cherche à connaître les procédés de mise en œuvre en observant les traces d’outils et les modes de débitage connus.

Dégagement des vanneries de cuves de tannage XIVe-XVe siècle, Troyes (Aube). © Denis Gliksman, Inrap

Le bois archéologique

Le plus souvent, le bois pourrit et disparaît au cours du temps. Toutefois, en Europe occidentale, il peut se conserver lorsqu’il est à l’abri de l’air et de la lumière, dans des sites couverts en permanence par les eaux : tourbières, chenaux, lacs, puits, fossés…

Gorgée d’eau, la structure cellulaire du bois se modifie. Il perd ses propriétés mécaniques, en particulier sa rigidité naturelle, mais garde son aspect extérieur. On le trouve aussi en grand nombre sous forme de charbon de bois dans les foyers ou les vestiges d’incendie. Une atmosphère très sèche lui est également favorable, comme en témoignent les objets trouvés dans les sépultures égyptiennes. Le bois peut aussi se minéraliser au contact d’un métal (clou, pommeau d’épée…).

Traces de sciage sur une cale de bateau, XIXe siècle, Saint-Malo

Traces de sciage sur une cale de bateau, XIXe siècle, Saint-Malo (Ille-et-Vilaine)

L’identification du bois

Les arbres sont classés en deux grands groupes : les conifères ou gymnospermes et les feuillus ou angiospermes. Chacun présente une structure ligneuse caractéristique : au sein de chaque groupe, les diverses essences possèdent une organisation cellulaire propre qui permet leur reconnaissance.

L’identification s’effectue à l’aide de clés de détermination en examinant au microscope des échantillons prélevés selon trois plans précisément défi nis : transversal, tangentiel et radial. Les prélèvements sur bois gorgés d’eau se font précautionneusement à la lame de rasoir et sont placés entre lame et lamelle dans une goutte d’eau. Pour les autres bois, les observations sont effectuées sur des cassures fraîches.

Plan de coupe : transversal, tangentiel, radial

1-Plan transversal de l’aulne (x10), 2- Plan tangentiel de l’épicéa (x20), 3- Plan radial de l’aulne (x10).

La reconstitution du paysage

À partir des bois naturels retrouvés dans une couche archéologique, le xylologue dresse un diagramme des essences présentes sur le site. L’association des espèces est révélatrice d’un milieu. Le hêtre apprécie la forêt dense, le chêne pédonculé préfère la lisière. Frêne, noisetier et merisier évoquent un versant boisé, aulne et saule aiment les bords de rivière. Le calibre des bois coupés indique l’exploitation de taillis (rejets de souches) ou de futaies (grand arbres).

Le xylologue s’attache à reconstituer l’évolution du paysage : les changements climatiques se combinent avec l’intervention de l’Homme, une forêt tempérée évolue vers des essences résistantes au froid ou à la sécheresse, les bois font place aux champs cultivés ou regagnent du terrain…

Identification d’espèces et hypothèses de reconstitution du paysage

Identification d’espèces et hypothèses de reconstitution du paysage

L’artisanat et la vie quotidienne

Nombre d’objets en bois sont retrouvés entre autres dans des dépotoirs ou des puits comblés. Il peut s’agir d’ustensiles cassés ou jetés, mais aussi de déchets de fabrication tout aussi intéressants, attestant que le bois était travaillé sur place. Chaque objet peut porter les traces des outils employés (hache, herminette, scie, gouge, tour à bois…) ou celles d’usures révélatrices de la fonction de l’objet.

Les bois découverts sur un site permettent d’établir un inventaire des techniques et des styles pour un contexte, une période et un lieu donné (typologie). Comprendre leur fonction et leur usage renseigne sur la nature du site et la vie quotidienne de la société étudiée, notamment aux époques où une grande part des objets usuels est en bois, comme à l’époque gauloise.

Plat en érable, Xe-XIe siècle, Pineuilh (Gironde)

Plat en érable, Xe-XIe siècle, Pineuilh (Gironde).

Bois d’œuvre, industries et grands aménagements

Souvent, il ne subsiste des bois de construction que les trous des poteaux. Mais en milieu humide, le bois se conserve mieux. Le xylologue participe alors à l’identification et à la préservation de vestiges, son rôle est primordial pour la compréhension des activités menées sur un site. Ainsi, la fouille de l’ancien port à vin médiéval de Bordeaux a mis au jour un impressionnant pressoir en chêne.

Autres exemples : des quais en bois révélant l’ancien tracé d’une rivière, des cuvelages de puits, l’utilisation de caissons en bois remplis de pierres pour construire une digue, l’utilisation d’une serrure en bois de grande taille pour clore un espace…

Puits gaulois en planches de chêne, IIe-Ier siècle avant notre ère

Puits gaulois en planches de chêne, IIe-Ier siècle avant notre ère. Blagnac (Haute-Garonne).

Vidéos

Les sciences de l'archéologie : Anne Dietrich, xylologue

Le xylologue étudie chaque étape de l’histoire du bois : de la vie de l’arbre à la gestion de son abattage, de ses transformations successives (débitage et transport, artisanat du bois, techniques de construction…) au mode d’utilisation des objets, de l’analyse de leurs usures aux raisons de leur enfouissement ou de leur conservation. En s’associant avec d’autres spécialistes tels que le palynologue, le carpologue ou le dendrochronologue, le xylologue participe aux recherches paléoenvironne-mentales : études du milieu naturel et de son évolution mais aussi gestion forestière et exploitation des arbres. Anne Dietrich, xylologue, nous raconte sa vocation, sa démarche d’analyse et ses résultats scientifiques.

© Inrap - Schuch Conseils et Productions - 2010

Les experts de l'archéologie : le xylologue

© Inrap - Arte - Petite ceinture - 2010