La christianisation

La christianisation des Gaules fut beaucoup plus lente que ce l’on a longtemps affirmé. Si l’Église est bien organisée et hiérarchisée dès le IIIe siècle, l’empire romain ne devient officiellement chrétien qu’en 312 (conversion de l’empereur Constantin).

L’évêque acquiert le titre d’officier impérial à partir de 380 : il cumule les pouvoirs administratifs, financiers et politiques auparavant détenus par des magistrats laïcs. Il faut toutefois attendre le VIe siècle pour que les Gaules puissent être considérées comme majoritairement chrétiennes.

Saint Hilaire, qui fut probablement le premier évêque de Poitiers, occupa cette fonction de 349 à 367. La légende veut qu’il soit né à Limonum vers 310-315 dans une riche famille païenne. Très cultivé, il s’interroge sur le sens de la vie et découvre le christianisme. Il se fait baptiser vers 345, puis est nommé évêque quelques années plus tard. Il consacre alors sa vie à la christianisation du Poitou.

Basiliques, baptistères et abbayes

Basiliques, baptistères et abbayes

Le baptistère le plus ancien d’Europe occidentale conservé en élévation faillit disparaître lors du percement d’une nouvelle rue au début des années 1830. « L’affaire du Temple Saint-Jean » conduira à la création de la Société des Antiquaires de l’Ouest en 1833.

La christianisation des cités de l’empire romain se traduit par la présence d’une basilique (cathédrale paléochrétienne) et d’un baptistère, qui est un bâtiment à part.

À Poitiers, le monument le plus emblématique de cette période est le baptistère Saint-Jean. Érigé au début du Ve siècle, il prend la place d’une domus dont une salle avec piscine a sans doute été transformée en baptistère primitif dans le courant du IVe siècle. Des fouilles archéologiques ont révélé qu’à cette époque un grand bâtiment, qui pourrait être l’église primitive, se trouvait en avant de la domus.

Bien que Saint Martin soit le patron de Tours, le récit de sa vie détaille comment il aurait fondé un ermitage (monasterium) à Ligugé, près de Poitiers, et s’y serait retiré de 361 à 370. Rejoint par des disciples, il s’y consacre à l’évangélisation. Ceci fait de l’actuelle abbaye de Ligugé, une des plus anciennes de Gaule.

Dessin aquarellé du temple Saint-Jean de Poitiers, réalisé en 1840 par l’architecte des Monuments historiques Joly-Leterme, ami de Mérimée et de Viollet-le-Duc.

Des laïcs très discrets

Les traces archéologiques de la christianisation des populations sont beaucoup plus ténues, voire totalement absentes. La plupart des sépultures fouillées contiennent des dépôts analogues à ceux que l’on découvre dans les tombes de l’époque précédente.

L’église Saint-Hilaire aurait été bâtie – et plusieurs fois reconstruite – sur le lieu de sépulture de l’évêque canonisé. Les fouilles réalisées en 2007 et 2008 dans ses proches environs ont révélé la présence de sépultures en sarcophage, mises en place entre le Ve et le VIIe siècle. Rien ne permet de les définir clairement comme appartenant à des chrétiens. Un sarcophage présente toutefois un « christogramme » gravé sur son couvercle. Ce symbole en forme de croix dont une branche ressemble à un P, est l’abréviation du mot Christos, en utilisant les lettres grecques khi (X) et rhô (P).

À la fin du IVe siècle et durant le Ve siècle, un type de céramique bien particulier apparaît, caractérisé par ses décors d’inspiration chrétienne : palmettes (ou rameaux d’olivier, symbolisant la paix et le pardon), rouelles (représentant le cycle temporel, mais surtout la croix pour les premiers chrétiens), cerf (assimilé au Christ). Il est appelé « dérivée de sigillée paléochrétienne » (DSP). La découverte de tels vases reste cependant très rare à Poitiers.

Ainsi donc, si le christianisme est bien présent à Poitiers à partir de la fin du IVe siècle, il est quasiment impossible jusqu’à la période médiévale de définir, sur la base d’informations archéologiques, qui est chrétien et qui ne l’est pas. Paganisme et christianisme ont vraisemblablement coexisté pendant longtemps après l’arrivée de saint Hilaire…