Culture matérielle
Et la pierre devint outil
Tout récemment, les préhistoriens ont cherché à reproduire les outils tranchants en roche que les premiers homininés africains avaient façonnés il y a plus de 3 millions d’années. Ils ont pour cela utilisé les découvertes des fouilles réalisées dans le nord du Kenya, et notamment celles provenant de Lomekwi, le plus vieux site archéologique encore jamais découvert.
L'objectif principal a été d'étudier les capacités intellectuelles et l’habileté motrice de ces primates hominidés au moment de la fabrication de leurs premiers outils en roche volcanique. Comment, quand et pourquoi les ont-ils créés ? S’agissait-il de percuteurs et de blocs ayant servi préalablement au concassage de noix, ou bien les ont-ils développés indépendamment, afin d’utiliser leur qualité tranchante pour la découpe de carcasses animales ou de végétaux ?
L’étude des vestiges découverts sur le site de Lomekwi entre 2012 et 2017 a mené à distinguer deux méthodes de fabrication d’éclats et d’outils à partir de blocs de formes géométriques particulières. Pour être débités, les gros blocs cubiques étaient maintenus sur un très gros bloc posé au sol, faisant office d’enclume, puis heurtés avec un percuteur de pierre afin de détacher des éclats coupants. Les volumes plus fins étaient quant à eux exploités sur percuteur dormant : tenus à une extrémité, ils étaient directement frappés sur un bloc posé au sol. Dans ce cas, l’objectif était de fabriquer des outils au tranchant robuste et des éclats coupants.
Les chercheurs sont parvenus expérimentalement à obtenir des répliques de ces outils en roche volcanique très dure. Ce faisant, ils ont pu apprécier quels gestes, quelle force et quelle habileté – quelle indéniable intention – étaient nécessaires pour leur réalisation. Les fouilles qui se poursuivent actuellement au Kenya permettront de mieux cerner les interactions entre l’environnement, les capacités cognitives et les outils des homininés qui vivaient durant le Plio-pléistocène aux abords du lac Turkana.