Agriculture, élevage et vie quotidienne
La diversité des vestiges permet de reconstituer les activités quotidiennes des Gaulois ayant occupé le plateau de Saclay et, au-delà, leur organisation économique et sociale.
Les vestiges les plus caractéristiques de la sphère domestique sont relatifs aux activités de mouture (meules rotatives ou va-et-vient), de filage et tissage de la laine (pesons, forces, fusaïoles), aux activités culinaires (céramiques), ainsi qu’aux activités secondaires liées à l’aiguisage/polissage des outils. Les témoins propres aux activités agro-pastorales (ossements d’animaux, graines…), plus nombreux, ont permis d’identifier différentes espèces (bœuf, moutons, porcs, cheval, cerf, chien…), ou céréales (blé, orge, avoine…), et de définir une partie du mode alimentaire des occupants. Dans une problématique plus large, ces activités et leurs modalités ont également permis d’entrevoir des notions d’économie végétale et de gestion du cheptel.
Plus ponctuellement, d’autres vestiges, relatifs à la parure et à l’apparat, à la sphère cultuelle et aux importations, nous renseignent également sur le rang social des occupants. Près d’une dizaine de monnaies (potins, bronzes frappés), quelques fibules, perles, bagues, manche de miroir… permettent d’attester la présence d’une élite sur les sites du plateau de Saclay. D’autres vestiges liés au transport (renforts d’essieu, goupilles d’axe ou bandages de roues et, surtout, un anneau passe-guides décoré pour le maintien des rênes) apportent la preuve de l’existence de véhicules d’apparat et, donc, d’une population d’un niveau social conséquent. La présence d’équidés de grande taille sur certains sites dès le second âge du Fer vient d’ailleurs corroborer, sans l’ombre d’un doute, cet aspect.
Vestiges céramiques

De nombreux vestiges en céramique ont pu être mis au jour sur les différents sites gaulois du plateau de Saclay. La plupart sont à l’état fragmentaire, mais nombre d’entre eux permettent une reconstitution, voire un remontage intégral. Des vases de stockage (jarre, dolia), des vases liés à la préparation des aliments (pots, jattes…), ainsi que certains liés à la consommation (écuelle…), ont pu être identifiés. De plus, on note une certaine proportion de céramique fine, de céramique tournée et, parfois, décorée.
Des outils de tonte, de filage et de tissage
Les vestiges des activités liées à la tonte, au filage et au tissage de la laine ne représentent souvent qu’une très faible proportion des vestiges mobiliers. La représentativité faible est principalement due à la mauvaise conservation et à la fragilité de ce type de vestiges en terrain humide. La production de textile est attestée par la présence récurrente de paires de forces, de fusaïoles et de pesons. La fusaïole est de loin, sur les sites d’habitat, le témoin le plus fréquent de l’activité de filage. Utilisé pour filer la laine par un mouvement rotatif, ce petit volant d’inertie est façonné sous différentes formes. Les pesons, plus rares, utilisés pour mettre en tension les fils, sont les témoins de l’utilisation de métiers à tisser.

Les forces, quant à elles, sont des outils métalliques semblables à des ciseaux, comprenant deux lames réunies par un ressort. Généralement rapporté à la tonte des caprinés, cet outil peut, suivant sa taille et la longueur des lames, être associé à la toilette (soin du corps), et à la coupe des cheveux ou de la barbe. Un usage pour la cueillette de végétaux fragiles ou de fruits est également possible.
L’élevage
Grâce à l’étude des vestiges osseux, plusieurs espèces ont pu être distinguées. Ces vestiges nous révèlent la présence de bœufs, de moutons, de porcs et de chevaux. L’analyse des restes nous renseigne donc sur la composition de l’alimentation carnée et sur les diverses activités d’élevage. Des analyses plus approfondies permettent de déterminer les modes d’abattage et d’utilisation des matières premières. Outre le lait et la laine utilisés du vivant des animaux, le cuir, les tendons, les os et la graisse constituent autant d’éléments essentiels à la confection d’habits, de sangles, d’outils et à la conservation et à la consommation des aliments.
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Dépôt de boucherie (bovins) sur le site des Trois Mares à Palaiseau.
© Cyril Giorgi, Inrap -
Fouille d’un dépôt de boucherie sur les site des Trois Mares à Palaiseau.
© Cyril Giorgi, Inrap -
L'étude des restes animaux a permis de distinguer plusieurs espèces : boeufs, moutons, porcs, chevaux. Leur analyse documente la composition de l'alimentation carnée et les activités d'élevage. Les indices et traces identifiés lors d'analyses approfondies renseignent sur les modes d'abattage et l'utilisation des matières premières. Outre le lait et la laine, utilisés du vivant des animaux, le cuir, les tendons, les os, la graisse sont autant d'éléments essentiels à la confection d'habits, de sangles, d'outils, et à la conservation et la consommation des aliments.
© Cyril Giorgi, Inrap
Le matériel de mouture
Sur la quasi-totalité des sites gaulois fouillés sur le plateau de Saclay, de nombreuses meules ont pu être mises au jour. De forme et de matériau différents, elles sont de type rotatif, bien que certains fragments, probablement réutilisés, semblent suggérer un type va-et-vient. La présence de meules atteste une culture céréalière plus ou moins importante.
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Une meule d’époque gauloise est extraite par les archéologues sur le site des Trois Mares, à Palaiseau.
© Cyril Giorgi, Inrap -
Partie basse d’une meule rotative, découverte sur le site de l’ENSTA, à Palaiseau.
© Cyril Giorgi, Inrap -
Le moulin rotatif gaulois était utilisé pour fabriquer de l’huile, de la farine, et broyer des céréales, fruits et autres graines. Il est constitué d’un bras permettant d’activer le catillus ou meule tournante (partie haute), sur la meta ou meule dormante (partie basse).
© Cyril Giorgi, Inrap
La métallurgie
Les témoins d’activités artisanales proprement dites et la présence d’artisans spécialisés sur les sites gaulois sont assez rares. Ceux qui ont pu être conservés sont souvent liés à la métallurgie du fer.
Malgré la faible proportion de ces vestiges à l’échelle du plateau, et alors que des études en laboratoire sont en cours, il est d’ores et déjà possible d’attester la présence d’un ou plusieurs ateliers métallurgiques sur le plateau de Saclay à l’époque gauloise.
En effet, les vestiges identifiés relèvent de la maîtrise de l’élaboration d’objets en fer (scories, battitures, semi-produits, objets en fer…). La nature des opérations de forge mises en évidence sur les sites désigne assurément la présence de forgerons maîtrisant un ensemble de techniques complexes et œuvrant de manière permanente dans leurs ateliers.
Le site des Trois Mares, par exemple, où nombre d’objets en fer ont été retrouvés ainsi qu’une grande quantité de déchets liés à l’élaboration du métal, apparaît comme moteur et en grande partie fournisseur de matière première et d’objets pour les sites alentours, ce qui suggère que son rôle économique n’était pas uniquement basé sur la production agropastorale.
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Foyers de forge de l’atelier métallurgique du site des Trois Mares à Palaiseau.
© Cyril Giorgi -
Les lingots de fer ou « currency bar » sont des barres de fer souvent, longues et étroite de section plate ou carrées. A leur extrémité on note souvent une longue « douille » roulée avec une extrémité pincée ou recourbée. Cette caractéristique permet de montrer que le fer était de haute qualité et pouvait être forgé en formes complexes. Au-delà du travail du fer, d’autres fonctions comme les échanges, le commerce, fins rituelles (comme ici en dépôt), sont souvent mis en avant.
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Les indices liés à la métallurgie sont plus ou moins nombreux selon les sites du plateau de Saclay. Moules, fibules, clous, outils, et autres fragments indéterminés sont souvent trouvés sous forme de rejets, au sein des fossés d’enclos, mais ce sont les déchets liés à l’élaboration du métal, qui donnent le plus d'information. Parois de foyer, scories et battitures sont régulièrement identifiées et sont majoritairement associées au travail de la forge. Parfois identifiés en très grandes proportion, ces vestiges permettent d’attester la présence d’un ou plusieurs ateliers métallurgiques.
© Cyril Giorgi