Où sont
les morts ?

Durant la campagne 2008, des vestiges humains ont été découverts avec des éléments provenant de l’épave de l’Utile dans les déblais de construction de la station météorologique. Ces restes correspondent à deux individus. Qu’en est-il des autres ?

Des vestiges déplacés

Les ossements humains, mélangés à des objets provenant de l’Utile (garde d’épée, récipient en cuivre), étaient sans relation les uns avec les autres au moment de leur découverte, suggérant qu’ils avaient été déplacés après décomposition totale des corps. À la fin des années 1950, les travaux de la station météorologique française ont manifestement perturbé la couche archéologique correspondant à la présence des Malgaches, dans laquelle les ossements se trouvaient.

Deux individus

Les restes correspondent à deux individus. Le premier présente des os très bien conservés mais fragmentés. Il s’agit d’un jeune adulte de 20-24 ans, gracile (peut-être une femme). Des traces d’hypoplasie dentaire, signe de stress ou de carences endurés durant l’enfance, ont été relevées. Le second est un adolescent de 15-19 ans, robuste (peut-être un homme). Ses gencives subissaient une atteinte inflammatoire au moment de la mort.

Des esclaves naufragés ?

Des esclaves naufragés ?

Squelette du second individu.

Ils n’ont pas subi de violences physiques et n’ont pas été l’objet de pratiques anthropophagiques : aucun fragment humain, à l’inverse des ossements de faune consommée, ne montre de traces de découpe ni de cuisson. Toutes les fractures observées se sont produites longtemps après leur décès, au moment des travaux de la station.
La minéralisation post mortem des os plaide pour un décès relativement ancien, sans qu’il soit possible d’en estimer la date. Des analyses biochimiques d’isotopes, tels que le plomb, le strontium et le baryum, indiquent qu’ils n’étaient pas originaires de la même région et qu’ils sont décédés moins d’un an après avoir quitté leur terre. En revanche, ces analyses ne permettent pas de déterminer avec certitude une attribution ethnique. Compte tenu des études, il s’agirait des corps de deux esclaves malgaches morts peu de temps après le naufrage.

Des pratiques funéraires difficiles à établir

Le fait que les ossements aient été déplacés lors de la construction de la station nous prive d’informations sur les pratiques funéraires des naufragés. Il est seulement possible de noter que les restes d’au moins deux d’entre eux ont été conservés au sein même de l’habitat.
Il est probable que, durant la présence des Français, tous les défunts, marins comme esclaves, ont été enterrés sur la plage ou sur l’arrière-plage selon les pratiques chrétiennes. Les campagnes archéologiques n’ont néanmoins pas permis de détecter des sépultures à ces endroits.
Pour les individus décédés après le départ des Français, toutes les hypothèses restent ouvertes. Peut-être ont-ils été enterrés dans des tombeaux tels qu’il en existe à Madagascar et qu’il reste à découvrir. Peut-être, encore, ont-ils été inhumés sur la pointe sableuse nord de l’île, pour que les os soient « repris » par la mer, selon une autre pratique funéraire malgache.