Le tour du propriétaire

Les fouilles conduites à Palaiseau et à Gif-sur-Yvette sur trois villae gallo-romaines permettent de reconstituer l’organisation caractéristique de ce type d’habitat.

La villa des Trois Mares à Palaiseau

Fondations en pierre d’un bâtiment appartenant à la villa gallo-romaine des Trois Mares, à Palaiseau © Denis Gliksman, Inrap

Le site des Trois Mares, à Palaiseau, a livré les vestiges de la pars rustica d’une villa gallo-romaine, soit l’espace dédié aux bâtiments fonctionnels de l’exploitation rurale, comme les granges et les étables. Ils se répartissent autour d’une cour occupée par plusieurs puits.

Sur la quasi-totalité des parcelles étudiées, entre le Ier et le IIIe siècle de notre ère, de nouveaux réseaux fossoyés sont mis en place, tandis que ceux issus des phases précédentes sont progressivement remblayés. Une architecture maçonnée émerge, en lieu et place des principaux bâtiments sur charpente de bois, bien qu’on puisse suggérer que certains perdurent. 

Ces vestiges permettent d’entrevoir un établissement rural important, mais dont les limites et les spécificités fonctionnelles laissent encore de nombreux doutes, au regard de la mauvaise conservation du terrain et en raison de nombreuses incertitudes quant à la trame chronologique. De plus, la sphère résidentielle n’a pu être identifiée : il est fort probable que la pars urbana abritant la demeure du propriétaire se trouve plus au nord, en dehors de l’emprise des fouilles.

La villa de La Troche à Palaiseau

Vue aérienne d'une partie de la villa gallo-romaine de la Troche, à Palaiseau. © Laurent Delage, Balloide photo, Inrap

Édifiée vers le milieu du Ier siècle de notre ère, la villa du site de La Troche se substitue, elle aussi, à une ferme gauloise occupée depuis le Ier siècle avant notre ère. La villa gallo-romaine s’inscrit dans les limites de l’ancien enclos gaulois. Elle se perçoit d’ailleurs dans le parcellaire à travers la pérennité de cet enclos. Dans son deuxième état, la superficie de l’enclos est estimée à 3,2 ha et sa planimétrie elle-même demeure un héritage gaulois. L’établissement de La Troche constitue en cela un bon exemple, parmi de nombreux autres, d’une ferme gauloise romanisée qui conserve dans son plan et son organisation encore une bonne part de tradition locale enrichie des apports culturels et architecturaux romains.

Le site est occupé jusque dans l’Antiquité tardive, mais, dès la deuxième moitié du IIIe siècle, l’occupation montre un net fléchissement, comme le suggère la faiblesse du mobilier céramique. Quelques vestiges fossoyés et quelques monnaies témoignent d’une occupation aux IVe-Ve siècles, avec un possible hiatus dans la première moitié du IVe siècle. 

L’enclos fossoyé périphérique du site circonscrit deux grandes aires. À l’ouest, se trouve le logis principal (pars urbana), c’est-à-dire la partie proprement résidentielle en face de laquelle la grande cour s’ouvre en perspective avec, au centre, un bâtiment, de type tour ou tour porche, voisin d’une mare et, de part et d’autre de cet édifice, les bâtiments techniques agricoles. À l’est se déploie un espace d’environ 1,3 ha, avec un balnéaire et un petit bâtiment sur poteaux au sud, le reste de la cour étant, dans l’état actuel de nos connaissances, vide de construction. Il est envisageable qu’une haie d’arbres ou d’arbustes ait subdivisé la grande cour en deux. La potentielle mise en place d’une haie liée à un parcellaire bocager est suggérée par l’analyse anthracologique (des charbons de bois). L’espace ouvert situé à l’arrière du bâtiment résidentiel principal a peut-être accueilli un verger ou un jardin d’agrément et/ou potager. On peut estimer à un peu plus de 3,2 ha l’assiette de l’enclos principal pour une longueur de 270 m, une grande largeur de 140 m et une petite de 90 m. Si l’on compare avec les établissements de la plaine de France, la villa de La Troche correspond à un domaine de grande à moyenne importance.

La villa du Moulon

Toujours visible, la villa du Moulon à Gif-sur-Yvette © Cyril Giorgi, Inrap

Le site de la villa gallo-romaine de Moulon, au lieu-dit La Mare Champtier, situé sur les communes de Gif-sur-Yvette et d'Orsay, a été fouillé entre 1994 et 1998 par l’équipe de l’AAC-CEA. Ces fouilles ont permis de mettre au jour les vestiges d’un bâtiment gallo-romain de près de 300 m², édifié au début du IIe siècle de notre ère, puis abandonné à la fin du IIIe siècle.

L’architecture du bâtiment en pierre, typique de cette époque, correspond à la partie résidentielle de l’occupation gallo-romaine. Celle-ci comportait des pièces chauffées par le sol (dispositif de chauffage par hypocauste). Deux caves implantées aux extrémités nord et sud se trouvaient chacune dans un pavillon d’angle, relié à une galerie en façade exposée à l’est. Dans la cave nord, un puits entouré de trous de piquets indique la présence d’un plancher en bois probablement pourvu d’une trappe permettant de puiser l'eau. Avec sa partie agricole, la villa de Moulon correspond à un domaine de moyenne importance.

En dur

Fondations d'un bâtiment agricole de la villa des Trois Mares à Palaiseau. © Cyril Giorgi, Inrap

La romanisation de l’habitat en Gaule s’exprime à travers l’adoption de nouvelles techniques de construction, avec, notamment, l'introduction de l'emploi de la pierre et du mortier ainsi que de la couverture en tuiles (à la terre et au bois indigènes, succèdent la pierre et le mortier). Les dépendances de la villa des Trois Mares sont ainsi construites en blocs de meulière équarris liés à la terre et parementés sur deux faces. Sur le site de La Troche, les bâtiments sont également au moins en partie édifiés en dur, comme l’attestent les fondations en pierres ainsi que les fragments de tuiles mis au jour. Les élévations de mur n'ayant pas été conservées, il est plus difficile de déterminer la nature des matériaux employés, mais on peut tout à fait envisager que les murs aient été édifiés en terre et en bois (technique par ailleurs présente dans le monde gréco-romain et au second âge du Fer (La Tène).

Un confort nouveau

L'édifice thermal de la villa gallo-romaine de La Troche, à Palaiseau. © Cyril Giorgi, Inrap

Le site de La Troche a livré les vestiges d’un espace thermal témoignant du degré d’aisance du propriétaire de la villa et de sa recherche de confort. Seules les fondations des murs ont été conservées, ainsi que les chambres des hypocaustes (chauffage par le sol), qui étaient excavées. Un feu était préparé dans un praefurnium et la chaleur se diffusait sous le sol suspendu des pièces, jusqu’au caldarium (pièce chaude) et au tepidarium (pièce tiède). Elle remontait ensuite dans les murs à travers des conduits en céramique.