Les faubourgs de Limonum

Dans l’Antiquité, les villes de Gaule possédaient fréquemment des quartiers périphériques appelés suburbium (« suburbain »), c’est-à-dire des faubourgs. Depuis la fin du XIXe siècle, les archéologues soupçonnaient la présence d’un tel quartier pour l’antique Limonum.

Sous le jardin des Dominicains

Ce dessin au lavis d’Alphonse Le Touzé de Longuemar, un des fondateurs et président de la Société des Antiquaires de l’Ouest, représente les vestiges des thermes antiques dont il dirigea les fouilles entre 1873 et 1874. © Archives de la Société des Antiquaires de l’Ouest.

Comme souvent, la première découverte fut fortuite. Dans les années 1870, des Dominicains étaient installés dans ce que l’on appelle le faubourg Saint-Cyprien (site 27) (du nom d’une ancienne abbaye) ou bien encore Pasteur (du nom d’un hôpital construit à l’emplacement de l’ancienne abbaye). Ayant entrepris de grands travaux de terrassement dans le but d’aménager le parc de leur monastère, ces Dominicains mirent au jour des vestiges appartenant à un important édifice thermal.

De ce monument ne restent de nos jours qu’un plan et des relevés d’élévation réalisés à l’époque. On y voit une grande salle chauffée avec un bassin installé dans une abside (caldarium), une salle qui était probablement à une salle tiède (tepidarium) et une grande salle circulaire (presque 10 m de diamètre), également chauffée par le sol et pouvant correspondre à une étuve (laconicum). Une grande cour de service conduit aux différents foyers contribuant à chauffer le bâtiment. L’ensemble est bordé par un tronçon de rue revêtu de dalles monumentales, comme il en existe sur certaines routes principales de l’Empire.

Une vaste demeure et un quartier artisanal…

Dans le même secteur de la rive droite du Clain, à un endroit où les falaises s’écartent un peu de la rivière, de nombreux murs romains sont découverts en 2004 et 2006 à l’occasion de diagnostics archéologiques. Certains étaient de toute évidence liés à des aménagements en terrasse. En 2009, une fouille dévoile la présence d’un habitat interprété soit comme une vaste demeure périurbaine soit comme un relais routier. La zone est en effet située entre deux routes importantes : celle qui rejoint Limoges (Augustoritum), via Argenton-sur-Creuse (Argentomagus), et celle conduisant à Bourges (Avaricum).

Puis en 2013, c’est une portion de quartier artisanal qui est dégagée sur 5 000 m2. L’activité y apparaît centrée sur le séchage des céréales, éventuellement de bulbes (oignons, ails), ainsi que sur le fumage de la viande. Un aménagement en terrasse a précédé cette installation au début du IIe siècle. Il ne reste pratiquement rien de la première phase d’activité, à part de grandes fosses creusées dans l’argile, et d’autres plus petites, a priori cuvelées. Ces dernières ressemblent à des celliers en bois mais pourraient également être, dès cette époque, des constructions liées au fumage.

… spécialisé dans le fumage de la viande

Ce fumoir est l’un des plus sophistiqués du site de Saint-Cyprien (site 27). Il a, dans un premier état, l’aspect d’une cave avec son escalier d’accès, comme on le voit sur cette photographie. Des traces de braséro sur son sol témoignent cependant de l’utilisation de cet espace pour le fumage. Dans un second état, la descente de cave est en partie remblayée et transformée en foyer (praefurnium), alors que le mur opposé est percé d’une grande baie. © Frédéric Gerber, Inrap.

Le quartier artisanal est délimité au sud par une rue large de 4,50 m, bordée de trottoirs de  2,40 et 2,80 m. Une ruelle y donne accès à une cour centrale, autour de laquelle se disposent des cellules artisanales formées de parties bâties et d’arrière-cours closes. Dans plusieurs de celles-ci, des constructions semi-enterrées (7 au total, plus 2 caves) sont aménagées ; des traces de braséro sont visibles sur leur sol et de la suie sur leurs murs.

Deux salles sont équipées d’un système de chauffage caractéristique des séchoirs-fumoirs connus sur le limes (la frontière avec la Germanie, qui ne faisait pas partie de l’empire romain).

L’ensemble est abandonné à la fin du IIIe siècle ou dans les premières décennies du IVe siècle. C’est l’unique exemple de quartier spécialisé dans le fumage connu en Gaule. Il rend probable la proximité d’abattoirs, de tanneries et d’ateliers de tabletterie.

En 2014 enfin, un diagnostic réalisé à l’extrémité sud de ce secteur révèle la présence d’une voie antique marquant la limite du suburbium. Des couches de démolition de bâtiments antiques sont identifiées au nord de cette route, tandis qu’au sud, on ne retrouve pour la même époque que des zones agricoles.