Le repli

Un peu partout en Gaule, dans la seconde moitié du IIIe siècle et le début du IVe siècle, on constate l’abandon puis la destruction des principaux monuments, qu’ils soient urbains ou extérieurs, et le repli de la ville à l’intérieur de son enceinte.

Historiens et archéologues ont longtemps cru qu’il fallait attribuer les destructions massives de temples, d’édifices publics et de grands sanctuaires à l’urgence dans laquelle ont été construites les enceintes urbaines tandis que des hordes barbares mettaient le pays à feu et à sang. D’autres les rattachaient à l’arrivée du christianisme, les destructeurs étant alors les chrétiens.

Mais les fouilles archéologiques ont apporté la preuve que cette transformation s’est opérée de façon beaucoup plus lente et complexe qu’on avait pu le penser. Les « invasions » germaniques et les troubles du IIIe siècle n’expliquent pas la désaffection des sanctuaires. La crise financière que connaît l’empire romain et les changements intervenus dans la société pourraient être à l’origine de l’abandon de beaucoup d’édifices publics et même religieux.

Les enceintes urbaines présentent parfois des dimensions colossales. Leur construction n’a pas été réalisée dans la précipitation, bien au contraire. Érigées sur autorisation impériale, elles sont de véritables monuments devant symboliser la puissance de la cité et celle de l’Empire. Les divers édifices, portiques, statues, colonnes, forum et la plupart des bâtiments civils ou publics situés à l’extérieur ou sur le tracé des remparts ont été soigneusement démontés, et tous les matériaux réutilisables récupérés.

Cette image en 3D de la construction de l’enceinte de Limonum est extraite d’une vue à 360°. Elle synthétise plusieurs phases du chantier de construction, de la récupération des matériaux sur les bâtiments du centre monumental à l’aspect final de l’enceinte, en passant par les différentes étapes suivies par les bâtisseurs (tris des matériaux, creusement de la tranchée de fondation, mise en place de blocs monumentaux, fabrication de la chaux, construction de l’élévation, etc.). Image extraite de l’application 3D Poitiers évolution.

© Laurence Stefanon, Art Graphique & Patrimoine.

Limonum n’échappe pas à la règle

À Poitiers, les sanctuaires extérieurs, comme ceux de la ZAC Saint-Éloi (site hors carte) et de La Roche (site 1), sont désaffectés, sans toutefois que l’on sache précisément à quelle date. Le sanctuaire de la rue de la Marne (site 8), en centre ville, cesse quant à lui d’être entretenu à l’extrême fin du IIIe siècle ou au tout début du IVe siècle. Les découvertes anciennes réalisées à l’emplacement supposé du centre monumental montrent, là encore, une déconstruction des bâtiments à la transition des IIIe-IVe siècles. 

Durant la même période, le suburbium (les faubourgs) est déserté et même totalement rasé. Les murs et les sols de béton y sont récupérés, comme si l’on avait voulu marquer de manière symbolique l’abandon définitif de ce secteur de la ville. La présence de nombreux vases volontairement percés pourrait d’ailleurs renvoyer à des rites d’abandon.

Seul l’amphithéâtre, bien que situé en dehors de la nouvelle enceinte urbaine, pourrait être resté en élévation durant plusieurs siècles. 

Le repli de la cité à l’intérieur de son enceinte n’implique pas cependant une brusque réduction du nombre d’habitants. On se rend compte en effet que l’organisation urbaine a avant tout privilégié les quartiers d’habitation.