Mayotte à travers l'archéologie

Mayotte, 101e département français, se situe au milieu du canal du Mozambique, entre la côte africaine swahilie et Madagascar. L’île bénéficie de recherches archéologiques depuis 1975.

Une occupation dès le Moyen Âge

Le peuplement de l'île de Mayotte, dans l'archipel des Comores, remonte à l'époque médiévale, avec les premières occupations au VIIIe siècle. Sa situation géographique a favorisé les rencontres entre les peuples et les échanges de biens et d'idées. Les recherches archéologiques s'y développent dès 1975 et se poursuivent aujourd'hui, particulièrement à travers l’exploration de deux sites majeurs.

Un ancien comptoir et une nécropole musulmane

Entre le IXe et le XIIe siècles, Mayotte était déjà connectée au grand commerce de l'océan Indien, important des vaisselles de céramique et de pierre, que l'on retrouve dans une grande butte dépotoir. Ce comptoir réexportait dans le monde arabe le cristal de roche de Madagascar, retaillé à Dembeni.
Site de Dembeni Ironi Be, comptoir médiéval du cristal de roche, Mayotte, 2013. Opération Stéphane Pradine, Université Aga Khan.
© Halima Ali Toybou

Le premier de ces deux sites est celui de Dembeni Ironi Be ; il correspond à un ancien comptoir commercial, occupé du IXe au XIIe siècle. On y retrouve des pièces importées de tout l'océan Indien : poteries et verroteries arabes et persanes, importations chinoises, vaisselle de pierre malgache. Les archéologues ont longtemps cherché l'origine de la prospérité des habitants de Dembeni et un chercheur a récemment formulé une nouvelle hypothèse : le cristal de roche, importé de Madagascar et retaillé à Mayotte, était exporté par les marchands islamisés jusque dans les califats fatimide du Caire et abbasside de Bagdad. Il était retaillé par des artisans en objets d'art. Certains arrivèrent même dans l'Occident médiéval où ils ont été adaptés aux canons esthétiques de la chrétienté.
Le second site, celui de Bagamoyo est localisé dans la mangrove ; cette importante nécropole utilisée à partir du IXe siècle, regroupe des sépultures de tradition musulmane, délimitées par une bordure de pierre.

Entre l’Afrique et l’Asie

Des milliers de perles ont été découvertes au sein de cette nécropole médiévale, perles en verre d'Asie, en coquillage d'Afrique, elles illustrent encore les échanges lointains, mais aussi l'univers symbolique des défunts, et peut-être un syncrétisme culturel, s'il s'agit de sépultures musulmanes.
Site d’Acoua Antsiraka Boira – Nécropoles aux perles, Mayotte, 2013. Opération Martial Pauly, SHAM.
© Martial Pauly

Pour la période dite chefferies, entre le XIe et le XIIe siècle, la nécropole d'Acoua Antsiraka Boira a révélé des sépultures contenant des céramiques entières, un coquillage percé, des fusaïoles, et, surtout, des milliers de perles, vestiges de parures. Elles documentent l'univers symbolique et esthétique, caractérisé par le mélange des cultures, et le réseau d'échanges qui baignaient alors Mayotte : les perles en coquillages proviennent d'Afrique, celles en verre, d'Inde et d'Asie Pacifique.

Une escale sur la route des Indes

Au XVIIe siècle, les navires Européens faisaient régulièrement escale dans l'archipel des Comores où ils se ravitaillaient notamment en produits frais. Ils utilisaient le troc, mais payaient aussi en monnaies, telle des piastres espagnoles, monnaie fabriquée avec l'argent du Nouveau Monde.
Site de Soulou Mtsanga Guini – Escale sur la route des Indes, Mayotte, 1996. Opération Henri Daniel Liszkowski.
© Marine Ferrandis

La période moderne est marquée par l'arrivée des Européens dans l'océan Indien, introduisant une rupture néanmoins moins radicale qu'au Nouveau Monde. Mayotte devient alors une escale sur la route des Indes, comme en témoigne le site de Soulou Mtsanga Guini riche en céramiques européennes, chinoises et arabes, en objets rares comme des bâtons à fard, et en monnaies d’origines variées.

Achetée par la France

Carrefour de Chiconi

Réalisée en 2014 dans cadre d'un projet de construction d'une station d'épuration du SIEAM, il s'agit de la première fouille archéologique préventive à Mayotte. Cette opération a mis au jour les ruines d'une petite usine sucrière du XIXe siècle présentant notamment des pièces de machines.
Ruines d'une ancienne sucrerie, Carrefour de Chiconi, Mayotte 2015. Opération Xavier Peixoto, Inrap.

© Edouard Jacquot

Le dernier sultan cède Mayotte à la France en 1841. La capitale est maintenue sur le rocher de Dzaoudzi, où l'on retrouve des vestiges de la période coloniale, des bâtiments et des dépotoirs de mobilier importé. Des traces ont aussi été laissées par la Royal Air Force qui installe une base en 1942. Au XIXe siècle, l’implantation de l’industrie sucrière sur l’île se solde par un échec, comme l’a démontré l’étude du petit établissement du Domaine de Coconi. Ce site a été l’objet de la première fouille archéologique préventive réalisée par l'Inrap à Mayotte.