Une série d'édifices publics des Ier au IIIe siècle ainsi qu'un vaste cimetière de la fin du IIIe et du IVe siècle viennent d'être dégagé sur une très grande surface à l'emplacement d'un futur parking souterrain.

Dernière modification
13 juillet 2016

Depuis plusieurs année, d'importants vestiges de l'époque romain avaient été confirmés par les investigations archéologiques qui ont précédé l'aménagement du nouveau quartier de la ZAC « Garre-La Vallée ».
Ces vestiges correspondent à la ville antique de Samarobriva ("pont sur la Somme" en Gaulois) qui s'étendait, il y a près de deux mille ans, à l'emplacement du centre-ville actuel, et au delà des boulevards intérieurs jusqu'aux anciens entrepôts de la SERNAM. Ce quartier était délimité comme le reste de la ville par de larges rues orthogonales espacées de 120 à 160 m. On devine le tracé de l'une d'elles sous la rue actuelle de La Vallée. C'est probablement sa localisation en limite de la ville romaine, à proximité d'importantes voies de communication, la Somme au nord, et la voie de Saint-Quentin et de Soissons sous l'actuelle rue Jules Barni, qui explique la présence des monuments qui viennent d'être découverts. 

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Des entrepôts du Ier siècle de notre ère

Après une première phase d'occupation indéterminée au cours de la première moitié du Ier siècle de notre ère (traces de parcellaire), de vastes entrepôts publics sont construits vers 70.
Ces entrepôts s'organisent selon un schéma très régulier. Orientés nord-sud, ils sont longs d'environ 35 m et larges de 10 m. Ils se divisent régulièrement, le plus souvent, en quatorze pièces qui s'ouvrent sur des ruelles parallèles desservant les bâtiments, dont elles sont séparées par des trottoirs couverts d'un portique.

La mise au jour de ce vaste ensemble constitue une découverte importante pour la compréhension de l'organisation générale de la ville (huit entrepôts ont été reconnus, dont la surface de stockage est de 3000 m2, mais d'autres sont possibles,). Elle nous permet également de mieux appréhender le rôle économique que Samarobriva a joué au sein de la province de Gaule Belgique.

Le théâtre

Un incendie détruit les entrepôts vers 120 après J.-C. ; le terrain ainsi libéré voit la construction d'un vaste édifice public en hémicycle.

Celui-ci n'a été que partiellement dégagé mais un certain nombre d'éléments permettent d'avancer l'hypothèse d'un théâtre. L'arc de cercle formé par les gradins se développerait sur environ 120 à 140 mètres de diamètre jusqu'aux anciens entrepôts de la SERNAM, de l'autre côté de la rue Legrand d'Aussy, et à l'emplacement des voies ferrées. Le monument s'adossait à une légère pente naturelle et ouvrait au nord vers la Somme.

Le théâtre était desservi par une rue qui bordait le mur de façade, du coté de la rue de La Vallée, et, semble-t-il, par une vaste esplanade dont certains éléments apparaissent à l'ouest du monument. Compte tenu de la surface estimée de l'édifice dont une petite partie seulement a été fouillée, on peut estimer sa capacité à plus de 5000 spectateurs.

La mise au jour de ce monument public constitue également une découverte majeure qui contribue à compléter notre vision de la parure monumentale de la ville antique, preuve supplémentaire de son importance. Samarobriva n'avait véritablement rien à envier à ce sujet aux villes de Gaule méridionale, d'Afrique du Nord et d'Italie.

La nécropole du Bas-Empire

Le IIIe siècle correspond à une grave crise urbaine à laquelle Samarobriva n'a pas échappée. Les quartiers orientaux de la ville sont abandonnés et le secteur de La Vallée sert alors de décharge publique, puis de cimetière entre la fin du IIIe et le IVe siècle.
Un peu plus de deux cents tombes ont été mises au jour. Il s'agit de sépultures à inhumations, essentiellement en cercueil. Si la plupart d'entre elles n'ont pas livré de mobilier funéraire, une petite partie renfermait des vases, verreries, monnaies ainsi que de nombreux bijoux en bronze, en argent et en or. L'absence de matériel peut marquer le niveau social inférieur du défunt, mais une modification des modes d'inhumation n'est pas à exclure à cette période qui voit l'apparition du christianisme à Amiens.
Grâce à d'excellentes conditions de conservation, l'étude des ossements, croisée avec celle du mobilier, devrait permettre d'obtenir une image détaillée d'une partie de la population amiénoise de la fin de l'Antiquité, de sa composition sociale, ethnique (présence éventuelle de barbares) et de son état sanitaire (alimentation, maladies...)

Les fouilles sont terminées depuis mi mars. Depuis, l'étude de l'importante documentation amassée et des objets mis au jour est en cours et devrait durer plusieurs mois. La poursuite des travaux d'aménagement de la ZAC devrait permettre dans un avenir proche de compléter et de préciser notre connaissance sur ces monuments antiques.
L'état de conservation exceptionnel des vestiges a conduit la communauté d'agglomération Amiens-Métropole à engager une réflexion sur les hypothèses de conservation envisageables. À ce jour, le projet est à l'étude et devrait bientôt aboutir à une mise en valeur pérenne de ce patrimoine aussi remarquable qu'inattendu pour la ville d'Amiens.
Aménagement : Amiens Aménagement
Maîtrise d'ouvrage : SODEARIF
Suivi scientifique et technique : Service régional de l'archéologie / Drac de Picardie
Responsable scientifique : Éric Binet, Inrap