Une équipe d'archéologues de l'Inrap fouille actuellement un site préhistorique et paléontologique vieux de 200 000 ans à Tourville-la-Rivière (Seine-Maritime).

Dernière modification
14 janvier 2019

Situé dans un des nombreux méandres de la vallée de la Seine, à 14 km au sud de Rouen, le site est implanté dans une carrière de sables et de graviers. Cette fouille extensive renoue avec une longue tradition de recherches paléontologiques et préhistoriques menées au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle dans les carrières du Nord de la France (par Jacques Boucher-de-Perthes, l'abbé Breuil, François Bordes...). 

Sur les berges de la Seine

Le site de Tourville-la-Rivière offre une imposante séquence, de plus de 30 m de haut, reposant sur la basse terrasse de la Seine. La stratigraphie se compose de nappes d'alluvions qui se sont accumulées entre 350 000 et 130 000 ans avant notre ère. Cette succession de dépôts sédimentaires est particulièrement intéressante car elle constitue un extraordinaire enregistrement des variations climatiques et environnementales qui se sont déroulées dans la vallée de la Seine au cours du Pléistocène moyen (environ 500 000 - 150 000 avant notre ère).
La fouille se focalise sur des nappes alluviales riches en vestiges et caractéristiques de la fin d'une période interglaciaire, datant d'environ 200 000 ans.
Dans ces niveaux, épais de 1,50 à 2 m, fouillés sur une surface d'un hectare, les préhistoriens mettent au jour des restes de faune et des silex taillés. Cet outillage en pierre, vieux d'environ 200 000 ans, correspond à la culture du Moustérien ancien dont l'artisan s'inscrit dans la lignée humaine néandertalienne : il s'agit de pré-Néandertaliens, ou Néandertaliens anciens (à relier aux fossiles humains de Biache-Saint-Vaast dans le Pas-de-Calais ou de la Chaise en Charente).

Une faune de climat tempéré

Les espèces animales présentes sont tout à fait caractéristiques de ce contexte de fin de période interglaciaire : outre le cerf, attesté par de nombreuses ramures, on trouve l'aurochs et deux espèces d'équidés (dont l'hydrontin). La présence de ces herbivores grégaires s'accompagne de celle du sanglier et du rhinocéros. Plusieurs carnivores y sont associés : le loup, le renard, mais également l'ours ou encore la panthère. En plus de cette abondante grande faune, le site livre également des restes de petits mammifères (chats sauvages) ou de rongeurs (castor, lièvre).

Cette accumulation résulte, pour une large part, de phénomènes naturels : des carcasses animales, entières ou partielles, toutes espèces confondues, charriées par la Seine, viennent se déposer sur les berges ou sur des bancs de sable au pied d'une falaise crayeuse.
Les archéologues savent que les vestiges de faune ont été rapidement recouverts par les alluvions. Ce processus est notamment perceptible au travers de la bonne préservation des bois de cerf, particulièrement vulnérables lorsqu'ils séjournent trop longtemps à l'air libre.

Des outils particulièrement élaborés, remarquablement performants

L'industrie en silex est peu abondante au regard de la surface fouillée (500 objets seulement sur un hectare). Ce sont des lames et des éclats produits selon un processus particulier et complexe - la technique Levallois - qui sont mis au jour. Par exception, une petite aire de débitage concentre, sur moins de 3 m², 300 objets. Elle offre de précieuses informations sur les objectifs de production recherchés par les tailleurs pré-Néandertaliens. Le débitage est clairement orienté vers la production d'objets allongés, fins, aux bords extrêmement coupants. Elle repose sur une préparation méticuleuse du bloc de silex conditionnant la forme et la dimension des éclats recherchés par le tailleur.

L'industrie en silex apparaît tout à fait efficiente pour répondre à des besoins immédiats et spécifiques. Les éclats et lames Levallois, particulièrement élaborés sur le plan technique et remarquablement performants d'un point de vue fonctionnel, sont des instruments tout désignés pour agir dans le cadre de prélèvements de matières animales (viande, tendons, peaux...) réalisés sur la faune déposée naturellement sur les berges de la Seine.
Sans remettre en question leurs formidables talents de chasseurs et sans utiliser le terme de charognage (devant être réservé à la sphère animale), il est clair que les populations pré-Néandertaliennes ont adopté des comportements de subsistance qui impliquent la mise en oeuvre d'une stratégie technique et économique adéquate.
À Tourville-la-Rivière, les pré-Néandertaliens semblent avoir occupé les lieux dans le cadre de haltes de courtes durées. En ce sens, le site de ne correspond pas à un lieu d'implantation durable (habitat) pour ces populations. La faible quantité d'outils en silex, ou encore la faible extension spatiale des aires de production, dénote le caractère fugace des occupations humaines.

Des activités de subsistance complémentaires de la chasse

Le site de Tourville-la-Rivière permet ainsi d'enrichir la perception de la remarquable capacité d'adaptation de l'humanité néandertalienne à différentes situations dont elle a su tirer profit. En ce sens, ce contexte illustre bien la complexité des activités de subsistance complémentaires de la chasse, pratiquées par ces hommes il y a environ 200 000 ans. Les analyses à venir, menées sur les vestiges, tant sur la faune (études paléontologiques et archéozoologiques) que sur l'industrie en silex (études technologiques, examens tracéologiques), tendront à confirmer ou infirmer la vision actuelle du site.
Aménagement : CBN (Carrières et Ballastières de Normandie)
Contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie (Drac Haute-Normandie)
Responsable scientifique : Jean-Philippe Faivre, Inrap
Contact(s) :

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chargée de communication médias
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