À l’issue d’un chantier de rénovation d’une envergure exceptionnelle qui aura duré près d’une décennie, le musée des Beaux-Arts de Dijon ouvre ses portes le 17 mai 2019. Dans le cadre d’une série de fouilles prescrites depuis 2016 par la Drac Bourgogne-Franche-Comté, les archéologues de l’Inrap ont pu étudier le sous-sol du bâtiment donnant sur la place de la Sainte-Chapelle, les sols des étages de la tour « de Bar » et le pignon de l’ancienne cuisine.

Dernière modification
14 mai 2019

Le musée des Beaux-Arts de Dijon occupe le palais des ducs de Bourgogne édifié à la fin du Moyen Âge, devenu ensuite « logis du roi » au XVIe siècle, puis « palais des états » à la fin du XVIIe siècle. Depuis 2016, suivant le calendrier de rénovation, l’Inrap a mené des fouilles archéologiques dans la cour et sous l’aile principale du musée construite au XIXe siècle à l’emplacement de la « Sainte-Chapelle » détruite après la Révolution. Les archéologues ont aussi pu détailler les élévations et fouiller les sols des étages de la tour « de Bar », construite à partir de 1367 par le duc Philippe le Hardi. Ils ont également examiné le pignon de l’ancienne cuisine, édifiée de 1436 à 1439. Ainsi, du fond des caves, à 5 m de profondeur, jusqu’aux murs de la Tour de Bar, à plus de 20 m de hauteur, s’étagent les témoignages de vingt siècles d’histoire de la ville et de la résidence ducale, aujourd’hui devenue musée.

Sous les caves du musée, les plus anciens témoins d’habitat de l’antique Divio

Les plus anciens vestiges découverts sont ceux d’un bâtiment sur poteaux de bois. Comportant une pièce excavée, il est bordé sur l’extérieur par un fossé, doublé d’une cloison en bois. Cet ensemble de tradition gauloise est détruit vers l’an 15 de notre ère. Ensuite, sont aménagées au moins deux caves romaines. L’une, de petite taille, est creusée dans le sol et a livré des restes alimentaires carbonisés. La deuxième est plus grande et soigneusement maçonnée.  Après de nouvelles destructions intervenues vers l’an 70 de notre ère, une autre série de petites excavations aux parois de pierres sèches évoque la mise en place de réserves alimentaires enterrées, et éventuellement de latrines, comblées dans la seconde moitié du IIe siècle. Puis un ensemble de fonds de fondations maçonnées esquisse le plan en grille d’un bâtiment plus grand, en pièces étroites.

Dans le noyau urbain du castrum, l’installation de la résidence ducale

Vers la fin du IIIe ou le début du IVe siècle de notre ère, la petite agglomération, encore très mal connue, se resserre dans les fortifications du « castrum ». Le site du musée s’inscrit dans ce noyau de la ville actuelle, non loin du premier groupe d’églises chrétiennes de Dijon – aujourd’hui évoqué par « la Nef » qui occupe l’ancienne église St-Etienne. Après la prise de possession du castrum par le roi Robert le Pieux en 1016, ses descendants devenus ducs de Bourgogne installent leur résidence dans ce secteur, au droit de la muraille flanquée de tours semi-circulaires. À 1,30 m de profondeur sous la cour actuelle et sous la « tour de Bar », des murs arasés, des sols et des déchets alimentaires des XIe-XIIe siècles renvoient à ce contexte. Deux puits au moins sont attestés parmi les constructions qui se succèdent jusqu’au XIVe siècle.

Du palais des ducs Valois au « logis du roy » : archéologie des étages et vaisselier des latrines

« Tour neuve » hébergeant la famille ducale vers 1375, la tour « de Bar » est le vestige le plus ancien du palais, encore conservé aujourd’hui. Ses maçonneries ont été inspectées de bas en haut. Pour cette attentive étude du bâti, les archéologues ont fait appel à la photogrammétrie. La fouille du premier étage a livré des témoins du chantier médiéval, fait exceptionnel car ces vestiges se conservent habituellement assez mal : ici, chevilles en bois, fragments de cuir ou épis de céréales ont été piégés entre les étages et ainsi pu être préservés, à l’abri de l’air et de la lumière. Le tout était en effet scellé par le mortier de pose du pavement de la pièce, où se lisait la disposition des carreaux. Le second étage avait gardé son plancher du XIVe siècle (plancher « structurel » : on ne marchait pas dessus), couvert par un lit de torchis qui supportait le sol fini. La datation dendrochronologique (étude des cernes du bois) des planches les plus récentes indique que ces dernières proviennent d’arbres abattus pendant l'hiver 1376-1377. Le pignon des cuisines du XVe siècle fait quant à lui affleurer les traces de la paneterie détruite. Enfin, des fondations de la Sainte-Chapelle du XVIe siècle et une fosse de latrines, riche en beaux fragments de vaisselle et de verre des XVIe-XVIIe siècle ont pu être identifiées dans les caves du musée.

Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l'archéologie Drac Bourgogne-Franche-Comté
Recherches archéologiques : Inrap
Responsable scientifique : Benjamin Saint-Jean Vitus, Inrap